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Ceci montre aux provinces'

Que, tout compté, mieux vaut, en bonne foi,
S'abandonner à quelque puissant roi,

Que s'appuyer de plusieurs petits princes.

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la page 245, et ajoutez à cette note des renvois à M. Marty-Laveaux, Essai sur la langue de la Fontaine, p. 22-23, et à un premier exemple de canaille au livre I, fable x1x, vers 16.

22. Comparez, un peu plus haut, pour un emploi analogue du mot province, le vers 6 de la fable xiv.

FABLE XIX.

L'avantage dE LA SCIENCE.

Phèdre, livre IV, fab. 21, Naufragium Simonidis.

Abstemius,

fab. 145, de Viro divite illiterato et Inope docto. Érasme, Aristippi apophthegmata, § 61, Vera bona animi, p. 199 (Lyon, 1548). Mythologia sopica Neveleti, p. 440, p. 596.

Geruzez cite, comme se rapportant à ce sujet, ces vers de Melin de Saint-Gelays (OEuvres complètes, 1873, tome II, p. 39):

Dy moy, amy, que vaut-il mieux avoir ?

Beaucoup de biens, ou beaucoup de sçavoir?
Je n'en sçay rien, mais les sçavans je voy
Faire la cour à ceux qui ont de quoy.

C'est ce que la femme d'Hiéron, dans la Rhétorique d'Aristote (livre II, chapitre xvi), demande à Simonide, et ce que celui-ci répond, sans faire la réserve : « Je n'en sçay rien. » Les faits ne lui laissent pas de doute sur l'avantage de la richesse. Un autre poëte du seizième siècle, Charles Fontaine, va plus loin, et, avec une mordante ironie, nous dit que l'argent donne la science, la vraie science désirable:

En tout honneur et excellence
Quiconque veut aller avant,
Quierre l'argent, non la science,
Les lettres n'aille poursuivant.
Pour faire un sçavant, la ressource
La plus certaine, c'est l'argent :
Aujourd'hui l'homme est fort sçavant
Qui sçait force écus en sa bourse.

(Les Poëtes français depuis le douzième siècle jusqu'à Malherbe,
Crapelet, 1824, tome III, p. 144.)

Cette pensée a été bien souvent développée par les satiriques et les moralistes voyez Horace (livre I, épître vi, vers 36-38; livre II, satire I, vers 94-98), Boileau (satire VIII, vers 203-210), la Bruyère (des Biens de fortune, passim), etc. « Il serait trèsmalheureux, dit Chamfort, que l'utilité de la science ne pût se

prouver que dans une circonstance aussi fâcheuse que la ruine d'une ville. La société ordinaire offre une multitude d'occasions où ses avantages deviennent frappants; et l'apologue de la Fontaine ne prouve pas assez en faveur de la science. Il laisse à l'ignorant trop de choses à répondre. » C'est vrai, mais ajoutons qu'il ne suit pas de là que l'auteur, ayant à choisir entre les preuves de fait dont il pouvait appuyer sa thèse, ait eu tort d'en choisir une vraiment frappante. Saint-Marc Girardin, dans sa xr leçon (tome I, p. 390-395), prend occasion de cette fable pour prouver que « la Fontaine, comme, de son côté, Molière, ne veut pas que les érudits, et surtout les pédants, remplacent les gens d'esprit ; mais qu'il ne veut pas non plus que la science et l'érudition soient trop décriées. » Il cite à ce sujet une conversation piquante entre Bautru et le commandeur de Jars, rapportée par Saint-Évremond dans une lettre au comte d'Olonne. Mais de quelle science parle notre poëte? La question fournit au professeur moraliste de spirituels développements dans sa xv lecon (tome II, p. 53-56). M. Taine (p. 141-142) relève ce qu'il y a de grossier dans les plaisanteries du bourgeois riche, « ce gros rire libertin qui n'est qu'une fanfaronnade de mauvais goût. »>

Comparez la fable de tout autre morale, le Marchand, le Gentilhomme, le Pátre, et le Fils de roi, xve du livre X.

Entre deux Bourgeois d'une ville
S'émut1 jadis un différend2:

L'un étoit pauvre, mais habile3;

1. Pour l'orthographe du mot, voyez, ci-dessus, p. 293, note 14. - S'émut, s'éleva, comme dans l'épigramme v de Racine :

Ces jours passés, chez un vieil histrion,
Grand chroniqueur, s'émut en question
Quand à Paris commença la méthode

De ces sifflets qui sont tant à la mode, etc.

Émut a le même sens, non réfléchi, avec débat pour complément, dans le vers 385 des Fácheux de Molière; et, réfléchi, dans la Clymène de notre auteur (tome IV M.-L., p. 139).

2. « Différent », dans les éditions de 1688, 1708; mais « différend » dans celles de 1678, 82, 1729, malgré la rime « ignorant ». 3. Instruit, sens suffisamment déterminé par l'antithèse ignorant. Comparez livre IX, fable X, vers 31-32.

L'autre riche, mais ignorant.

Celui-ci sur son concurrent

Vouloit emporter l'avantage,

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Prétendoit que tout homme sage

Étoit tenu de l'honorer.

C'étoit tout homme sot; car pourquoi révérer

Des biens dépourvus de mérite?

La raison m'en semble petite.

« Mon ami, disoit-il souvent
Au savant,

Vous vous croyez considérable*;

Mais, dites-moi, tenez-vous table?

Que sert à vos pareils de lire incessamment"?
Ils sont toujours logés à la troisième chambre,
Vêtus au mois de juin comme au mois de décembre,

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4. L'ellipse est claire : « c'était tout homme sot, et non tout homme sage qu'il fallait dire. » Même opposition entre sage et sot au vers 18 de la fable XII.

5. Digne de considération. Le mot a vieilli dans ce sens.

6. Sans cesse, comme dans ce vers de Boileau (l'Art poétique, chant III, vers 283):

La vieillesse chagrine incessamment amasse.

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Voyez ci-dessus, p. 24 et note a. Littré nous fait remarquer qu'il n'a pas trouvé d'exemple antérieur au dix-septième siècle de l'autre sens, devenu depuis très-ordinaire : « au plus tôt. »

7. Chambre « dans le sens d'étage, inusité aujourd'hui, » dit Littré. Les maisons n'avaient pas même largeur ni même hauteur que de nos jours, et « troisième chambre » équivaut à « grenier » au sens qu'il a dans le propos suivant rapporté par Chamfort : « M. de Castries, raconte-t-il, dans le temps de la querelle de Diderot et de Rousseau, dit avec impertinence à M. de R***, qui me l'a répété : « Cela est incroyable, on ne parle que de ces gens-là, gens sans état, « qui n'ont point de maison, logés dans un grenier : on ne s'accou« tume point à cela. » Nous avons déjà rapporté, d'après M. Taine, dans la note 15 de la fable xv, une boutade de M. de Castries, qui a quelque analogie avec celle-ci. Voyez la Bruyère, des Biens de Fortune, no 56, tome I, p. 263.

Ayant pour tout laquais leur ombre seulement.
La République' a bien affaire 1o
De gens qui ne dépensent rien!

Je ne sais d'homme nécessaire

Que celui dont le luxe épand beaucoup de bien".
Nous en usons, Dieu sait 11! notre plaisir occupe
L'artisan, le vendeur, celui qui fait la jupe13,

Et celle qui la porte, et vous, qui dédiez
A Messieurs les gens de finance
De méchants" livres bien payés1.
Ces mots remplis d'impertinence

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8. Quibus umbra sua famulatur unice. (Epistolæ obscurorum virorum.) Nous n'avons pu trouver dans les trois éditions de ce curieux recueil que nous avons eues entre les mains (de Francfort, 1599, in-12, de Londres, 1710, in-12, de Leipsick, 1864, in-12) cette citation de Solvet.

9. L'État, dans le sens du latin, respublica: voyez la fable 1 de ce livre, vers 49, et la fable vin du livre XI, vers 31.

10. Comparez la fable x1 du livre II, vers 11.

11. C'est la doctrine sur l'utilité du luxe que l'on peut voir développée par Voltaire dans le Mondain et dans la Défense du Mon– dain ou Apologie du luxe (OEuvres, tome XIV, p. 126 et 135).

D

12. Pour « Dieu le sait, Dieu sait combien! » - « User du luxe » n'est pas une locution courante, mais cela n'empêche qu'elle ne soit juste et claire.

13. L'ouvrier, le marchand, le tailleur pour femmes, très-commun alors, et qui l'est, dit-on, redevenu.

14. Voyez ci-dessus, p. 249 et note 8.

15. On se souvient des noms du surintendant Foucquet, de Montauron, trésorier de l'Épargne; les gens de lettres durent alors à plus d'un homme de finance des bienfaits qui n'étaient pas toujours gâtés par l'insolence. Voyez dans Corneille l'Építre dédicatoire de Cinna à M. de Montauron, et le sévère jugement qu'en porte Voltaire, dans ses Commentaires sur Corneille, tome XXXV des OEuvres, p. 195, et dans le Dictionnaire philosophique, ibidem, tome XXVII, p. 209 et 542. M. d'Hervart, qui recueillit la Fontaine après la mort de Mme de la Sablière, et chez qui il mourut, était aussi un financier, un ancien contrôleur général. — Comparez les derniers vers de la fable xiv du livre I.

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