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homme pauvre

Le chat prenoit l'argent. A la fin le
S'en courut chez celui qu'il ne réveilloit plus":

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« Rendez-moi, lui dit-il, mes chansons et mon somme, Et reprenez vos cent écus 18.

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15. Ainsi l'Harpagon de Molière, qui se méfie de la Flèche : « Je tremble qu'il n'ait soupçonné quelque chose de mon argent >> (acte I, scène ); et un peu plus loin (ibidem, scène Iv), voyant Cléante et Élise qui se font des signes : « Je crois qu'ils se font signe l'un à l'autre de me voler ma bourse; » enfin (acte IV, scène vII): « Quel bruit fait-on là-haut? »

16. Même emploi du mot pauvre, au livre VII, fable vi, vers 44, en parlant d'un semblable état de « malheureuse richesse », divitias miseras! comme dit Horace dans un tout autre sens, il est vrai (satire vi du livre II, vers 18).

17. Chez Horace, le crieur Vulteius a la même hâte d'être rendu à sa vie d'autrefois; la fin du récit a le même mouvement pittoresque : Offensus damnis, media de nocte caballum Arripit, iratusque Philippi tendit ad ædes....

18. Dans le sermon de Barleta cité à la notice (p. 215): Tolle in malam horam (« à la male heure! », voyez Littré, HEURE, 13o). Felix est status pauperis, quando, cum familia sua, acquirit victum bona conscientia. Dans des Périers, le dénouement est et devait être différent. «< A la fin il se vint à recognoistre, disant en soimesme : « Comment? ie ne fais que penser en mon pot!... Bah! le << diable y ait part au pot! il me porte malheur ! » En effect, il le va prendre gentiment, et le jette en la rivière, et noya toute sa melancholie avec ce pot. » — Les cent écus ôtent la joie au pauvre Savetier du fabuliste, tandis que Franklin ne permet la joie à l'artisan qui se met à son école que le jour où il a su gagner les cent écus différence profonde qui mesure tout un abîme entre deux mondes. L'imprévoyance heureuse, la vie au jour le jour, voilà l'ancien régime; la prévoyance, comme condition et moyen du bonheur, voilà le nouveau. » (H. BAUDRILLART, article sur Franklin, dans le Journal des Débats du 19 novembre 1867.)

«

La belle fable du poëte russe Kryloff (vir° du livre I), intitulée le Riche pauvre dans la traduction en vers français de M. Ch. Parfait, tend au même but, à la même vérité que celle de la Fontaine; le sujet est autrement conçu, mais la moralité est identique : il s'agit d'un gueux, qui, subitement devenu riche, perd repos et santé, mais, moins sage que notre Savetier, garde son or, n'ose en jouir, et finit par mourir dessus.

FABLE III.

LE LION, LE LOUP, ET LE RENARD.

Esope, fab. 72, Λύων καὶ Δύκος καὶ Ἀλώπηξ (Coray, p. 43). Faërne, fab. 99, Leo, Lupus et Vulpes.

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Detti et fatti, etc. (Venise, 1569), p. 67.

Lodovico Guicciardini,

G. Cognatus, p. 47,

de Leone, Lupo et Vulpe. Boursault, le Lion décrépit, dans la scène I de l'acte IV d'Ésope à la cour.

Mythologia sopica Neveleti, p. 148.

Cette fable parut pour la première fois en 1671, dans le recueil intitulé Fables nouvelles et autres poésies de M. de la Fontaine.

Ce sujet a fourni toute une branche au Roman du Renart (édition Méon, tome II, p. 3o5 et suivantes, vers 17871 et suivants): de Renart si come il fu mires (médecin). Pour les textes latins et étrangers de cette branche du roman, on peut voir les analyses de J. Grimm dans son Reinhart Fuchs, p. LIX-LXIII, LXXII-LXXIII, CVICVII, CLIII'. A la même tradition appartient le beau récit, en prose latine, reproduit par Robert (tome II, p. 559-560), d'après un manuscrit du quatorzième siècle, et que nous reproduisons nousmêmes à l'Appendice; Saint-Marc Girardin l'a traduit tout au long et commenté dans sa viro leçon (tome I, p. 210-215); il y voit « une scène que la fable de la Fontaine n'égale pas. » C'est que, bien probablement, celui-ci n'a pas connu le texte original du moyen âge; il s'en est tenu, ainsi que Faërne, aux données du recueil ésopique. Le même talent est loin d'animer quelques autres compositions, qui résument sans doute aussi l'épisode du roman la fable 59 de Marie de France, dou Lion qui manda le Werpil; le n° 1x des fables réunies sous le titre de Fabule extravagantes dans les

1. A la page CLI il s'agit de l'aventure vi du poëme flamand, où, comme au chant x du Reineke Fuchs de Goethe, l'histoire est bien refroidie. Grimm, p. 432-441, donne encore du Lion malade un texte allemand qui remonte au début du quinzième siècle.

2. Grimm, qui en a réimprimé plusieurs dans le volume cité (entre autres ce n° 1x voyez p. 425-427, Vulpes, Lupus et Leo),

recueils du quinzième siècle, de Vulpe et Lupo piscatore3 et Leone; la fable 55 de la 1" partie d'Haudent : d'un Loup, d'un Lion et d'un Regnard.

Le même sujet a été traité en vers latins, sous le titre de Leo æger, Vulpes et Lupus, par Charles du Périer, le rival de Santeul, le neveu de François du Périer auquel Malherbe adressa des stances si touchantes; le texte latin et une traduction en vers français par Ch. Perrault ont été insérés dans le Carpentariana (Amsterdam, 1741), p. 262-270.

M. Taine (p. 97-98) analyse cette fable avec sa verve habituelle, et montre dans le discours du Renard le manége adroit et perfide du courtisan qui se venge d'un rival.

Un Lion, décrépit, goutteux, n'en pouvant plus,
Vouloit que l'on trouvȧt remède à la vieillesse.
Alléguer l'impossible aux rois, c'est un abus.

pense qu'elles ont été écrites en France au quatorzième siècle. Elles ont été traduites vers la fin du quinzième par le P. Julien (Macho), des Augustins de Lyon (dans un volume qui porte en tête les Subtilles fables d'Esope, et est daté de Lyon, 1494). Robert les a analysées, mais en y ajoutant plus d'un trait à lui, tome I, p. xcv-ci. 3. L'histoire de la pêche du Loup, annoncée ainsi dans le titre, est aussi tirée du roman et sert comme de prologue à la fable.

4. « Vers qui peint par le nombre comme par l'expression; cet artifice de prosodie est familier à la Fontaine, » dit Nodier, et il compare le vers 5 de la fable Ix du livre VII.

5. Un abus, une erreur, comme, par exemple, dans le vers 825 de l'Héraclius de Corneille :

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Qu'un si charmant abus seroit à préférer

A l'âpre vérité qui vient de m'éclairer!

Voyez le conte xvi de la II° partie, vers 10 et 81; et passim. « M. de Calonne a commenté ce vers en répondant à la reine Marie-Antoinette, qui lui demandait un service : « Madame, si c'est possible, c'est fait; si c'est impossible, ça se fera. »> (Note de Geruzez.) Colincamp rapproche de ce passage le morceau de la scène i de l'Impromptu de Versailles qui commence par ces mots (tome III, p. 391): « Les rois n'aiment rien tant qu'une prompte obéissance, etc. » Comparez aussi Amphitryon, vers 168-187.

Celui-ci parmi chaque espèce

Manda des médecins; il en est de tous arts".
Médecins au Lion viennent de toutes parts;

De tous côtés lui vient' des donneurs de recettes.
Dans les visites qui sont faites,

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Le Renard se dispense et se tient clos et coi3.
Le Loup en fait sa cour, daube, au coucher du Roi,
Son camarade absent. Le Prince tout à l'heure
Veut qu'on aille enfumer Renard dans sa demeure,
Qu'on le fasse venir. Il vient, est présenté;
Et, sachant que le Loup lui faisoit cette affaire :
« Je crains, Sire, dit-il, qu'un rapport peu sincère
Ne m'ait à mépris imputé

D'avoir différé cet hommage;
Mais j'étois en pèlerinage 10,

Et m'acquittois d'un vœu fait pour votre santé.
Même j'ai vu dans mon voyage

Gens experts et savants", leur ai dit la langueur

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6. De tous les systèmes, de toutes les pratiques, depuis les médecins les plus méthodiques jusqu'aux plus empiriques, jusqu'aux simples donneurs de recettes.

7. Par une licence assez remarquable, le pronom il est sous-entendu; l'inversion du verbe et le nombre indiquent seuls qu'il est pris impersonnellement.

8. Se dispense de venir, s'abstient. Se dispenser est employé absolument, comme dispenser l'a été par Corneille dans le vers 1181 de la Suite du Menteur (tome IV, p. 350) :

L'occasion convie, aide, engage, dispense.

9. Heureuse modification de la locution plus ordinaire : se tenir clos et couvert. Pour coi, voyez ci-après p. 271, note 7.

10. Le Renard de Faërne a consulté tous les médecins, et tous les temples, c'est-à-dire les oracles (vers 20) :

Omnes medentes, fana consului omnia.

11. Dans le roman, et dans la vieille fable latine donnée par Ro

Dont Votre Majesté craint, à bon droit, la suite.
Vous ne manquez que de chaleur;

Le long âge en vous l'a détruite.

D'un loup écorché vif appliquez-vous la peau
Toute chaude et toute fumante;

Le secret sans doute en est beau
Pour la nature défaillante.

Messire Loup vous servira,

S'il vous plaît, de robe de chambre 13.
Le Roi goûte cet avis-là :

On écorche, on taille, on démembre
Messire Loup. Le Monarque en soupa,
Et de sa peau s'enveloppa.

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Messieurs les courtisans, cessez de vous détruire;
Faites, si vous pouvez, votre cour sans vous nuire.
Le mal se rend chez vous au quadruple du bien.

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bert, Renart annonce qu'il arrive de Salerne, la ville si connue par sa fameuse école de médecine.

12. « Faictez escorcher Panurge, et de sa peau couurez-vous. » (RABELAIS, le quart livre, chapitre xxiv, tome II, p. 356.)

13. « Cette plaisanterie.... n'est pas à sa place, dit Geruzez. Si le Renard l'a faite, il a dû attendre que son camarade fût écorché. Le poëte prend ici la place du personnage, distraction fort rare chez la Fontaine. » M. Taine (p. 98) voit là, au contraire, un trait naturel dans sa cruauté: « Et là-dessus, savourant, dit-il, tous les mots, surtout le plus atroce, le Renard ajoute :

D'un loup écorché vif appliquez-vous la peau
Toute chaude et toute fumante.

Il se tourne à demi vers son cher camarade comme pour lui demander permission, lui fait un petit salut poli, et dit agréablement pour égayer la chose :

Messire Loup vous servira,

S'il vous plaît, de robe de chambre.

Le voilà (le courtisan) enfin dans son naturel, c'est-à-dire rail

J. DE LA Fontaine. II

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