augmentée que dans le cas où ses souffrances viendraient à croître : et s'il en meurt, sa vertu ne saurait aller plus loin, elle est héroïque elle est parfaite. CHAPITRE III. Des Femmes. Les hommes et les femmes conviennent ra JES rement sur le mérite d'une femme : leurs inrêts sont trop différens. Les femmes ne se plaisent point les unes aux autres par les mêmes agrémens qu'elles plaisent aux hommes : mille manières qui allument dans ceux-ci les grandes passions forment entre elles l'aversion et l'antipathie. Il y a dans quelques femmes une grandeur artificielle, attachée au mouvement des yeux, à un air de tête, aux façons de marcher, et qui ne va pas plus loin; un esprit éblouissant y qui qui impose, et que l'on n'estime que parce qu'il n'est pas approfondi. Il a dans quelques autres une grandeur simple, naturelle indépendante du geste et de la démarche, a sa source dans le cœur, et qui est comme une suite de leur haute naissance; un mérite paisible, mais solide, accompagné de mille vertus qu'elles ne peuvent couvrir de toute leur modestie, qui échappent, et qui se montrent à ceux qui ont des yeux. J'ai vu souhaiter d'être fille, et une belle fille, depuis treize ans jusques à vingt-deux, et après cet âge de devenir un homme. Quelques jeunes personnes ne connaissent point assez les avantages d'une heureuse nature, et combien il leur serait utile de s'y abandonner. Elles affaiblissent ces dons du ciel, si rares et si fragiles, par des manières affectées, et par une mauvaise imitation. Leur son de voix et leur démarche sont empruntés : elles se composent, elles se recherchent, regardent dans un miroir si elles s'éloignent assez de leur naturel : ce n'est pas sans peine qu'elles plaisent moins. Chez les femmes, se parer et se farder n'est pas, je l'avoue, parler contre sa pensée : c'est 79 plus aussi que le travestissement et la mascarade, où l'on ne se donne point pour ce que l'on paraît être, mais où l'on pense seulement à se cacher et à se faire ignorer : c'est chercher à imposer aux yeux, et vouloir paraître selon l'extérieur contre la vérité : c'est une espèce de menterie. Il faut juger des femmes depuis la chaussure jusqu'à la coiffure exclusivement, à peu près comme on mesure le poisson entre queue et tête. Si les femmes veulent seulement être belles à leurs propres yeux et se plaire à elles-mêmes, elles peuvent sans doute, dans la manière de s'embellir, dans le choix des ajustemens et de la parure, suivre leur goût et leur caprice: mais si c'est aux hommes qu'elles désirent de plaire, si c'est pour eux qu'elles se fardent ou qu'elles s'enluminent, j'ai recueilli les voix, et je leur prononce, de la part de tous les hommes ou de la plus grande partie, que le blanc et le rouge les rend affreuses et dégoûtantes; que le rouge seul les vieillit et les déguise; qu'ils haïssent autant à les voir avec de la céruse sur le visage, qu'avec de fausses dents en la bouche, et des boules de cire dans les mâchoires; qu'ils protestent sérieusement contre tout l'artifice dont elles usent pour se rendre laides; et que bien loin d'en répondre devant Dieu, il semble au contraire qu'il leur ait réservé ce dernier et infaillible moyen de guérir des femmes. Si les femmes étaient telles naturellement qu'elles le deviennent par artifice, qu'elles perdissent en un moment toute la fraîcheur de leur teint, qu'elles eussent le visage aussi allumé et aussi plombé qu'elles se le font par le rouge et par la peinture dont elles se fardent, elles seraient inconsolables. Une femme coquette ne se rend point sur la passion de plaire, et sur l'opinion qu'elle a de sa beauté. Elle regarde le temps et les années comme quelque chose seulement qui ride et qui enlaidit les autres femmes : elle oublie du moins que l'âge est écrit sur le visage. La même parure qui a autrefois embelli sa jeunesse, défigure enfin sa personne, éclaire les défauts de sa vieillesse. La mignardise et l'affectation l'accompagnent dans la douleur et dans la fièvre : elle meurt parée et en rubans de couleur, Lise (1) entend dire d'une autre coquette qu'elle se moque de se piquer de jeunesse et de vouloir user d'ajustemens qui ne conviennent plus à une femme de quarante ans. Lise les a accomplis, mais les années pour elle ont moins de douze mois et ne la vieillissent point. Elle le croit ainsi : et pendant qu'elle se regarde au miroir, qu'elle met du rouge sur son visage et qu'elle place des mouches, elle convient qu'il n'est pas permis à un certain âge de faire la jeune, et que Clarisse en effet avec ses mouches et son rouge est ridicule. Les femmes se préparent pour leurs amans, si elles les attendent; mais si elles en sont surprises, elles oublient à leur arrivée l'état où elles se trouvent, elles ne se voient plus. Elles ont plus de loisir avec les indifférens; elles sentent le désordre où elles sont, s'ajustent en leur présence, ou disparaissent un moment, et reviennent parées. Un beau visage est le plus beau de tous les (1) La présidente d'Osambray, femme de M. de Bocquemare, président en la seconde des enquêtes du palais. |