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fans la revendiquer comme un vol qui luy avoit efté fait par cet Auteur. Voici donc comme il l'employe dans la vie d'Agathocle. N'est-ce pas une chofe eftrange, qu'il ait ravi fa propre coufine qui venoit d'eftre mariée à un autre, qu'il l'ait, dis-je, ravie le lendemain mefme de fes nopces? Car qui eft-ce qui euft voulu faire cela; s'il cuft eu des vierges aux yeux, & non pas des prunelles impudiques? Mais que dirons-nous de Platon, quoy que divin d'ailleurs, qui voulant parler de ces Tablettes de bois de cyprez, où l'on devoit escrire les Actes publics, ufe de cette pensée. Ayant écrit toutes ces chofes, ils poferont dans les Temples ces monumens de cyprés. Et ailleurs à propos des murs. Pour ce qui est des murs, dit-il, Megillus, je fuis de l'avis de Spar# n'y avoit te, de les laiffer dormir, & de ne les point faire lever tandis qu'ils font couchez par terre. Il y a quelque chofe d'auffi ridicule dans Herodote, quand il appelle les belles femmes, le mal des yeux. Cecy neanmoins semble en quelque façon pardonnable à l'endroit où il eft: parceque ce font des Barbares qui le difent dans le vin & la débauche: mais comme ces perfonnes ne font pas de fort grande confideration, il ne faloit pas pour en rapporter un méchant mot, fe mettre au hazard de déplaire à toute la pofterité.

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Tailles à Sparte

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CHAPITRE I V.

De l'origine du Stile Froid.

OUTES ces affectations cependant fi baffes & fi pueriles ne viennent que d'une feule cause c'eft à fçavoir de ce qu'on cherche trop la nouveauté dans les pensées, qui eft la manie fur tout des Ecrivains d'aujourd'hui. Car du mefme endroit que vient le bien, affez fouvent vient auffi le mal. Ainfi voionsnous que ce qui contribue le plus en de certaines occafions à embellir nos Ouvrages : ce qui fait, disje, la beauté, la grandeur, les graces de l'Elocution, cela mesme en d'autres rencontres eft quelquefois cause du contraire ; comme on le peut aifément reconnoistre dans les Hyperboles & dans ces autres figures qu'on appelle Pluriels. En effet nous montrerons dans la fuite, combien il eft dangereux de s'en fervir. Il faut donc voir maintenant comment nous pourrons éviter ces vices qui fe gliffent quelquefois dans le Sublime. Or nous en viendrons à bout fans doute, fi nous nous acquerons d'abord une connoiffance nette & diftincte du veritable Sublime; & fi nous apprenons à en bien juger, qui n'eft pas une chofe peu difficile: puis qu' enfin de fçavoir bien juger du fort & du foible d'un Difcours, ce ne peut eftre que l'effet d'un long usage, & le dernier fruict, pour ainsi dire, d'une estude confommée. Mais par avance, voici peut-eftre un chemin pour y parvenir.

CHAPITRE V.

Des Moiens en general pour connoiftre le Sublime.

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L faut fçavoir, mon cher Terentianus, dans la vie ordinaire on ne peut point dire qu'une chofe ait rien de Grand, quand le mépris qu'on fait de cette chose tient lui-mefme du Grand. Telles font les Richeffes, les Dignitez, les Honneurs, les Empires & tous ces autres biens en apparence qui n'ont qu'un certain faste au dehors, & quine pafferont jamais pour de veritables biens dans l'efprit d'un Sage: puis qu'au contraire ce n'eft pas un petit avantage que de les pouvoir méprifer. D'où vient auffi qu'on admire beaucoup moins ceux qui les poffedent, que ceux qui les pouvant poffeder, les rejettent par une pure grandeur

d'ame.

Nous devons faire le mefme jugement à l'égard des ouvrages des Poëtes & des Orateurs. Je veux dire, qu'il faut bien fe donner de garde d'y prendre pour Sublime une certaine apparence de grandeur bastie ordinairement fur de grands mots assemblez au hazard, & qui n'eft, à la bien examiner, qu'une vaine enflûre de paroles plus digne en effet de mépris que d'admiration. Car tout ce qui eft veritablement Sublime a cela de propre, quand on l'écoute, qu'il efleve l'ame, & lui fait concevoir une plus haute opinion

'd'elle mesme, la rempliffant de joie & de je ne fçay quel noble orgueil, comme fi c'eftoit elle qui cuft produit les chofes qu'elle vient fimplement d'entendre.

Quand donc un homme de bon fens & habile en ces matieres entendra reciter un ouvrage, fi aprés l'avoir ouï plufieurs fois, il ne fent point qu'il lui efleve l'ame, & lui laisse dans l'efprit une idée qui soit mesme au deffus de fes paroles: mais fi au contraire, en le regardant avec attention, il trouve qu'il tombe & ne fe foûtienne pas; il n'y a point là de Grand: puis qu'enfin ce n'eft qu'un fon de paroles qui frappe fimplement l'oreille, & dont il ne demeure rien dans l'efprit. La marque infaillible du Sublime, c'est quand nous fentons qu'un Difcours nous laisse beaucoup à penser, fait d'abord un effet fur nous auquel il est bien difficile,pour ne pas dire impoffible,de resister,& qu'enfuite le fouvenir nous en dure, & ne s'efface qu'avec peine. En un mot, figurez-vous qu'une chose est veritablement Sublime, quand vous voiez qu'elle plaist universellement & dans toutes fes parties. Car lors qu'en un grand nombre de perfonnes differentes de profeffion & d'âge, & qui n'ont aucun rapport ni d'humeurs ni d'inclinations, tout le monde vient à estre frappé également de quelque endroit d'un dif cours; ce jugement & cette approbation uniforme de tant d'efprits fi difcordans d'ailleurs, eft une preuve certaine & indubitable qu'il y a là du Merveilleux & du Grand..

CHAPITRE VI

Des cinq Sources du Grand.

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comLy a pour ainfi dire, cinq Sources principales du Sublime: mais ces cinq Sources préfuppofent, comme pour fondement coinmun, une Faculte de bien par ler; fans quoi tout le reste n'est rien.

Cela pofé, la premiere & la plus confiderable est une certaine Elevation d'efprit qui nous fait penser beureufement les chofes : comme nous l'avons déja montré dans nos commentaires fur Xenophon.

La feconde confifte dans le Pathetique: j'entens par Pathetique, cet Enthoufiafine, & cette vehemence naturelle qui touche & qui émeut. Au reste à l'égard de ces deux premieres, elles doivent presque tout à la Nature, & il faut qu'elles naiffent en nous: au lieu que les autres dépendent de l'Art en partie.

La troifiéme n'eft autre chofe, que les Figures tournées d'une certaine maniere. Or les Figures font de deux fortes les Figures de Pensée, & les Figures de Diction.

Nous mettons pour la quatriefine, la Nobleffe de l'expression, qui a deux parties, le choix des mots, & la diction elegante & figurée.

Pour la cinquiémne qui eft celle, à proprement parler, qui produit le Grand & qui renferme en foi toutes les autres, c'est la Compofition & Larrangement des paroles dans toute leur magnificence ) leur dignité.

Examinons maintenant ce qu'il y a de remarquable

dans

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