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demandaient que le concile réformât le pape et sa cour, qu'il n'y eût tout au plus que yingt-quatre cardinaux, ainsi que le concile de Bâle l'avait statué (1562); ne songeant pas que ce petit nombre les rendait plus considérables. Ferdinand Ir demandait encore que chaque nation priât Dieu dans sa langue, que le calice fût accordé aux laïques, et qu'on laissât les princes allemands maîtres des biens ecclésiastiques dont ils s'étaient emparés.

On faisait de telles propositions quand on était mécontent du siège de Rome, et on les oubliait quand on s'était rapproché.

La dispute sur le calice dura long-temps. Plusieurs théologiens affirmèrent que la coupe n'est pas nécessaire à la communion; que la manne du désert, figure de l'eucharistie, avait été mangée sans boire; que Jonathas ne but point en mangeant son miel; que Jésus-Christ en donnant le pain aux apôtres les traita en laïques, et qu'il les fit prêtres en leur donnant le vin. Cette question. fut décidée avant l'arrivée du cardinal de Lorraine; mais ensuite on laissa au pape la liberté d'accorder ou de refuser le vin aux laïques, selon qu'il le trouverait plus, convenable.

La question du droit divin se renouvelait toujours, et divisait le concile: c'est à cette occasion que le jésuite Lainez, successeur d'Ignace dans le généralat de son ordre, et théologien du pape au concile, dit »que les vautres Eglises ne peuvent réformer la cour

»romaine, parce que l'esclave n'est pas au»dessus de son seigneur.<<

Les évêques italiens étaient de son avis; ils ne reconnaissaient le droit divin que dans le pape. Les évêques français, arrivés avec le cardinal de Lorraine, se joignent aux Espagnols contre la cour de Rome; et les prélats italiens disaient que le concile était tombé della rogna spagnuola nel mal francese.

(1563) Il fallut négocier, intriguer, répandre l'argent. Les légats gagnaient autant qu'ils pouvaient les théologiens étrangers: il y eut surtout un certain Hugonis, docteur de Sorbonne, qui leur servit d'espion: il fut avéré qu'il avait reçu cinquante écus d'or d'un évêque de Vintimiglia, pour rendre compte des secrets du cardinal de Lorraine.

La cour de France, épuisée alors par les querelles de religion et de politique, n'avait pas même de quoi payer ses théologiens au concile: ils retournent tous en France, excepté cet Hugonis, pensionnaire des légats; neuf évêques français avaient déjà quitté le concile, et il n'en restait plus que huit.

Les querelles de religion faisaient alors couler le sang en France, comme elles avaient inondé l'Allemagne du temps de Charles-Quint. Une paix passagère avait été signée avec le parti protestant au mois de mars de cette année 1563. Le pape, courroucé de cette paix, fait condamner à Rome, par l'inquisition, le cardinal de Châtillon, évêque de Beauvais, huguenot déclaré; mais il enveloppa dans cette condamnation dix autres évê

ques de France; et on ne voit point que ces évêques en appellent au concile; quelquesuns se contentent de se pourvoir aux parlements du royaume; en un mot, aucune congrégation du concile ne réclama contre cet acte d'autorité.

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(1563) Les PP. prennent ce temps pour former un décret contre tous les princes qui Foudront juger les ecclésiastiques et leur demander des subsides. Tous les ambassadeurs s'opposent à ce décret, qui ne passe point. La querelle s'échauffe; l'ambassadeur de France, Ferrier, dit dans le tumulte: >>Quand Jésus-Christ approche il ne faut pas »crier ici, comme les diables: Envoyez-nous » dans des troupeaux de cochons.<< On ne voit pas bien quel rapport ce troupeau de cochons pouvait avoir avec cette dispute.

Après tant d'altercations toujours vives et toujours apaisées par la prudence des légats, on presse la conclusion du concile. On y décrète, dans la vingt-quatrième session, que le lien du mariage est perpétuel depuis Adam, qu'il est devenu un sacrement depuis JésusChrist, que l'adultère ne peut le dissoudre, et qu'il ne peut être annullé que par la parenté jusqu'au quatrième degré, à moins d'une dispense du pape. Les protestants, au contraire, pensaient qu'on pouvait épouser sa cousine, et qu'on peut quitter une femme adultère pour en prendre une autre.

Le concile déclare, dans cette session, que les évêques, dans les causes criminelles, ne peuvent être jugés que par le pape, et que,

s'il est besoin, c'est à lui seul de commettre des évêques pour juges. Cette jurisprudence n'est pas admise dans la plupart des tribunaux, et surtout en France.

(1563) Dans la dernièrè session, on prononce anathème contre ceux qui rejettent l'invocation des saints, qui prétendent qu'il ne faut invoquer que Dieu seul, et qui pensent que Dieu n'est pas semblable aux princes faibles et bornés, qu'on ne peut aborder que par leurs courtisans.

Anatheme contre ceux qui ne vénèrent pas les reliques, qui pensent que les os des morts n'ont rien de commun avec l'esprit qui les anima, et que ces os n'ont aucune vertu. Anathème contre ceux qui nient le purgatoire, ancien dogme des Egyptiens, des Grecs et des Romains, sanctifié par l'Eglise, et regardé par quelques-uns comme plus convenable à un Dieu juste et clément, qui châtie et qui pardonne, que l'enfer éternel, qui semble annoncer l'Etre infini comme infini ment implacable.

Dans tous ces anathèmes, on ne spécifie ri les peuples de la confession d'Augsbourg, ni ceux de la communion de Zwingli et de Calvin, ni les anglicans.

Cette même session permet que les moines fassent des vœux à l'âge de seize ans, et les filles à douze; permission regardée comme très-préjudiciable à la police des états, mais sans laquelle les ordres monastiques seraient bientôt anéantis.

On soutient la validité des indulgences,

les c

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première source des querelles pour lesquel concile fut convoqué, et on défend de les vendre: cependant on les vend encore à Rome, mais à très-bon marc on les revend quatre sous la pièce dans quelques petits cantons catholiques suisses. Le grand profit se fait dans l'Amérique espagnole, où l'on est plus riche et plus ignorant que dans les petits cantons.

(1563) On finit enfin par recommander aux évêques de ne céder jamais la préséance aux ministres des rois et aux seigneurs. L'Eglise a toujours pensé ainsi.

Le concile est souscrit par quatre légats du pape, onze cardinaux, vingt-cinq archevêques, cent soixante-huit évêques, sept abbės, trente-neuf procureurs d'évêques absents, et sept généraux d'ordre.

On n'y employa pas la formule, »Il a sem»blé bon au Saint-Esprit et à nous; mais, »En présence du Saint-Esprit il nous a sem>>blé bon.< Cette formule est moins hardie:

Le cardinal de Lorraine renouvela les anciennes acclamations des premiers conciles grecs; il s'écria, »Longues années au pape, à l'empereur et aux rois!« les PP. répétérent les mêmes paroles. On se plaignit en France qu'il n'eût point nommé le roi son maître, et on vit dès lors combien ce cardinal craignait d'offenser Philippe II, qui fut le soutien de la Ligue.

Ainsi finit ce concile, qui dura, dans ses interruptions depuis sa convocation, l'espace de vingt-un ans. Les théologiens qui n'a

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