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opiniâtreté désespérée venait surtout du fanatisme de la religion: ces gentilshommes étaient la plupart des calvinistes qui se faisaient un devoir de venger leurs frères persécutés. Le prince Louis de Condé avait hautement embrassé cette secte, parce que le duc de Guise et le cardinal de Lorraine étaient cotholiques. Une révolution dans l'Eglise et dans l'état devait être le fruit de cette entreprise.

(1560) Les Guises eurent à peine le temps de faire venir des troupes.. Il n'y avait pas alors quinze mille hommes enrégimentés dans tout le royaume; mais on en rassembla bientôt assez pour exterminer les conjurés. Comme ils venaient par troupes séparées, ils furent aisément défaits; du Barri de La Renaudie fut tué en combattant; plusieurs moururent comme lui les armes à la main. Ceux qui fu rent pris périrent dans les supplices; et pendant un mois entier on ne vit dans Amboise que des échafauds sanglants et des potences chargées de cadavres.

La conspiration découverte et punie ne servit qu'à augmenter le pouvoir de ceux qu'on avait voulu détruire. François de Guise eut la puissance des anciens maires du palais, sous le nouveau titre de lieutenant-général du royaume; mais cette autorité même de François de Guise, l'ambition turbulente du cardinal en France, revoltèrent contre eux tous les ordres du royaume, et produisirent de nouveaux troubles.

Les calvinistes, toujours secrètement ani

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més par le prince Louis de Condé, prirent les armes dans plusieurs provinces. Il fallait que les Guises fussent bien puissants et bien redoutables, puisque ni Condé, ni Ahtoine, roi de Navarre, son frère, père de Henri IV, ni le fameux amiral de Coligni, ni son frère d'Andelot, colonel-général de l'infanterie, n'osaient encore se déclarer ouvertement. Le prince de Condé fut le premier chef de parti qui parut faire la guerre civile en homme timide. I fortait les coups et retirait la main; et croyant toujours se ménager avec la cour, qu'il voulait perd, il eut l'imprudence de venir à Fontainebleau en courtisan, dans le temps qu'il eût dû être en soldat à la tête de son parti. Les Guises le font arrêter dans Orléans: on lui fait son procès par le conseil privé et par des commissaires tirés du parlement, malgré les privilèges des princes du sang de n'être jugés que dans la cour des pairs, les chambres assemblées. Mais qu'est un privilège contre la force? qu'est un privilège dont il n'y avait d'exemple que dans la violation même qu'on en avait faite autrefois dans le procès criminel du duc d'Alençon ?

(1560) Le prince de Condé est condamné à perdre la tête. Le célèbre chancelier de l'Hospital, ce grand législateur dans un temps où on manquait de lois, et cet intrépide philosophe dans un temps d'enthousiasme et de fureurs, refusa de signer. Le comte de Sancerre, du conseil privé, suivit cet exem

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ple courageux. Cependant on allait exécuter Farrêt; le prince de Condé allait finir par la main d'un bourreau, lorsque tout à coup le jeune François II, malade depuis longtemps, et infirme dès son enfance, meurt à l'âge de dix-sept ans, laissant à son frèreCharles, qui n'en avait que dix, un royaume épuisé et en proie aux factions.

La mort de François II fut le salut du prince de Condé: on le fit bientôt sortir de prison après avoir ménagé entre lui et les Guises une réconciliation, qui n'était et ne pouvait être que le sceau de la haine et de la vengeance. On assemble les états à Or léans: rien ne pouvait se faire sans les états dans de pareilles circonstances. La tutelle de Charles IX et l'administration du royaume sont accordées par les états à Catherine de: Médicis, mais non pas le nom de régente. Les états même ne lui donnèrent point le titre de majesté; il était nouveau pour lės rois. Il y a encore beaucoup de lettres du sir de Bourdeilles dans lesquelles on appelle Henri III votre altesse..

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CHAPITRE CLXXI.

De la France. Minorité de Charles IX. DANS toutes les minorités des souverains! les anciennes constitutions d'un royaume reprennent toujours un peu de vigueur, du moins pour un temps, comme une famille assemblée après la mort du père. On tint à Orléans, et ensuite à Pontoise, des états

généraux: ces états doivent être mémorables par la séparation éternelle qu'ils mirent entre l'épée et la robe. Cette distinction fut ignorée dans l'empire romain jusqu'au temps de Constantin. Les magistrats savaient combattre, et les guerriers savaient juger. Les armes et les lois furent aussi dans les mêmes mains chez toutes les nations de l'Europe jusque vers le quatorzième siècle. Peu à peu ces deux professions furent séparées en Espagne et en France: elles ne l'étaient pas absolument en France, quoique les parlements ne fussent plus composés que d'hom mes de robe longue; il restait la juridiction de baillis d'épée, telle que dans plusieurs provinces allemandes, ou frontières de l'Allemagne. Les états d'Orléans, convaincus que ces baillis de robe courte ne pouvaient guère s'astreindre à étudier les lois, leur otèrent l'administration de la justice, et la conférérent à leurs seuls lieutenants de robe longue: ainsi ceux qui par leurs institutions avaient toujours été juges, cesserent de l'être.

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Le chancelier de l'Hospital eut la principale part à ce changement: il fut fait dans le temps de la plus grande faiblesse du royaume; il a contribué depuis à la force du souverain en divisant sans retour deux professions qui auraient pu, étant réunies, balancer l'autorité du ministère. On a cru depuis que la noblesse ne pouvait conserver le dépôt des lois; on n'a pas fait réflexion que la chambre haute d'Angleterre, qui compose

la seule noblesse du royaume proprement dite, est une magistrature permanente, qui concourt à former les lois, et rend la justice. Quand on observe un changement dans la constitution d'un état, et qu'on voit des peuples voisins qui n'ont pas subi ces changements dans les mêmes circonstances, il est évident que ces peuples ont eu un autre génie et d'autres mœurs.

Ces états généraux firent connaître combien l'administration du royaume était vicieuse. Le roi était endetté de quarante millions de livres: on manquait d'argent; on en eut à peine. C'est là le véritable principe du bouleversement de la France. Si Cathe

rine de Médicis avait eu de quoi acheter des serviteurs et de quoi payer une armée, les différents partis qui troublaient l'état auraient été contenus par l'autorité royale. La reinemèré se trouvait entre les catholiques et les protestants, les Condés et les Guises. Le connétable de Montmorenci avait une faction séparée. La division était dans la cour, dans Paris et dans les provinces: Catherine de Médicis ne pouvait guère que négocier au lieu de régner. Sa maxime de tout diviser afin d'être maîtresse, augmenta le trouble et les malheurs. Elle commença par indiquer le colloque de Poissy entre les catholiques et les protestants; ce qui était mettre l'ancienne religion en compromis, et donner grand crédit aux calvinistes, en les faisant disputer contre ceux qui ne se croyaient faits que pour juger.

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