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il presse plus que jamais du mariage; il s'offre à me venir servir avec six mille hom-, mes à ses dépens *), et venir lui-même offrir son service; il s'en va infailliblement roi d'Angleterre: préparez ma sœur à lui vouloir du bien, lui remontrant l'état auquel nous sommes, la grandeur de ce prince avec sa vertu je ne lui en écris point; ne lui en parlez que comme discourant, qu'il est temps de la marier, et qu'il n'y a parti que celui-là; car de nos parents c'est pitié. Adieu, mon cœur: je te baise cent millions de fois.

Ce dernier décembre.

CHAPITRE CLXXV.

De la France sous Louis XIII, jusqu'au ministère du cardinal de Richelieu. États-généraux tenus en France. Administration malheureuse. Le maréchal d'Ancre assassiné; sa femme condannée à être brûlée. Ministère du due de Luines. Guerres civiles. Comment le cardinal de Richelieu entra au conseil.

On vit après la mort de Henri IV combien la puissance, la considération, les mœurs, l ́esprit d'une nation, dépendent souvent d'un seul homme. Il tenait, par une administration

Voilà une anecdote bien singulière, et que tous les historiens ont ignorée: cela veut dire qu'il serait un jour roi d'Angleterre, parce que la reine Élisabeth n'avait point d'enfants. C'était ce même roi que Henri IV appela toujours depuis maitre Jacques. Cette lettre doit être de 1588.

douce et forte, tous les ordres de l'état réunis, toutes les factions assoupies, les deux religions dans la paix, les peuples dans l'abondance. La balance de l'Europe était dans sa main, par ses alliances, par ses trésors et par ses armes. Tous ces avantages sont perdus dès la première année de la régence de sa veuve, Marie de Médicis. Le duc d'Epernon, cet orgueilleux mignon de Henri III, ennemi secret de Henri IV, déclaré ouvertement contre ses ministres, va au parlement le jour même que Henri est assassiné. DEpernon était colonel-général de l'infanterie; le régiment des gardes était àlses ordres: il entre en mettant la main sur la garde de son épée, et force le parlement à se donner le droit de disposer de la régence; droit qui jusqu'alors n'avait appartenu qu'aux états-généraux. Les lois de toutes les nations ont toujours voulu que ceux qui nomment au trône, quand il est vacant, nomment à la régence. Faire un roi est le premier des droits; faire un régent est le second, et suppose le premier. Le parlement de Paris jugea la cause du trône, et décida du pouvoir suprême pour avoir été menacé par le duc d'Epernon, et parce qu'on n'avait pas eu le temps d'assembler les trois ordres de l'état.

Il déclara, par un arrêt, Marie de Médicis seale régente. La reine vint le lendemain faire confirmer cet arrêt en présence de son fils; et le chancelier de Silleri, dans cette cérémonie qu'on appelle lit de justice, prit l'avis des présidents avant de prendre celui des

pairs, et même des princes du sang, qui prétendaient partager la régence.

Vous voyez par là, et vous avez souvent remarqué comment les droits et les usages s'établissent, et comment ce qui a été fait une fois solenellement contre les règles anciennes devient une règle pour l'avenir, jusqu'à ce qu'une nouvelle occasion l'abolisse.

Marie de Médicis, régente et non maîtresse du royaume, dépense en profusions, pour s'acquérir des créatures, tout ce que Henri-leGrand avait amassé pour rendre sa nation puissante. Les troupes à la tête desquelles il allait combattre sont pour la plupart licen ciées; les princes dont il était l'appui sont abandonnés. (1610) Le duc de Savoie, Charles Emmanuel, nouvel allié de Henri IV, est obligé de demander pardon à Philippe III, roi d'Espagne, d'avoir fait un traité avec le roi de France: il envoie son fils à Madrid implorer la clémence de la cour espagnole, et s'humilier comme un sujet, au nom de son père. Les princes d'Allemagne, que Henri avait protégés avec une armée de quarante mille hommes, ne sont que faiblement secourus. L'état perd toute sa considération au dehors, il est troublé au dedans; les princes du sang et les grands seigneurs remplissent la France de factions, ainsi que du temps de François II, de Charles IX, de Henri III, et depuis dans la minorité de Louis XIV.

(1614) On assemble enfin dans Paris les derniers états- généraux qu'on ait tenus en France. Le parlement de Paris ne put y

avoir séance. Ses députés avaient assisté à la grande assemblée des notables tenue à Rouen en 1594: mais ce n'était point là une convocation d'états-généraux; les intendants des finances, les trésoriers, y avaient pris séance comme les magistrats.

L'université de Paris somma juridiquement la chambre du clergé de la recevoir comme membre des états; c'était, disait-elle, son ancien privilège; mais l'université avait perdu ses privilèges avec sa considération à mésure que les esprits étaient devenus plus déliés, sans être plus éclairés. Ces états, assemblés à la hâte, n'avaient point des dépôts des lois et des usages comme le parlement d'Angleterre et comme les diètes de l'empire: ils ne faisaient point partie de la législation suprême; cependant ils auraient voulu être législateurs. C'est à quoi aspire nécessairement un corps qui représente une nation; il se forme de l'ambition secrète de chaque particulier une ambition générale.

Ce qu'il y eut de plus remarquable dans ces états, c'est que le clergé demanda inutilement que le concile de Trente fût reçu en France, et que le tiers-état demanda non moins vainement la publication de la loi >>qu'aucune puissance ni temporelle ni spiri»tuelle n'a droit de disposer du royaume, et »de dispenser les sujets de leur serment de »fidélité; et que l'opinion qu'il soit loisible ->de tuer les rois est impie et détestable.<<

C'était surtout ce même tiers-état de Paris qui demandait cette loi, après avoir voulu

déposer Henri III, et après avoir souffert les extrémités de la famine plutôt que de reconnaître Henri IV. Mais les factions de la Ligue étant éteintes, le tiers-état, qui compose le fond de la nation et qui ne peut avoir d'intérêt particulier, aimait le trône et détestait les prétentions de la cour de Rome. Le cardinal Duperron oublia dans cette occasion ce qu'il devait au sang de Henri IV, et ne se souvint que de l'Eglise. Il s'opposa fortement à la loi proposée, et s'emporta jusqu'à dire qu'il serait obligé d'excommunier ceux qui s'obstineraient à soutenir que l'Eglise n'a pas »le pouvoir de déposséder les rois.« Il ajouta que la puissance du pape était »pleine, plėnissime, directe au spirituel, et indirecte au >temporel.<< La chambre du clergé, gouvernée par le cardinal Duperron, persuada la chambre de la noblesse de s'unir avec elle. Le corps de la noblesse avait toujours été jaloux du clergé, mais il affectait de ne pas penser comme le tiers-état. Il s'agissait de savoir si les puissances spirituelles et temporelles pouvaient disposer du trône. Le corps des nobles assemblé se regardait au fond, et sans se le dire, comme une puissance temporelle. Le cardinal leur disait: »Si un roi >voulait forcer ses sujets à se faire ariens ou »mahométans, il faudrait le déposer.« Un tel discours était bien déraisonnable; car il y a eu une foule d'empereurs et de rois ariens, et on n'en a déposé aucun pour cette raison. Cette supposition, toute chimérique qu'elle était, persuadait les députés de la noblesse

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