ACTE I I. SCENE PREMIER E. SANCHETTE, GUILLOT jardinier. SANCHETT E. ARRETE, parle-moi, Guillot. GUILLO T. Oh, Guillot eft preffé. Que fait notre Alamir ? SANCHETTE. Guillot, demeure; un mot: GUILL O T. Oh, rien n'eft plus étrange. SANCHETT E. Mais que fait-il, dis-moi ? GUILLO T. Moi, je crois qu'il fait tout, Libéral comme un roi, jeune et beau comme un ange. SANCHETT E. L'infidelle me pouffe à bout.. GUILLO T. Eh vraiment oui. SANCHETTE. Qu'elle doit me déplaire ! GUILLOT. Eh mon Dieu! d'où vient ce courroux ? Vous devez l'aimer au contraire, Car elle eft belle comme vous. SANCHETTE. D'où vient qu'on a ceffé fitôt la férénade? GUILLOT. Je n'en fais rien. SANCHETTE. Que veut dire un alcade ? GUILLO T. Je n'en fais rien. SANCHETTE. D'où vient que mon père voulait M'enfermer fous la clef ? d'où vient qu'il s'en allait ? Je n'en fais rien. GUILLOT. SANCHETT E. D'où vient qu'Alamir eft près d'elle ? GUILLO T. Eh, je le fais, c'eft qu'elle eft belle: Il lui parle à genoux, tout comme on parle au roi ; C'eft des refpects, des foins, j'en fuis tout hors de moi. Vous en feriez charmée. SANCHETT E. Ah, Guillot, le perfide! GUILLO T. Adieu; car on m'attend, on a besoin d'un guide ; Elle veut s'en aller. (il fort.) SANCHETTE seule. Et me laiffer mon Alamir! Oh, que je fuis honteufe et dépitée ! Il m'aimait en un jour; en deux, fuis-je quittée ? Comment faut-il faire à mon âge ? J'ai des amans conftans, ils font tous ennuyeux; J'en trouve un feul aimable, et le traître est volage. SCENE - II. SANCHETTE, L'ALCADE et fa Suite, L'ALCA D E. MEs amis, vous avez un important emploi ; Soyez prêts à me fuivre, et faites fentinelle, UN LIEUTENANT DE L'ALCADE. Nous vous obéirons; comptez fur notre zèle. SANCHETTE. Ah, Meffieurs, vous parlez de moi. L'ALCADE. Oui, Madame ; à vos traits nous favons vous connaître ; SANCHETTE. Quel étrange propos! Me tranfporter! Qui? moi! Eh, qui donc êtes-vous ? L'ALCA D E. Des officiers du roi ; Vous l'offenfez beaucoup d'habiter ces retraites ; Monfieur l'Amirante en fecret, Sans nous dire qui vous êtes, SANCHETTE. Mon portrait, dites-vous ? L'ALCA D E. Madame, trait pour trait. SANCHETTE. Mais je ne connais point ce monfieur l'Amirante. L'ALCA D E. Il fait pourtant de vous la peinture vivante. SANCHETTE. Mon portrait à la cour a donc été porté ? L'ALCA D E. Apparemment. SANCHETT E. Voyez ce que fait la beauté. Et de la part du roi vous m'enlevez? L'ALCA D E. Sans doute; C'est notre ordre précis: il le faut, quoi qu'il coûte. SANCHETT E. Où m'allez-vous mener ? L'ALCA D E. A Burgos, à la cour; Vous y ferez demain avant la fin du jour. SANCHETT E. A la cour! mais vraiment ce n'eft pas me déplaire; La cour! j'y confens fort; mais que dira mon père ? L'ALCAD E. Votre père ? il dira tout ce qu'il lui plaira. SANCHETT E. Il doit être charmé de ce voyage-là ! L'ALCADE. C'est un honneur très-grand qui fans doute le flatte. SANCHET T E. On m'a dit que la cour eft un pays fi beau ! Hélas! hors ce jour-ci, la vie en ce château Fut toujours ennuyeufe et plate. |