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glante affociation, celèbre dans l'hiftoire fous le nom de triumvirat, profcrivit les jours du père de la patrie. Octave abandonna les jours de Cicéron à la haine d'Antoine. Le tribun Popilius Lena, à la tête de plufieurs affaffins, atteignit l'orateur romain, qui d'abord s'étoit enfui, & qui enfuite retournant fur fes pas, touchoit à une de fes maifons de campagne. C'eftlà qu'à l'aspect de fes meurtriers, Cicéron fit arrêter fa litière, & s'offrit paifiblement à leur poignard. Il avoit 63 ans lorfqu'il fut mafsacré. Sa tête, fes piés & fes mains. furent portés à Antoine, & expofés enfuite fur la tribune aux harangues, qui avoit fi fouvent re

tenti de fa voix éloquente. Les femmes françaises ne liront point fans horreur que Fulvia, épouse d'Antoine, auffi vindicative que fon époux, perça en plufieurs endroits, avec un poinçon d'or la langue de Cicéron.

Telle fut la déplorable fin du grand homme, dont nous donnons les penfées morales, recueillies & traduites de fes divers écrits philofophiques, par l'Abbé d'Olivet. Ils font trop nombreux pour que nous ayons penfé à en reproduire l'ensemble dans cette Bibliothèque. Ce que nous en préfentons à nos lecteurs fuffira à leur curiofité & à la gloire de Cicéron. Ces penf Canut une espèce de code

moral, où fe retrouvent en partie, l'élégance, le nombre & l'harmonie du ftyle de Cicéron, ainfi que fa raifon profonde & lumineufe. « S'il s'eft trouvé quelque différence dans les jugemens qu'on a portés de fa perfonne, dit M. Middleton, auteur anglois d'une excellente vie de Cicéron, il n'y en a jamais eu dans l'opinion qu'on s'eft formée de fes ouvrages. Le monde payen ne nous a rien laiffé qui développe fi parfaitement, & qui recommande avec tant de force ces principes généreux, dont la nature humaine tire fa gloire & fa perfection, l'amour de la vertu, de la liberté, de la patrie, & de tout le genre humain.

Cette réflexion ne peut être mieux foutenue que par l'autorité d'Erafme. Il avoit contracté dans fa jeuneffe quelques préjugés contre Cicéron; mais l'âge & l'expérience l'ayant fait revenir de cette erreur, il la retracta dans ce passage d'une de fes lettres.

« Quand j'étois jeune, dit-il, Sénèque me plaifoit beaucoup plus que Cicéron; & jufqu'à l'âge de vingt ans, quoique je me fentisse du goût pour tous les écrivains de l'antiquité, Cicéron m'en infpiroit fi peu, que j'aurois cru perdre mon tems à le lire. Je ne fais fi mon jugement s'eft formé avec les années; mais il eft certain que depuis que je touche à la vieilleffe,

je prends plus de plaifir à cette lecture, que je n'ai jamais fait dans les premiers tems de ma vie. Ce n'eft pas feulement le tour divin de fon ftyle, c'eft fa morale & la fainteté de fon cœur qui m'enchante. En un mot, il a infpiré mon ame, & il m'a fait sentir qu'il m'a rendu meilleur ». Il eft impoffible que tous les lecteurs de bonne foi ne fentent pas de même ; & fi Montagne, dans le fecond livre de fes Effais, chap. X, fe trouve oppofé à Erafme, en accufant les ouvrages de morale de Cicéron d'être fans vigueur, fans moëlle & fans fubftance, fongeons que cette oppofion de fentimens fur un grand philofophe, de la part de

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