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reté; qui fe font fauvées, tant qu'elles ont pu, de la contagion des fens, & qui, dans des corps humains, ont imité la vie des dieux; le chemin du ciel, d'où elles font venues, leur eft ouvert. Je ne crois nullement que l'ame périffe avec le corps, ainfi que l'enfeignent des philosophes (1) modernes, qui veulent que la mort foit un anéantiffement total. Je défère bien plus au fentiment de nos pères, qui étoit celui de l'antiquité; car ils n'auroient pas fi

(1) Les Epicuriens. Cicéron dans fon dialogue fur l'amitié, fait parler ainfi Lélius, à l'égard duquel Epicure n'étoit qu'un moderne. Lélius étoit né trente à quarante ans après la mort d'Epicure.

religieufement prefcrit ce qui fe doit aux morts, s'ils avoient cru que les morts ne fuffent plus fenfibles à rien. Et le fentiment pour lequel je me déclare, fut auffi celui de ces favans hommes, qui répandus, autrefois dans nos contrées, annoncèrent leur doctrine à la grande (1) Grèce, aujourd'hui déferte, mais alors floriffante. Ce fut celui de cet (2) Athénien, que l'oracle d'Apollon reconnut pour le

(1) On appella grande Grèce, cette partie de l'Italie, qui fait aujourd'hui le royau me de Naples. Ce fut là que Pythagore, le premier qui ait pris le nom de philofophe, enfeigna fa doctrine, fous le règne de Tar quin le Superbe.

(2) Socrate.

plus

plus fage des hommes. Affez incertain prefque fur tout le refte; mais à cet égard, foutenant tou jours que nos ames font d'une nature divine, qu'au fortir du corps elles retournent au ciel, & que plus elles ont été innocentes, plus elles y arrivent rapidement.

Toute la vie des philofophes.., difoit encore Socrate, eft une continuelle méditation de la mort. Car enfin, que faifons nous, en nous éloignant des voluptés fenfuelles, de tout emploi public, de toute forte d'embarras, & même du foin de nos affaires domeftiques, qui ont pour objet l'entretien de notre corps? Que faifons-nous, dis-je, autre chofe, que rappeller notre Morale. Tome IV.

F

esprit à lui-même, que le forcer à être à lui-même, & que l'éloigner de fon corps, tout autant que cela fe peut? Or, détacher l'efprit du corps, n'eft-ce pas apprendre à mourir?

Penfons-y donc férieufement, croyez-moi, féparons-nous ainfi de nos corps, accoutumons-nous à mourir. Par ce moyen, & notre vie tiendra déjà d'une vie céleste, & nous en ferons mieux difpofés à prendre notre effor, quand nos chaînes fe briferont.

Vivre, ou mourir, lequel vaut le mieux? Les dieux immortels le favent, mais je crois qu'aucun homme ne le fait.

Q

SONGE DE SCIPION.

UAND (1) j'arrivai en Afrique, où, comme vous le favez, je fus chargé par le conful Manilius de commander la quatrième légion ; ma première attention fut de vifiter le roi (2) Mafiniffa, prince qui pour de juftes raisons étoit lié

(1) C'est Scipion qui parle. Mais comme inceffamment il s'agira d'un autre Scipion, c'est une néceffité de les bien diftinguer l'un d'avec l'autre. Tous deux eurent le furnom d'Africain. Celui qui parle ici, étoit fils de Paul-Emile, Nous en avons déjà dit un mor ci-deffus.

(2) Mafiniffa, roi de Numidie, dont il eft parlé ci-deffus,

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