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dèrent qu'il fût interdit, comme

ne fachant ce qu'il faifoit. Alors, dit-on, ce bon vieillard étant allé réciter à fes juges fon Edipe (1) à Colone, qu'il venoit feulement d'achever, il leur demanda fi c'étoit là l'ouvrage d'un imbécile ; & fes juges, après avoir entendu la pièce, le renvoyèrent abfous.

J'ai pour amis & pour voifins (2)

(1) Edipe à Colone, ou plus clairement, Edipe retiré fur une colline. On a de Sophocle deux tragédies d'Edipe; & pour les diftinguer, le titre de celle-ci renferme le lieu de la fcène.

(2) Je dis à la campagne, en général; mais le texte dit, dans le pays des Sabins ; & c'eft-là que Caton, quoique né à Tufculum, fe tenoit & vivoit, avant que d'aller

à la campagne, des vieillards qui ne permettroient pas qu'il fe fî rien de confidérable chez eux comme de femer, de moiffonner, de ferrer les grains, fans qu'ils y fuffent préfens. A la vérité, cela n'eft pas bien étonnant; car il n'y a perfonne d'affez décrépit, pour ne pas fe flatter qu'on pourra bien vivre encore une année. Mais le merveilleux eft qu'un vieillard se donne des peines, dont il est sûr de ne pas recueillir le fruit ; &, comme dit Cécilius, dans (1) les Synéphèbes :

à la guerre, en quelques terres & poffeffions que fon père, dit le Plutarque d'Amyot, lui avoit laiffées.

(1) Les Synéphèbes, comme qui diroit

Il s'occupe à planter pour le fiècle prochain. Allez lui demander, pour qui plantez-vous? Il vous répondra, pour les dieux immortels, qui ont voulu, & que je profite du travail de ceux qui m'ont précédé, & que ceux qui me fuivront, profitent du mien.

A l'égard des forces corporelles, fur quoi porte le fecond reproche qu'on fait à la vieilleffe ; préfentement je défire tout auffi peu d'être fort comme un jeune homme, que

les jeunes Camarades, étoient une comédie grecque de Ménandre, traduite ou imitée en latin par Cécilius, qui eft appelé Statius dans le texte. Statius, nom fervile,

eft

une espèce de fobriquet, qui lui étoit resté de la fonction d'esclave.

je défirois autrefois d'être fort comme un taureau, ou comme un éléphant. Il s'agit d'employer ce que vous avez de forces, & de faire toujours de votre mieux ce que Vous pouvez,

Il eft pourtant vrai que c'eft à la jeuneffe, encore plus fouvent qu'à la vieilleffe, qu'on doit imputer le dépériffement de nos forces. Une jeuneffe qui fe livre à fes paffions, & fans mefure, ne tranfmet à la vieilleffe qu'un corps ufé.

Vous favez fans doute, Scipion', ce que fait encore aujourd'hui l'hôte (1), de vos ayeux, Mafiniffa,

* (1). On verra ci-après dans le fonge de Morale. Tome IV. E

qui eft dans fa quatre-vingt-dixiè me année. A pié, à cheval, il eft infatigable. Toujours la tête nue, quelque pluie, & quelque froid qu'il faffe. Point chargé de chair, ni d'humeurs. Remplif

Scipion, quelle étoit l'étroite liaison de Mafiniffa, roi de Numidie, avec la famille des Scipions. Au commencement de la seconde guerre punique, il avoit fuivi le parti des Carthaginois; mais un de ses neveux ayant été fait prifonnier, & renvoyé fans rançon par Scipion l'ancien, cette grace le toucha fi fort, qu'il fe déclara entièrement pour les Romains. Il ne leur fut pas inutile; & pour récompenfe de fes fervices, nonfeulement ils l'affermirent fur fon trône, mais ils lui donnèrent quelques-une unes des terres qu'ils avoient prifes aux Carthaginois.

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