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biens, & les feconds comme des maux. L'aveuglement feroit un état affreux, fi ceux-là feulement perdoient la vue, qui méritent qu'on leur arrache les yeux. Ainfi Appius & Métellus peuvent être aveuglés fans conféquence. Au contraire, les richeffes ne font pas un bien, il n'importe donc point qu'Ellius foit riche. Dieu n'a pas de moyen plus sûr, pour décrier ce qui flatte nos vœux, que d'en abandonner la jouiffance aux fcélérats, & d'en priver les honnêtesgens. Mais n'est-ce pas une injuftice de permettre qu'un homme de bien foit dans les fers, ou couvert de bleffures, ou accablé de maladies, tandis que les méchans fe promènent li brement, & jouiffent d'une fanté ro

bufte, quoiqu'ils mènent une vie molle & efféminée? Il n'y a pas plus d'injuftice à cela, qu'à laiffer fous les armes de vaillans guerriers, qui veillent à la garde du camp, tandis que d'infâmes débauchés font en sûreté dans la ville; ou bien qu'à souffrir que d'innocentes veftales fe lèvent pendant la nuit, pour entretenir le feu facré, tandis que des femmes libertines dorment profondément. Les gens de bien font deftinés au travail. Les fénateurs font quelquefois occupés des journées entières à délibérer fur les affaires de l'Etat, tandis que de vils citoyens paffent agréablement le tems à la promenade, ou dans les cercles. Tout va de même dans la grande république du monde,

Les

gens lâche, facrifient ce qu'ils poffèdent, & s'immolent eux-mêmes à l'intérêt

de bien travaillent fans re

public.

3°. Ils font tout cela volontiers ; ils ne font point entraînés par la fortune, ils la fuivent de plein gré, ou marchent à côté d'elle; s'ils pénétroient dans l'avenir, ils la précéderoient même. Je me rappelle encore ce beau mot du célèbre Démétrius. « J'ai à me plaindre, difpit-il, dieux >> immortels, de ce que vous m'avez >> fait fi tard connoître vos volon»tés. Je me ferois rendu le premier » à vos ordres, que je fuis prêt à » exécuter. Voulez-vous mes enfans? » Je ne les ai élevés que pour vous. >> Voulez-vous me priver de quel

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qu'un de mes organes ? J'y con» fens, il m'en coûte peu, puifque » j'abandonnerai bientôt tout le » corps. Voulez-vous mon ame? » prenez - la, je la tiens de vous>> mêmes. Je vous donnerai de plein » gré tout ce que vous exigerez de » moi. Ce qui me fâche, c'eft que » j'aurois mieux aimé vous en faire » l'offrande que la reftitution. Pour» quoi m'enlever ce qu'il ne tient » qu'à vous de recevoir? Quoiqu'à » dire vrai, vous ne fauriez ôter à >> celui qui eft difpofé à ne rien rete»nir. La force & la crainte n'exer» cent pas fur moi leur empire. Je »ne fers point en efclave, j'obéis >> aux dieux par fentiment, & d'au» tant plus volontiers, que je fais

que rien n'arrive qu'en conféquen» ce de ce qui a été déterminé par » les décrets éternels >>.

4°. Le deftin eft notre arbitre. L'inftant de la mort a été fixé dès celui de la naiffance. Une caufe dépend d'une autre caufe. Les évènemens qui intéreffent les hommes en général ou en particulier, font enchaînés dans l'ordre univerfel. Rien ne doit nous étonner, parce que rien n'arrive par hafard, comme pense le vulgaire; mais chaque chofe fe place à fon rang. Nos peines & nos plaifirs font décidés de toute éternité ; & quoique la vie de chacun de nous foit marquée par des nuances très-différentes, tout fe réduit à ce point unique, Ce qui a été fait pour

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