Page images
PDF
EPUB

fait du fils & du valet. La retenue convient au premier, le partage du fecond eft l'effronterie (1); on exige de celui-là qu'il remplifse tous fes devoirs, & l'on excite la pétulance de celui-ci. Dieu traite lefage de la même manière; c'eft parce qu'il l'aime tendrement, qu'il Féprouve, qu'il l'endurcit au travail, qu'il le rend digne de lui.

Mais pourquoi les gens de bien éprouvent-ils quelquefois les plus grandes calamités ? Je réponds que l'homme de bien eft à l'abri du

(1) Les riches avoient parmi leurs domeftiques des bouffons pour les réjouir à table, au bain, &c. Ils leur permettoient de tout dire. Les maîtres n'étoient point épargnés.

mal. L'un ne peut compatir avec l'autre. Les pluies qui tombent dans la mer, les fleuves qui s'y déchargent, les fources qui s'y mêlent par des canaux fouterreins, ne fauroient en changer, ni même en altérer tant foit peu la falure; de même l'adverfité n'ébranle jamais l'ame du fage. Elle refte conftamment dans fon affiette; & fupérieure à tout ce qui l'environne, elle tourne à fon avantage les évè nemens les plus contraires. Prenez garde que je ne dis pas que le fage eft infenfible, mais tranquille au milieu de l'orage (1); fa fer

(1) Bien des favans s'imaginent que l'infenfibilité étoit le partage des Stoïciens. Sé

meté triomphe de tous les obfta cles, & lui fait envisager l'adverfité comme un exercice utile. Trouvez-moi un homme d'honneur qui n'aime pas le travail, & qui ne foit prêt à hafarder fa vie pour remplir fon devoir. L'oifiveté n'eftelle pas un tourment pour l'homme

1

nèque, qui étoit au fait de leurs fentimeas, le nie fouvent en termes exprès. Les modernes ont confondu la fece de Zénon avec celle de Stilpon, dont l'école étoit à Mégare• Ce philofophe outroit le fyftême des Star. ciens, & vouloit que la fermeté du fage aliât jufqu'à l'infenfibilité, état de l'ame contraire à la nature, qui nous a donpé des paffions que nous devons réprimer, mais que nous ne devons pas détruire,

laborieux ? Les athlètes qui veulent se tenir en haleine, ne fe battent qu'avec les hommes les plus vigoureux; ils prient ceux avec qui ils s'exercent de ne les pas épargner, mais d'employer contr'eux toute leur force & toute leur adreffe; la réfiftance leur plaît, ils fouffrent volontiers les plus rudes coups; & s'ils ne trouvent pas d'adverfaire affez fort pour combattre contr'eux feul à feul, ils combattent feuls contre plufieurs. La vigueur fe perd dans le repos; & l'on ne connoît bien fon prix que dans les occafions où elle est obligée de fe fignaler par de grands efforts. Cet exemple montre, que

le fage ne doit pas appréhender la

mauvaise fortune, ni fe plaindre de la providence. On peut mettre à profit tous les accidens de la vie. Le mal que l'on fouffre eft peu de chofe pourvu qu'on le fupporte courageufement. Quelle différence entre l'affection d'un père à l'égard de fes enfans, & celle d'une mère! L'un les arrache impitoyablement du fommeil, pour les appliquer de bonne heure à l'étude; il ne fouffre pas qu'ils foient défoeuvrés, même les jours de fête ; il n'est touché ni de la fueur qui couvre leur front, ni des larmes qu'ils répandent; l'autre les accable de careffes; le plus léger exercice lui paroît intéreffer leur fanté; elle écarte loin d'eux le travail, & tout ce

1

« PreviousContinue »