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DE LA PROVIDENCE.

PARMI ceux qui favent que leur ame eft capable de prévoyance & de difcernement dans leurs propres affaires, ou même dans celles d'autrui, il en eft qui penfent que dans cet univers, dont nous faitons partie, tout le gouverne au hasard, & fans qu'aucune intelligence s'en mêle. Je ne fuis pas de leur avis. Je fuis perfuadé, au contraire, que Dieu veille fans ceffe fur nous, & qu'il régit immédiatement toutes les parties du monde. Il ne faut pas s'imaginer que tout ce qui fubfifte foit éternel; les êtres doivent leur confervation au bon plaifir de

leur créateur. Périffables de leur na

ture, ils font foutenus par la main toute-puiffante de l'ouvrier qui les a conftruits.

Eft-il befoin de prouver la providence, & de démontrer que le grand ouvrage de l'univers ne peut fubfifter fans elle; que le cours réglé des aftres ne fauroit être attribué au hasard, qui eft une caufe aveugle & inconftante? La clarté des corps céleftes, leur nombre prodigieux, leur arrangement, la continuité des mouvemens qui animent l'espace immenfe des terres & des mers dont notre globe est compofé, font autant de témoins qui dépofent en faveur d'une loi éternelle & fouverainement fage

Des atômes errans, affemblés par un concours fortuit, font incapables de produire un fi bel ordre. Où auroient-ils puifé cette méchanique favante, qui, malgré le poids énorme du globe terreftre, le tient fufpendu & immobile au milieu des airs, tandis que la fphère célefte eft emportée autour de lui avec une rapidité inconcevable Comment ces eaux contenues au fein de la mer fe filtreroient-elles au travers des terres, en forte qu'elles ne font jamais accrues par les fleuves qui s'y déchargent? Comment enfin des plantes très élevées naîtroient-elles des plus petites femences? Difons plutôt que les phénomènes qui nous paroiffent les

plus mal-aifés à expliquer, comme la pluie, les nuages, la foudre, les volcans, les tremblemens de terre, n'arrivent point par hafard ; ils ont leur caufe de même que ces effets merveilleux que les voyageurs nous rapportent; telles font ces eaux chaudes qui furgiffènt au milieu d'une rivière; ou ces ifles qui fortent tout-à-coup du fond de la mer. Mais nous répondrons à ce fujet une autre fois.

Il s'agit maintenant d'un point difficile. Je vais plaider la caufe des dieux & de leur providence, contre laquelle on forme plutôt des plaintes que des doutes. Pour conciliér les gens de bien avec les dieux, je dirai d'abord qu'il eft naturellement im

poffible que les bons nuifent aux bons. La vertu établit une étroite amitié entre Dieu & l'homme de bien. Que dis-je, amitié ? On voit entr'eux, une espèce de familia rité & de reffemblance. A le bien prendre, le fage n'eft différent de, Dieu, qu'en ce qu'il n'eft pas éternel comme lui; du refte il eft fon difciple, fa copie, & fon véritable fils. Cet augufte père en agit avec lui en père févère, & le dreffe à la vertu par une éducation pénible. Ainfi lorfque vous verrez des hommes vertueux qui mènent une vie dure, trifte, laborieufe ; tandis que les méchans nagent dans la joie & dans les plaifirs; fouvenez-vous de la distinction qu'on

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