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Le fang des taureaux, l'or, l'argent, les offrandes les plus précieuses ne font pas capables de lui plaire par eux-mêmes. Ce privilège eft réservé au refpect accompagné d'une volonté pure & droite. La piété des gens de bien relève le prix des dons les moins confidérables; mais les méchans ne fauroient couvrir leur impiété par

la

pompe des facrifices; c'eft en vain qu'ils baignent les autels dans des ruiffeaux de fang.

Il eft abfurde de redouter les dieux. Pourquoi craindre (1) ce qui fait notre sûreté ? On ne fau

(1) Il parle ici d'une crainte fervile, & non d'une crainte filiale.

roit aimer ceux qu'on appréhende. Comment l'entendez-vous, Epicu re? vous dépouillez Dieu de fes ar mes, vous lui dérobez fes traits & fa puiffance! Vous n'avez donc rien à craindre de fa part, puifque vous l'avez mis hors d'état de yous faire ni bien ni mal. Vous dites cependant que vous l'honorez comme votre père. Quel eft le motif de ce culte car vous devez l'être au concours fortuit de vos atômes. C'eft fa majefté fouveraine que vous refpectez, ditesyous; c'est l'excellence de fa nature qui s'attire vos hommages Il y a donc quelque chofe d'aimable en lui; fa dignité vous arrache malgre vous l'aveu de votre dépendance.

Pour avoir une idée convenable de la divinité, il faut fe la représenter comme un être tout-puiffant qui possède tous les biens, qui fe plaît à les communiquer, & qui les communique gratuitement. Mais pourquoi les dieux font-ils bienfaisans? c'eft qu'ils font effentiellement bons. On fe trompe, fi on les regarde comme des génies malins; ils ne fauroient faire du mal, ni en recevoir, car l'un fuit de l'autre. Un être parfait & fouverainement heureux, ne peut pas faire des miférables, parce qu'il ne peut décheoir de fon bonheur.

La divinité ne dépend que d'ellemême; elle ne connoît d'autre loi que fa volonté fes décrets font immuables.

immuables. Les dieux ne font rien malgré eux; & ce qui continue d'exifter ne fubfifte que par leur permiffion. Ils ne font point fujets au repentir, qui fuppoferoit en eux un changement de vues & d'idées, dont ils ne font pas fufceptibles. Au refte Pimmutabilité de leurs décrets n'est pas une marque de foibleffe; elle prouve au contraire la perfection de leur nature & de leurs opérations. De ce qu'ils font néceffités à faire le bien, il s'enfuit qu'ils le font conftamment, invariablement

Cependant l'efficacité de la prière ne déroge point à la toute-puiffance de la volonté divine. Les dieux ont voulu que certaines graces nous fuffent accordées en conféquence Morale. Tome IV. P

de nos demandes; ces effets loin d'être contraires au décret éternel, en font la fuite & l'accompliffement. Mais, direz vous, telle chofe arrivera infailliblement ou n'arrivera pas. Si les dieux ont déterminé qu'elle arrivera, nos voeux ne fauroient l'empêcher ; fi le décret porte qu'elle ne doit pas arriver, nos vœux ne lui procurent pas l'exiftence. Le raifonnement n'eft pas concluant; parce qu'entre ces deux énonciatives telle chofe arrivera, ou n'arrivera pas; il y a un milieu, qui cft la propofition conditionnelle Telle chofe arrivera fi

:

vous invoquez les dieux.

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