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qui règne dans le monde, & elle difpofe les refforts de cette vafte machine. La Nature? Vous le pouvez. C'eft lui qui a produit toutes chofes, & nous avons été animés par fon fouffle vivifiant. Voulezvous encore l'appeller le Monde ? J'y confens; car il est tout ce que vous voyez, répandu dans chacune de ses parties, & n'ayant befoin que de fa propre force pour fe foutenir.

L'ame du fage eft incapable de variation. Comment Dieu feroit-il fujet au changement? Le premier ne peut fe déterminer au bien, qu'à l'instant qu'il l'apperçoit ; mais tout eft préfent à la divinité. Comme un torrent rapide ne fe replie point fur lui

même, & ne fauroit même s'arrêter dans fa course, parce que fes flots font continuellement pouffés par d'autres flots; ainfi la roue éternelle du deftin difpofe des événemens fuivant une loi immuable, qui n'eft autre chose que le décret divin.

Vous êtes le maître de donner à Dieu les noms qu'il vous plaira, pourvu qu'ils expriment quelque vertu ou quelqu'effet de la puissance célefte. Tous fes bienfaits peuvent autorifer des appellations différentes. Nous le nommons Liber Pater, Hercule, Mercure. Liber Pater, parce qu'il eft effectivement le père de tous les humains, à qui il a enfeigné la vertu des fe

mences, fource féconde de nos plaifirs. Hercule, parce que fa puiffance eft irréfiftible. Mercure, parce qu'on trouve en lui l'intelligence, la fcience, le principe de l'ordre & de l'harmonie. Vous pouvez, felon la même analogie, l'appeller Nature & Fortune. Tous ces noms conviennent au même Dieu, felon les divers usages qu'il fait de fa puiffance. La juftice, la probité, la prudence, la force, la tempérance font des qualités de ce feul & unique efprit. Aimez-vous quelqu'un de ces attributs, votre affection a néceffairement rapport à cet efprit.

Dieu connoît l'économie de fon ouvrage. Les effets qui doivent,

pour ainfi dire, paffer par fes mains lui font continuellement préfents. Pour nous ils nous font cachés, & nous ne les découvrons qu'après coup. Les événemens que nous croyons dépendre du hafard, sa prefcience les lui avoit déjà rendus certains & comme familiers.

Quel homme fi miférable, fi difgracié, condamné à une fituation fi dure & fi pénible, qui n'ait éprouvé la munificence des dieux à fon égard? Examinez bien ces gens qui fe plaignent & qui déplorent leur fort, vous reconnoî-. trez qu'ils ont bien des graces à rendre au ciel, & qu'il n'en eft aucun fur qui la bonté divine n'ait répandu quelques bienfaits, Comp

tent-ils pour rien ce que tous les hommes reçoivent également ; l'existence & la vie Et fans parler des autres dons que la nature nous diftribue inégalement après notre naiffance, dira-t-on qu'elle donne peu, en fe donnant ellemême ?

Quoi! vous ne devez rien à la faveur des dieux! Mais ce que vous poffédez, ce que vous donnez à d'autres, ce que vous feur refufez, ce que vous leur enlevez quelquefois, de qui le tenez-vous? D'où vous font venus tant d'objets qui flattent vos yeux, vos oreilles, votre efprita D'où part cette abondance qui vous fournit bien au delà du néceffaire? La

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