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deux hommes recherchoient fa fille; l'un pauvre, mais d'une probité reconnue; l'autre riche, mais d'unè réputation équivoque, lequel il préféreroit? J'aime mieux, dit-il, un homme fans argent, que de l'ar gent, & point d'homme.

Pour arriver à la gloire par le plus court chemin, appliquonsnous, difoit très-bien Socrate, à être réellement ce que nous avons envie de paroître. On fe trompe fort, fi l'on fe flatte de pouvoir conftamment mériter l'eftime des hommes par de vains dehors, par un mafque de vertu, par un air, par un langage étudié. Tout ce qui n'eft qu'apparence, dure peu; ce font des fleurs, qui, à peine

écloses, tombent de l'arbre; mais la véritable gloire tient à de profondes racines, & croît toujours.

Philippe, fur ce qu'Alexandre fon fils, cherchoit à gagner le cœur des Macédoniens par des largeffes, lui en fit des reproches, & avec raifon. Où est donc votre esprit, lui écrivoit-il, de croire que des hommes que vous aurez corrompus à force d'argent, vous feront fidėles? Votre defein eft-il que les Macédoniens comptent que vous serez, non leur roi, mais leur tréforier, leur valet ?

Parmi les cas puniffables de mort, que nos douze tables reftreignent à un bien petit nombre, celui-ci en est un, de chanter ou de com

pofer des vers, foit injurieux, foit diffamatoires. Et cette loi eft fort fage. Car c'eft à la juftice, c'est aux magiftrats que nous fommes refponfables de notre conduite, & non aux fantaisies d'un poëte. On ne peut attaquer notre honneur que devant un tribunal où il nous fóit libre de nous défendre.

On est bien malheureux de concevoir des projets criminels; & le comble du malheur, ce n'eft pas de manquer l'exécution, c'est de goûter le projet.

Un homme né dans l'ifle (1) de Sériphe, & qui avoit quelque dif

(1) Sériphe, aujourd'hui Serfino, est une mauvaise petite ifle de l'Archipel,

pute avec Thémistocle, lui reprocha qu'il devoit toute fa réputation à fa patrie. J'avoue, reprit Thémiftocle, que fi j'étois né dans ton ifle, mon nom n'eût jamais fait de bruit; mais pour toi, quand tu aurois été Athénien, jamais ti n'aurois été connu.

Pendant trente-huit ans, & dès l'âge de vingt-cinq, Denys exerça un pouvoir tyrannique dans la belle & floriffante ville de Syracufe, où il avoit opprimé la liberté. On fait par des écrivains dignes de foi, que ce fut un homme d'affez bonnes mœurs; propre d'ailleurs & à former & à conduire de grands deffeins; mais naturellement malfaisant & injufte ; très-éloigné, par conféquent,

conféquent, d'être heureux, fi l'on juge fainement de lui.

Arrivé, en effet, à cette fouveraine puiffance, qui étoit sa paffion, il ne goûtoit pas le plaifir d'y être arrivé. Quoiqu'étant de bonne famille, il eut de quoi fe faire une fociété aimable parmi fes égaux, & dans le fein de fa parenté; au contraire, fe défiant d'eux tous, il fe faifoit garder par des étran gers, par de miférables barbares, par des efclaves choifis entre ceux qui fe trouvoient dans les meilleures maifons de Syracufe. Pour fe conferver une domination injufte, il fe condamnoit lui-même ainfi à une espèce de prifon. Mais bien plus, n'ofant fier sa gorge à un Morale. Tome IV.

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