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il y eut fur la terre une éclipfe de foleil. Quand tous les aftres, toutes les planètes fe retrouvant dans la même pofition, il arrivera que le foleil au même point, au même tems, s'éclipfera tout de nouveau, alors vous aurez une année complette. Or fachez que présentement (1) vous n'en avez pas en

(1) En fuppofant que l'époque de ce

fonge eft l'année du confulat de Manilius, & que Romulus, felon le P. Petau, mourut l'an de Rome 38, on trouve 568 ans, & puifque cet efpace de temps ne faifoit pas encore la partie d'une grande année, cela juftifie ce que l'on rapporte de Cicé ron dans le dialogue intitulé: Des caufes de la corruption de l'Eloquence, chap. 16, que felon lui cette grande année n'arrive qu'au bout de 12854 ans.

core la vingtième partie de révo

lue.

Perdez-vous donc l'espérance de revenir dans ces temples, l'unique objet des grandes ames? Que vous refte-t-il dès-lors, & qu'est-ce que cette gloire humaine, dont à peine la durée embraffe quelque petite partie d'une année?

Vos regards, au contraire, vos vœux fe portent-ils à cette demeure éternelle? Que les difcours du vulgaire ne faffent point d'impreffion fur vous ne fondez point votre efpoir fur des récompenfes terrestres: il faut que la vertu elle-même vous attire par fes propres charmes au veritable honneur. On parlera de vous dans le monde ; c'est l'af

faire des autres, de voir comment ils en doivent parler. Mais enfin leurs difcours, quels qu'ils foient, ne paffent pas les bornes étroites des régions que vous voyez. Et d'ailleurs, nulle réputation durable. A mesure que les hommes meurent, les noms qui leur étoient connus, fe perdent & font éteints par l'oubli de la postérité.

Pour moi, lui dis-je alors, quoique depuis mon enfance,

mar

chant fur vos traces, & fur celles. de mon père, je n'aye pas dégénéré; cependant puifque l'entrée du ciel eft ouverte à ceux qui ont bien fervi leur patrie, déformais la vue d'une fi grande récompenfe me fera redoubler mes efforts.

Oui,

Oui, reprit-il, vous le devez ; & tenez pour certain, que votre corps est tout ce qu'il y a de mortel en vous. Quand je dis vous, je n'entens pas cette figure qui nous tombe fous les fens. Tout homme eft ce qu'il eft, non par fon corps, mais par fon efprit. Apprenez, cela étant, que vous êtes un Dieu; parce qu'effectivement c'eft être un Dieu que de pofféder en foi la vie & le fentiment; que d'être capable de mémoire & de prévoyance ; que d'avoir fur le corps, à la conduite duquel on eft prépofé, tout autant d'empire, qu'en a le fouverain Dieu fur l'univers. Auffi maître de gouverner ce corps fragile, & de le mouvoir à votre gré, que Morale. Tome IV.

H

l'eft ce Dieu éternel de gouverner & de mouvoir l'univers, qui, à certains égards, n'eft pas moins (1) corruptible que votre corps.

Un être qui fe meut toujours, exiftera toujours. Mais celui qui donne le mouvement à un autre, & qui le reçoit lui-même d'un autre, ceffe néceffairement d'exifter, lorfqu'il perd fon mouvement. Il n'y a donc que l'être mû par fa propre vertu, qui ne perde jamais

(1) Tous les anciens croyoient l'univers incorruptible, quant à la matière, c'est-àdire, ils croyoient que la matière dont il eft compofe, ne pouvoit être anéantie. Mais la plupart, & les Soïciens principalement, le tenoient corruptible & périffable, quant à la forme Vayez de Plac. Philof. II, 4.

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