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conféquent être utiles à votre gloire. Remarquez auffi ces zones, qui partagent le globe terreftre. Vous en voyez deux, qui font les plus éloignées l'une de l'autre, & précisément fous les deux pôles, affiégées de glaces & de frimats. Au milieu eft la plus grande, brûlée par l'ardeur du foleil. Il n'y (1) en

(1) Virgile, Georg. I, 233; Ovide, Me. tam. I, 49; Pline, II, 69; tous les anciens, en un mot, étoient perfuadés que des cinq zones il n'y en avoit que deux d'habitées ni même d'habitables. Leur ignorance à cet égard, ceffera de nous étonner, fi nous confidérons qu'aujourd'hui encore, malgré les fecours du commerce & de la navigation, nous ne connoiffons pas, à beaucoup près, tout ce qu'il y a de pays. habités. Ces fortes de découvertes font l'ou

a d'habitables que deux; l'auftrale, qui eft occupée par vos antipodes, avec lesquels vous n'avez nulle communication; & la feptentrionale, qui eft celle où vous êtes fitués. Or jugez combien eft mince la portion qui vous en revient. Car, à prendre tout ce que contient votre zone, qui a quelque largeur au milieu, mais qui eft fort ferrée aux deux extrémités, cela ne fait qu'une especè de petite ifle, entourée de cette mer que vous appelez l'Atlantique, la grande mer, l'Océan ; & dont, malgré ces titres pompeux, Vous voyez

vrage, non de l'efprit humain, mais du temps

& du hafard.

quelle eft la petitesse. Votre renommée, ou celle de quelqu'autre romain, a-t-elle jamais pu, de ces pays que vous connoiffez, paffer au-delà (1) du Caucase ou du Gange, montagne & fleuve que Vous avez là fous les yeux? Qui, dans le refte de l'orient, & aux extrémités de l'occident, du feptentrion, du midi, entendra parler de Scipion? Toutes ces parties de la terre n'étant donc à compter pour rien par rapport à vous comprenez à quoi fe réduit l'espace, que votre ambition fe propofe de remplir.

(1) Le Caucafe, montagne de la Colchide, vers l'embouchure du Phase,

Le Gange, fleuve de l'Inde.

Mais de plus, ceux qui parleront de vous, combien de tems en parleront-ils ? Quand même la génération fuivante auroit envie de tranfmettre à une génération plus éloignée, les éloges qu'elle aura entendu faire de nous; il n'eft pas poffible que notre gloire foit, je ne dis pas éternelle, mais de quelque durée, à caufe des inondations & des incendies, que le cours de la nature doit néceffairement ame

ner.

Que vous importe d'ailleurs, d'avoir un nom parmi les hommes qui vous fuivront, puifque ceux qui vous ont précédé, dont le nombre n'eft pas moindre, & dont le mérite certainement a été fupé

rieur, n'ont point parlé de vous? Ajoutons que tous ceux qui peuvent jamais vous connoître, ne fauroient faire que votre mémoire vive feulement l'efpace d'une année. On appelle en termes populaires une année, ce que le foleil, qui n'eft qu'un aftre feul, met de tems à faire fon cours. Mais l'année vraiment complette, eft celle où généralement tous les aftres revenus au même point d'où ils étoient partis, ramènent après un long intervalle de tems le même plan du ciel tout entier. Je n'ofe prefque dire combien pour cela il faut de ce que vous appellez fiècles. Autrefois, lorfque l'ame de Romulus pénétra dans ces lieux,

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