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coulèrent en abondance. Mais lui, en m'embraffant, & me baifant : Ne pleurez point, me difoit-il. Pour moi, dès que mes pleurs me laifsèrent la liberté de parler : O mon père m'écriai-je, vous, dont la fainteté, dont les vertus font l'objet de ma vénération! puisque la véritable vie n'eft que dans ces lieux, comme je l'apprens de l'a fricain, que fais-je donc plus longtems fur la terre ? Pourquoi ne pas me hâter de vous rejoindre ?

A moins, me répondit-il, que ce Dieu, dont le temple eft tout ce que vous découvrez ici, n'ait luimême brifé les chaînes qui vous lient à votre corps, vous ne fauriez être admis en ces lieux, Car

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les hommes ont reçu l'être à une condition, qui eft de travailler à la confervation du globe, que voià au milieu de ce temple, & que Fon appelle la terre. Ils ont une ame, portion de ces feux éternels, que vous nommez étoiles, aftres, qui font des corps fphériques, animés par des intelligences divines, & dont la révolution fe fait avec une prodigieufe rapidité. Vous donc, mon fils, & tous ceux qui ont de la religion, vous devez conftamment retenir votre ame dans le corps où elle a fon pofte; & fans l'ordre exprès de celui qui vous l'a donnée, ne point fortir de cette vie mortelle; parce qu'autrement vous paroîtriez avoir voulu

fecouer l'emploi, dont la volonté divine vous a chargé. Ainfi ce que vous avez à faire préfentement, c'eft d'imiter l'africain votre aïeul, & moi votre père; de cultiver à notre exemple la juftice; d'aimer vos parens & vos amis, mais votre patrie plus que tout le reste. Voilà par où l'on arrive au ciel, & dans cette affemblée de gens, qui, après avoir vécu fur la terre, maintenant dégagés de leur corps, habitent le lieu que vous voyez.

Il me parloit (1) de ce cercle brillant, que fon éclatante blancheur fait remarquer entre toutes

(1) Scipion reprend ici la parole, & l'on ne fait plus ce que devient fon père.

les conftellations, & que vous appelez le cercle (1) de lait, comme les Grecs vous l'ont appris.

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Promenant de-là mes yeux fur

le reste de l'univers, je n'y découvrois que du beau, du merveilleux. J'y voyois des étoiles qui n'ont jamais (2) été apperçues d'ici; &

(1) On dit en françois, la voie lacée ; & populairement, le chemin de faint Jacques. Ç'eft un amas d'étoiles, qui par leur proximité & par leur arrangement, tracent dans le ciel une espèce de chemin. Voyez fur ce fujet les diverfes opinions des anciens, dans L'ouvrage attribué à Plutarque de Plac. Philof. III, 1.

(2) Il y a des étoiles fi éloignées de nous, que nous ne faurions les voir. C'est ce que prouve l'invention moderne du télescope, à

toutes, foit celles-là, foit les autres qui nous font connues, je les voyois d'une grandeur que jamais nous n'avons imaginée. La moindre, qui étoit la plus éloignée du ciel, & la plus proche de la terre, ne brilloit que d'une lumière d'emprunt. A l'égard des autres globes, ils furpaffoient (1) de beaucoup

l'aide duquel on a découvert beaucoup détoiles, qui n'étoient pas connues des anciens.

(1) On ne fauroit dire précisément de quelle grandeur eft une étoile. Pour en ju ger par les règles de l'optique, il faudroir favoir jufte à quelle diftance eft de la terre l'étoile qu'on veut mefurer. Le favant M. Huygens, prétend qu'un boulet de canon emploieroit près de 70060 ans pour parve

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