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deux grands philofophes, eft précifément ce qui doit nous rendre plus attentifs à la lecture de Cicéron, afin de pouvoir prononcer nous-mêmes d'une manière plus libre & plus dégagée de tout préjugé.

PENSEES

UNIVERSELLE

DES DA ME S.

PENSÉES

MORALES

DE CICERO N.

SUR L'ÉLOQUENCE.

RIEN de fi beau, felon moi, que

de s'attirer l'attention de toute une affemblée; que de charmer les efprits, que de pouvoir, ou persuader, ou diffuader comme on veut Par-tout où le peuple jouit de fa liberté, dans un tems de paix princi Morale. Tome IV.

A

palement, ce fut toujours là le premier mérite, & ce qui donne le plus de crédit. Qu'y a-t-il, en effet, de fi digne d'admiration, qu'un homme, qui, dans ce prodigieux nombre d'hommes, fait feul, ou prefque feul, valoir des talens, que la nature accorde à tous? Rien flatte-t-il fi délicieusement l'efprit & l'oreille, qu'un difcours fagement pensé, & noblement exprimé? Quel empire, quel afcendant comparable à celui de l'éloquence, puifque fous elle les caprices du peu ple, la religion des juges, la gravité du fénat, tout plie? Qu'y at-il de plus généreux, de plus royal, & qui marque plus un grand cœur, que d'affifter l'innocent, que

de rétablir l'opprimé, que de pro téger le foible, que de conferver la vie à ceux-ci, & de fauver l'exil à ceux-là? Qu'y a-t-il enfin de fi néceffaire, que d'avoir toujours des armes redoutables aux méchans, & qui nous mettent à couvert des infultes, ou en état de les venger ?

Mais laiffer un peu à part

pour

les procès & les affaires, le barreau & le fénat; quel plus doux plaifir, & qui convienne mieux à F'homme, que d'avoir, quand nous fommes maîtres de quelques momens, une converfation aimable & polie? L'ufage que nous avons de la parole, & la faculté de nous communiquer ainfi nos pensées,

eft ce qui nous diftingue le plus des bêtes. Pouvoir donc l'emporter fur les autres hommes, en ce qui fait principalement que l'homme l'emporte fur la brute, n'eftce pas quelque chofe de merveilleux, & qui mérite qu'on faffe fes derniers efforts pour y réuffir?

Voici le plus beau trait enfin, à રે l'honneur de l'éloquence. Quelle autre force que celle-là put engager les hommes difperfés, & féroces qu'ils étoient, à se réunir & à se civilifer Car il y a eu un tems où, à la manière des bêtes, ils erroient dans les campagnes, & fe nourriffoient de leur proie. Prefque tout fe décidoit par la force corporelle, rien par la raison. Alors nulle re

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