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Vite, emportez-moi haut sous la céleste voûte,
A la troisième enceinte, aux parvis reservés !

Que je perde à mes pieds ces plaines nébuleuses,
Et l'hiver, et la bise assiégeant mes volets;
Que des sphères en rond les orgues merveilleuses
Animent sous mes pas le jaspe des palais;

Que je voie à genoux les anges sans paroles;
Qu'aux dômes étoilés je lise, triomphant,

Ces mots du doigt divin, ces mystiques symboles,
Grands secrets qu'autrefois connut le monde enfant;

Que lisaient les vieillards des premières années,
Qu'à ses fils en Chaldée enseignait chaque aïeul . . .
Sans plus songer alors à mes saisons fanées,
Peut-être j'oublierai qu'ici-bas je suis seul.

A M. AUGUSTE LE PRÉVOST.

Quis memorabitur tui post mortem, et quis orabit pro te?
(De Imitatione Christi, Lib. I., Cap. 23.}

Dans l'île Saint-Louis, le long d'un quai désert,
L'autre soir je passais; le ciel était couvert,
Et l'horizon brumeux eût paru noir d'orages,
Sans la fraîcheur du vent qui chassait les nuages;
Le soleil se couchait sous de sombres rideaux;
La rivière coulait verte entre les radeaux;
Aux balcons çà et là quelque figure blanche
Respirait l'air du soir, et c'était un dimanche.
Le dimanche est pour nous le jour du souvenir;
Car, dans la tendre enfance, on aime à voir venir,
Après les soins comptés de l'exacte semaine
Et les devoirs remplis, le soleil qui ramène
Le loisir et la fête, et les habits parés,

Et l'église aux doux chants, et les jeux dans les prés;

Et plus tard, quand la vie, en proie à la tempête,
Ou stagnante d'ennui, n'a plus loisir ni fête,
Si pourtant nous sentons, aux choses d'alentour,
A la gaîté d'autrui qu'est revenu ce jour,
Par degrés attendris jusqu'au fond de notre âme,
De nos beaux ans brisés nous renouons la trame
Et nous nous rappelons nos dimanches d'alors,
Et notre blonde enfance, et ses riants trésors.
Je rêvais donc ainsi, sur ce quai solitaire,
A mon jeune matin si voilé de mystère,

A tant de pleurs obscurs en secret dévorés,

A tant de biens trompeurs ardemment espérés,

Qui ne viendront jamais, . . . qui sont venus peut-être !
En suis-je plus heureux qu'avant de les connaître ?
Et, tout rêvant ainsi, pauvre rêveur, voilà
Que soudain, loin, bien loin, mon âme s'envola,
Et d'objets en objets, dans sa course inconstante,
Se prit aux longs discours que feu ma bonne tante
Me tenait, tout enfant, durant nos soirs d'hiver,
Dans ma ville natale, à Boulogne-sur-Mer.
Elle m'y racontait souvent, pour me distraire,
Son enfance et les jeux de mon père, son frère,
Que je n'ai pas connu; car je naquis en deuil,
Et mon berceau d'abord posa sur un cercueil.
Elle me parlait donc et de mon père et d'elle;
Et ce qu'aimait surtout sa mémoire fidèle,
C'était de me conter leurs destins entraînés
Loin du bourg paternel où tous deux étaient nés.
De mon antique aïeul je savais le ménage,

Le manoir, son aspect et tout le voisinage;

La rivière coulait à cent pas près du seuil;

Douze enfants (tous sont morts!) entouraient le fauteuil; Et je disais les noms de chaque jeune fille,

Du curé, du notaire, amis de la famille,

Pieux hommes de bien, dont j'ai rêvé les traits,

Morts pourtant sans savoir que jamais je naîtrais.

Et tout cela revint en mon âme mobile,

Ce jour que je passais le long du quai, dans l'île.

Et bientôt, au sortir de ces songes flottants,
Je me sentis pleurer, et j'admirai longtemps.
Que de ces hommes morts, de ces choses vieillies,
De ces traditions par hasard recueillies,
Moi, si jeune et d'hier, inconnu des aïeux,
Qui n'ai vu qu'en récit les images des lieux,
Je susse ses détails, seul peut-être sur terre,
Que j'en gardasse un culte en mon cœur solitaire,
Et qu'à propos de rien, un jour d'été, si loin
Des lieux et des objets, ainsi j'en prisse soin.
Hélas! pensai-je alors, la tristesse dans l'âme,
Humbles hommes, l'oubli sans pitié nous réclame,
Et sitôt que la mort nous a remis à Dieu,
Le souvenir de nous ici nous survit peu;.
Notre trace est légère et bien vite effacée;

Et moi, qui de ces morts garde encor la pensée,
Quand je m'endormirai comme eux, du temps vaincu,
Sais-je, hélas! si quelqu'un saura que j'ai vécu ?
Et poursuivant toujours, je disais qu'en la gloire,
En la mémoire humaine, il est peu sûr de croire,
Que les cœurs sont ingrats, et que bien mieux il vaut
De bonne heure aspirer et se fonder plus haut,
Et croire en Celui seul qui, dès qu'on le supplie,
Ne nous fait jamais faute, et qui jamais n'oublie.

PART III.

FRENCH VERSIFICATION.

SYLLABLES.

§ 1. French verses differ from prose in three respects: 1st. They have a limited and regular number of syllables. 2d. They end with the rhyme,* a similarity of sound found at the end of at least two verses.

3d. They do not allow of a hiatus, i. e., two vowels in succession, one ending a word, and the other beginning the following word, as tu es, j'ai eu. The e mute alone is excepted.

§ 2. Since French verses have a fixed number of syllables, attention must first be given to the proper division of the words into syllables. Scanning a verse is dividing it into all the syllables of which it is composed.

§3. Every syllable in a verse is counted, even the final e mute, unless it is immediately followed by a vowel, or an

* "Nous avons un besoin essentiel du retour des mêmes sons, pour que notre poésie ne soit pas confondue avec la prose. Tout le monde connaît ces vers:

Où me cacher? Fuyons dans la nuit infernale.
Mais que dis-je ? mon père y tient l'urne fatale:
Le sort, dit-on, l'a mise en ses sévères mains;
Minos juge aux enfers tous les pâles humains.

"Mettez à la place:

Où me cacher? Fuyons dans la nuit infernale.
Mais que dis-je ? mon père y tient l'urne funeste:
Le sort, dit-on, l'a mise en ses sévères mains;
Minos juge aux enfers tous les pâles mortels.

"Quelque poétique que soit ce morceau, fera-t-il le même plaisir, dépouillé de l'agrément de la rime?" Voltaire,

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unaspirated h. (See § 30, R. 2.) Ex. l'hom-me vient; l'hommea-droit. In the first case the e mute is retained before v, and in the second case it is elided before the vowel a.

§ 4. Care must be taken, in scanning, to pronounce every syllable, even those which, in the rapidity of ordinary speech, are not pronounced. Ex. u-ne pe-ti-te ru-se. Two successive vowels must also be divided when they do not form a diphthong. Ex. a-vou-ez.

§ 5. In the third person plural of the imperfect and the conditional, the last three letters ent do not count in the measure. Ex. vou-laient, vou-draient. The same is true of the plural of the subjunctives of the auxiliaries, qu'ils aient, qu'ils soient, which are monosyllables.

Ex. Qui labouraient leurs champs, et gagnaient des batailles.

SAINT VICTOR.

REM. The same letters (ent following i) make a syllable in the present of the indicative and the subjunctive in the following verbs: pai-ent, voi-ent, emploi-ent, pri-ent, etc.

§ 6. The e mute is also counted at the end of words, and when it is followed by an s. Ex. je jou-e, tu jou-es.

§ 7. When two or more vowels occur in succession, the student will frequently experience a difficulty in deciding whether they shall be pronounced together or separately. Sometimes they will form a diphthong, being united by synæresis; and sometimes they will be separated into two syllables by diaresis. The following are the principal combinations which require notice:

Ia.-1. MONOSYLLABLE. In fiacre, diacre, liard, diable.

2. More frequently DISSYLABLE. In the tenses of verbs in ier, as pri-a; and in mari-age, ti-are, di-amant, di-adème, di-alogue, fili-al, nupti-al.

Iai.-1. MONOSYLLABLE. In bré-viaire.

2. Generally DISSYLLABLE. J'étudi-ais, j'étudi-ai, je confi-ais, niais (adj.), auxili-aire, plagi-aire.

3. COMMON (i. e., monosyllable or dissyllable), but more frequently dissyllable, in biais.

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