Courbé sur la rame bruyante, Dieu! quelle fraîcheur on respire! A la pâle reine des nuits; Le sein des fleurs demi-fermées Quels chants sur ces flots retentissent? Le pêcheur, repliant ses voiles, Mais déjà l'ombre plus épaisse S'assied, pensive et recueillie, Oh! de la liberté vieille et sainte patrie,10 Croit sur leurs monuments respirer leur génie, Mais n'interrogeons pas vos cendres généreuses, tus; Allons redemander à ces murs abattus Des souvenirs plus doux, des ombres plus heureuses. Horace, dans ce frais séjour,12 Non loin des mêmes bords, plus tard il vint mourir; La palme qui l'attend devant lui semble fuir, Voluptueux vallon qu'habita tour à tour Tout ce qui fut grand dans le monde, Tu ne retentis plus de gloire ni d'amour. Pas une voix qui me réponde, Que le bruit plaintif de cette onde, Ou l'écho réveillé des débris d'alentour! Ainsi tout change, ainsi tout passe; $75. DELAVIGNE, 1794-1843. J. F. CASIMIR DELAVIGNE, poète et auteur dramatique distingué, membre de l'Académie française, naquit au Havre en 1793. Ses principaux ouvrages sont: Le Paria, Marino Faliero, les Vêpres siciliennes, Louis XI et les Enfants d'Édouard, tragédies; l'École des vieillards, comédie; et poésies diverses, parmi lesquelles on remarque les Messéniennes. MORT DE JEANNE D'ARC. A qui réserve-t-on ces apprêts meurtriers 1? D'où vient ce bruit lugubre? où courent ces guerriers, La joie éclate sur leurs traits; Sans doute l'honneur les enflamme, Ils vont pour un assaut former leurs rangs épais? Qui vont voir mourir une femme. Qu'ils sont nobles dans leur courroux! Qu'il est beau d'insulter au bras chargé d'entraves! 2 "Qu'elle meure! elle a contre nous Des esprits infernaux suscité la magie.... 8 " D'un courage inspiré la brûlante énergie, L'amour du nom français, le mépris du danger, En faut-il d'autres que des armes Pour combattre, pour vaincre et punir l'étranger? Du Christ, avec ardeur, Jeanne baisait l'image; Tranquille elle y monta; quand, debout sur le faîte, Les bourreaux en suspens, la flamme déjà prête, Et se prit à pleurer. Ah! pleure, fille infortunée! Ta jeunesse va se flétrir, Dans sa fleur trop tôt moissonnée ! Adieu, beau ciel, il faut mourir ! Tu ne reverras plus tes riantes montagnes, Et ton père expirant sous le poids des douleurs. Après quelques instants d'un horrible silence, Montre aux Anglais son bras à demi consumé. Anglais? son bras est désarmé; La flamme l'environne, et sa voix expirante Murmure encore: “O France! ô mon roi bien-aimé!” Qu'un monument s'élève au lieu de ta naissance, Elle y viendra gémir sous de jeunes cyprès: Que sur l'airain funèbre, on grave des combats, Et n'obtint qu'un tombeau, pour prix de ses exploits." § 76. DE VIGNY, 1799-1863. ALFRED-VICTOR, COMTE DE VIGNY, poète français, membre de l'Institut, naquit à Loches, le 27 mars 1799. Il débuta dans la carrière des lettres par des poésies qui furent accueillies avec faveur. Son roman de Cinq-Mars, publié en 1826, se distingue de la foule des compositions du même genre que l'on voit, chaque année, naître et mourir. M. de Vigny a publié d'autres écrits empreints du même talent, mais qui ont obtenu moins de succès. En 1855, il remplaça Étienne à l'Académie française. LA FILLE DE JEPHTÉ. Voilà ce qu'ont chanté les filles d'Israel,1 1 Et leur pleurs ont coulé sur l'herbe du Carmel : -Jephté de Galaad a ravagé trois villes; |