JOAS. Dieu laissa-t-il jamais ses enfants au besoin? Aux petits des oiseaux il donne leur pâture, Et sa bonté s'étend sur toute la nature. Tous les jours je l'invoque; et d'un soin paternel Il me nourrit des dons offerts sur son autel. ATHALIE (à part). Quel prodige nouveau me trouble et m'embarrasse ? La douceur de sa voix, son enfance, sa grâce, Succéder Je serais sensible à la pitié? ABNER. Madame, voilà donc cet ennemi terrible? JOSABETH. Vous avez entendu sa fortune: Sa présence à la fin pourrait être importune. JOAS. (A Joas.) Quel est tous les jours votre emploi ? J'adore le Seigneur; on m'explique sa loi: Dans son livre divin on m'apprend à la lire; Et déjà de ma main je commence à l'écrire. JOAS. Que Dieu veut être aimé; Qu'il venge tôt ou tard son saint nom blasphémé; Qu'il est le défenseur de l'orphelin timide; Qu'il résiste au superbe, et punit l'homicide. ATHALIE. J'entends. Mais tout ce peuple enfermé dans ce lieu, A quoi s'occupe-t-il ? JOAS. ATHALIE. Il loue, il bénit Dieu. Dieu veut-il qu'à toute heure on prie, on le contemple? JOAS. Tout profane exercice est banni de son temple. JOAS. Quelquefois à l'autel Je présente au grand prêtre ou l'encens ou le sel; J'entends chanter de Dieu les grandeurs infinies; ATHALIE. Hé quoi! vous n'avez point de passe-temps plus doux? Je plains le triste sort d'un enfant tel que vous. JOAS. Moi! des bienfaits de Dieu je perdrais la mémoire ? ATHALIE. Vous pourrez le prier. JOAS. Je verrais cependant en invoquer un autre. ATHALIE. J'ai mon Dieu que je sers; vous servirez le vôtre : Ce sont deux puissants dieux. JOAS. Il faut craindre le mien: Lui seul est Dieu, madame, et le vôtre n'est rien. ATHALIE. Les plaisirs près de moi vous chercheront en foule. JOAS. Le bonheur des méchants comme un torrent s'écoule. ATHALIE. Ces méchants, qui sont-ils ? JOSABETH. Un enfant Hé, madame! excusez. ATHALIE (à Josabeth). J'aime à voir comme vous l'instruisez. Enfin, Éliacin, vous avez su me plaire; Vous n'êtes point sans doute un enfant ordinaire. Je veux vous faire part de toutes mes richesses; Je prétends vous traiter comme mon propre fils. IDYLLE SUR LA PAIX.3 Charmante paix, délices de la terre, Un plein repos favorise nos vœux: Tu rends le fils à sa tremblante mère; Ne craint plus désormais qu'une main étrangère Un plein repos favorise nos vœux: Chantons, chantons la paix, qui nous rend tous heureux. Mais quelle main puissante et secourable A rappelé du ciel cette paix adorable? Quel Dieu, sensible aux vœux de l'univers, Déjà grondaient les horribles tonnerres 6 Et se flattait d'éterniser les guerres Que sa fureur soufflait de toutes parts. Divine paix, apprends-nous par quels charmes Un calme si profond succède à tunt d'alarmes ? Un héros, des mortels l'amour et le plaisir, Ses ennemis, offensés de sa gloire, Vaincus cent fois, cent fois le suppliant, En leur fureur de nouveau s'oubliant, Ont osé dans ses bras irriter la victoire. Qu'ont-ils gagné, ces esprits orgueilleux, De leur orgueil l'espérance dernière, Un héros, des mortels l'amour et le plaisir, O ciel, ô saintes destinées, Qui prenez soin de ses jours florissants, Pour ajouter à ses années." Qu'il règne ce héros, qu'il triomphe toujours; Qu'avec lui soit toujours la paix ou la victoire: Que le cours de ses ans dure autant que le cours De la Seine et la Loire. Qu'il règne ce héros, qu'il triomphe toujours; § 55. J. B. ROUSSEAU, 1671-1741. Malgré d'assez grandes inégalités dans ses ouvrages, J. B. ROUSSEAU est digne encore d'être compté parmi les poètes classiques français. 2 On admirera toujours la magnificence et l'éclat de ses belles odes: en outre, il a été le créateur d'un genre nouveau en poésie, de la cantate.' Ajoutons qu'il a laissé plusieurs comédies assez froides, des épigrammes piquantes, et des épîtres parfois ingénieuses et faciles. Né à Paris, en 1671, d'un artisan qui épuisa ses ressources pour le placer au collége du Plessis, il annonça de bonne heure les plus brillantes dispositions; mais son caractère ne fut jamais au niveau de son esprit. Assez faible pour rougir de sa naissance, il fut, assure-t-on, un fils ingrat, et l'on ne saurait s'étonner qu'il ait passé dès lors pour un malhonnête homme. De là les malheurs de sa vie, qui exercèrent une fâcheuse influence sur ses talents. Il fut en effet banni en 1712 par arrêt du parlement, et il passa à l'étranger le reste de ses jours: ce long exil finit par altérer sensiblement la correction de son langage. La cause de sa condamnation avait été une pièce de vers scandaleux, dont il fut réputé l'auteur: il paraît bien avéré aujourd'hui qu'il n'était pas coupable, mais il porta la peine de sa mauvaise réputation. Néanmoins, il faut constater, à l'avantage de sa mémoire, que J. B. Rousseau, jusqu'à sa mort, qui eut lieu à Bruxelles en 1741, conserva des amis honorables, entre lesquels on remarque Rollin, qui lui a adressé plusieurs lettres. On peut le considérer, pour le style, comme l'anneau qui unit, en quelque sorte, le dix-septième siècle au dix-huitième. L'INSPIRATION POÉTIQUE. Tel que le vieux pasteur des troupeaux de Neptune, Ne cache aucuns secrets, Sous diverse figure, arbre, flamme, fontaine, Ou tel que d'Apollon le ministre terrible, |