S'assied sur le timon, sur le nez du cocher. Et qu'elle voit les gens marcher, Elle s'en attribue uniquement la gloire, Va, vient, fait l'empressée : il semble que ce soit La Mouche, en ce commun besoin, Se plaint qu'elle agit seule, et qu'elle a tout le soin; Il prenait bien son temps! Une femme chantait: Après bien du travail, le Coche arrive au haut. Ils font partout les nécessaires, LE CHÊNE ET LE ROSEAU." Le Chêne un jour dit au Roseau 1: Fait rider la face de l'eau Vous oblige à baisser la tête; 8 Cependant que mon front, au Caucase pareil, Brave l'effort de la tempête. Tout vous est aquilon, tout me semble zéphyr. Encor9 si vous naissiez à l'abri du feuillage Vous n'auriez pas tant à souffrir; Mais vous naissez le plus souvent Sur les humides bords des royaumes du vent. Les vents me sont moins qu'à vous redoutables: Résisté sans courber le dos; Mais attendons la fin." Comme il disait ces mots, Du bout de l'horizon accourt avec furie Le plus terrible des enfants Que le nord eût portés jusque-là dans ses flancs. Le vent redouble ses efforts, Et fait si bien qu'il déracine Celui de qui la tête au ciel était voisine, Et dont les pieds touchaient à l'empire des morts.10 LE CHAT ET LE VIEUX RAT. J'ai lu, chez un conteur de fables,1 Qu'un second Rodillard," l'Alexandre des chats, Rendait ces derniers misérables; Vrai Cerbère, était craint une lieue à la ronde; 13 Comme il voit que dans leur tanières Les souris étaient prisonnières, Qu'elles n'osaient sortir, qu'il avait beau chercher, A de certains cordons se tenait par la patte. Se promettent de rire à son enterrement, Mais voici bien une autre fête. Le pendu ressuscite, et, sur ses pieds tombant, "Nous en savons plus d'un, dit-il en les gobant: Il prophétisait vrai: notre maître Mitis,14 Et, de la sorte déguisé, Se niche et se blottit dans une huche ouverte. Ce fut à lui bien avisé : La gent trotte-menu 16 s'en vient chercher sa perte. Car, quand tu serais sac, je n'approcherais pas." Et savait que la méfiance Est mère de la sûreté. § 52. MOLIÈRE, 1622–1673. Enfant de Paris, où il était né en 1622, MOLIÈRE y avait reçu une excellente éducation; mais, au sortir du collége, entraîné par un goût impérieux dans la vie périlleuse du théâtre, il se fit acteur, et parcourut longtemps les provinces à la tête d'une troupe de comédiens, représentant avec eux les pièces qu'il composait: cependant la force de son génie résista à cette existence précaire et aventureuse. Rendu, vers sa quarantième année, au séjour de la capitale, il y trouva, avec des spectateurs dignes de lui, de sages conseils qui ne contribuèrent pas peu à développer ses grands talents. La faveur de Louis XIV, qui sut les apprécier à leur valeur, en assurant à Molière des encouragements et un appui qui ne se démentirent jamais, lui permit enfin de les déployer dans tout leur éclat. Depuis lors jusqu'à la fin de sa carrière, qui fut abrégée par les fatigues de sa profession (il mourut après une représentation du Malade imaginaire en février 1673), on vit se succéder presque sans interruption ces chefs-d'œuvre dont se glorifie la scène comique française, et qui la rendent, d'un avis unanime, supérieure à celle de toutes les autres nations. On doit ajouter, pour réfuter d'injustes attaques dirigées contre la mémoire de Molière, que, du moins, dans la position difficile où il se trouvait, il demeura toujours homme de probité, et qu'il montra dans plus d'une circonstance, avec un caractère loyal, une âme élevée, un cœur charitable et généreux. LE FAUX SAVANT QUI SOLLICITE,' ÉRASTE, CARITIDÈS. CARITIDÈS. C'est un rare bonheur dont le destin m'honore; Car, deux moments plus tard, je vous manquais encore. ÉRASTE. Monsieur, souhaitez-vous quelque chose de moi? CARITIDÈS. Je m'acquitte, monsieur, de ce que je vous doi,2 Et vous viens ... Excusez l'audace qui m'inspire. ÉRASTE. Sans tant de façons, qu'avez-vous à me dire? Que chacun vante en vous ÉRASTE. Passons, monsieur. CARITIDÈS. Oui, je suis fort vanté. Monsieur, c'est une peine extrême 3 Ce qui peut faire voir notre petit mérite. Pour moi, j'aurais voulu que des gens bien instruits 4 ÉRASTE. Je vois assez, monsieur, ce que vous pouvez être, Et votre seul abord le peut faire connaître. CARITIDÈS. Oui, je suis un savant charmé de vos vertus: Non pas de ces savants dont le nom n'est qu'en us”; Il n'est rien si commun qu'un nom à la latine: Ceux qu'on habille en grec ont bien meilleure mine; Je me fais appeler monsieur Caritidès. ÉRASTE. Monsieur Caritidès, soit. Qu'avez-vous à dire? CARITIDÈS. C'est un placet, monsieur, que je voudrais vous lire, Et que, dans la posture' où vous met votre emploi, J'ose vous conjurer de présenter au roi. ÉRASTE. Hé! monsieur, vous pouvez le présenter vousmême. CARITIDÈS. Il est vrai que le roi fait cette grâce extrême: Mais, par ce même excès de ses rares bontés, Tant de méchants placets, monsieur, sont présentés, 8 9 Est qu'on donne le mien quand le prince est sans monde. ÉRASTE. Hé bien! vous le pouvez, et prendre votre temps. CARITIDÈS. Ah! monsieur, les huissiers sont de terribles gens! |