Page images
PDF
EPUB

DEUXIÈME PARTIE

Le manuscrit n° 9202 (f. fr.) de la Bibliothèque nationale contient les papiers autographes de Pascal; il est loin toutetefois de nous présenter ces papiers tels qu'ils furent trouvés en 1662. La reliure porte au dos la mention suivante: Pensées de Pascal, 1711. Elle est contemporaine de trois pièces fort importantes qui ont été plus tard insérées au début du volume. Ce sont trois attestations signées del'abbé Périer, neveu de Pascal. Voici la première : « Je soussigné, prêtre, chanoine de l'Église de Clermont, certifie que le présent volume, contenant première commence par ces mots par ceux-ci

pages, dont la

et la dernière

est composé des petits papiers écrits d'un côté, ou de feuilles volantes qui ont été trouvées après la mort de M. Pascal, mon oncle, parmi ses papiers, et sont les originaux du livre des Pensées de M. Pascal, imprimés chez Desprez, à Paris, pour la première fois en l'année et sont écrits de sa main, hormis quelquesuns qu'il a dictés aux personnes qui se sont trouvées auprès de lui; lequel volume j'ai déposé dans la bibliothèque de Saint-Germain-des-Prés, pour y être conservé avec les autres manuscrits que l'on y garde. Fait à Paris, ce vingtcinq septembre mil sept cent onze.

PÉRIER. »

y en

La seconde, qui est sur la troisième page du même feuillet, est ainsi conçue: « Je soussigné, etc., certifie que le présent volume contenant pages, dont il a plusieurs en blanc, a été trouvé après la mort de M. Pascal, mon oncle, parmi ses papiers, et est en partie écrite de sa main et partie qu'il a fait copier au net sur sa minute, lequel volume contient plusieurs pièces imparfaites sur la Grâce et le Concile de Trente, et je l'ai déposé dans la bibliothèque de l'abbaye de Saint-Germain-desPrés, etc.

Paris, ce vingt-cinq septembre mil sept cent onze.

PÉRIER. >>

La troisième mentionne encore des originaux : « Je soussigné, etc., certifie que les cahiers compris dans ce volume, qui sont des abrégés de la vie de Jésus-Christ, sont écrits de la main de M. Pascal, mon oncle, et ont papiers, lequel vo

été trouvés après sa mort parmi ses lume j'ai déposé, etc.

Fait le vingt-cinq septembre 1711.

PÉRIER. »

Ces trois attestations indiquent trois volumes, et ce sont trois cahiers aussi que l'abbé Périer avait prêtés à dom Toutée, d'après la lettre du 22 juin 1711 que nous avons déjà eu l'occasion de citer. Les deux derniers ne nous sont pas parvenus tels quels. Quant au premier, il semble avoir été transformé en un volume relié, soit par l'abbé Périer qui le déposait, soit par la bibliothèque de Saint-Germain-des-Prés qui le reçut. Or cette transformation a son importance; car elle fut, semble-t-il, l'occasion d'un travail singulier, dont la photographie seule pourrait donner une idée suffisante. On a découpé, au

ras de l'écriture, des feuilles volantes en une infinité de petits morceaux; puis on s'est livré à un jeu de patience qui consistait à en coller le plus grand nombre possible sur une même page du recueil. Telle page devient ainsi une véritable mosaïque où on relève huit, neuf, dix et jusqu'à onze tronçons (cf. p. 23, 39; 79, 83, 427; 63). A ce jeu, combien avons-nous perdu de lignes inachevées ou barrées ? nous ne pouvons que le soupçonner, à voir celles qui nous sont parvenues uniquement parce qu'elles étaient écrites au verso d'un fragment qu'on a bien voulu respecter. Ainsi page 146 le fragment 370; ainsi page 94 on a découpé le fragment qui débute par ces mots: Il est vrai qu'il y a de la peine en entrant dans la piété, brouillon probable d'une lettre à Mlle de Roannez (fr. 498), mais au verso on a mutilé le fragment 905 Sur les confessions et absolutions sans marques de regret ; de même, page 90, pour le fragment: le juste agit par for (fr. 504). Quelquefois même le papier lui-même n'est pas intact tel est le cas pour le fragment 668, p. 97.

Même en présence d'un long fragment, le relieur ne se soucie pas toujours de respecter la suite des pages, il ne tient pas compte des signes de renvoi le fragment sur le Divertissement court de la page 139 à la page 210, puis 209, 217, 133 et 217; le 722 (prophéties de Daniel) va de la page 309 à la page 315, pour se terminer à la page 289; le fragment 430 (la conférence préparée pour PortRoyal) occupe les pages de 317 à 326, puis il faut en chercher la fin à la page 57. On a seulement pris la précaution de laisser une feuille de blanc entre chaque page écrite, de telle sorte qu'aux 253 pages écrites par Pascal correspondent 492 pages numérotées dans le recueil. - Le recueil est précédé des trois feuilles d'attestations dont nous venons de faire mention, du Mémorial et de sa copie; il est suivi de

fragments autographes, avec quelques lignes de compte, et un bout de lettre, qui y ont été joints en 1864.

Entre 1662 et 1711 bien des fragments avaient été égarés ou dispersés, comme en fait foi la comparaison du recueil original avec les Copies; en particulier la plupart des fragments utilisés par Mme Périer dans la Vie de son frère n'ont pas été conservés dans l'autographe'. Par contre, des pages entières, soit des notes pour les Provinciales, soit des méditations comme le Mystère de Jésus, n'ont pas été reproduites dans les Copies et sont pour la plupart demeurées inédites jusqu'à l'édition de Faugère'.

Le recueil original lui-même est loin d'être un recueil entièrement autographe. Manifestement un grand nombre de fragments qui sont épars à travers les différentes parties du recueil, depuis la page 19 jusqu'à la page 485, sont dictés à un domestique (quelques-uns peut-être à un enfant, le jeune Louis Périer, dont Blaise Pascal avait commencé l'éducation). L'écriture est gauche, l'orthographe déplorable; un mot comme chanchelier (fr. 139) ferait même soupçonner une origine clermontaise. Dans un même fragment il arrive que la main étrangère alterne avec celle de Pascal (ex: fr. 82 et fr. 139); le fragment 69, page 23 du manuscrit, n'a qu'une ligne; il est moitié écrit, moitié dicté par Pascal. A cette écriture familière se joint l'écriture de Mme Périer pour une série de fragments, en particulier pour un fragment sur les miracles qui est postérieur, de quelques jours seulement selon toute vraisemblance, au 19 février 1660 (fr. 817). Le fr. 626 doit avoir été transcrit par Nicole (p. 491). Au fr. I sur l'esprit géométrique, on trouve en

1. Voir aux pièces justificatives la Table de concordance, p. cci et cc. 2. Cf. ibid, p. CCLXXVI sqq.

[ocr errors]

core une autre écriture, élégante et correcte (p. 405). Souvent ces fragments ont été corrigés ou complétés de la main de Pascal.

Un grand nombre de ces fragments sont précédés de la croix, que Saint-Cyran recommandait de placer en tête de tout écrit, comme « les armes du chrétien »; mais il n'y a pas à en tirer de conclusion sur le caractère intime du fragment, on la retrouve en tête de remarques sur le style, comme le fragment 53 qui est probablement de 1657, date où parurent les Plaidoyers de M. Le Maître.

Il est inutile d'insister sur la diversité d'aspect et de contenu que présentent ces fragments. Il y a des pages entières qui forment de véritables chapitres de livre; elles sont couvertes de ratures, et témoignent d'un travail où l'écrivain a déployé toutes les ressources de son art: fragments sur les Deux Infinis (72), sur l'Imagination (82), sur le Divertissement (139), sur la Justice (294), sur le Péché originel (415), sur l'Incompréhensibilité de l'homme A. P. R. (430), sur le Pyrrhonisme (434). D'autres sont de longues traductions d'Isaïe ou de Daniel qui concernent les prophéties (713 et 722). La rédaction du Pari est faite sur quatre pages du format de notre papier à lettre (3, 4, 7 et 8); Pascal avant de l'avoir terminée avait écrit des fragments qui ne s'y rattachent pas directement; puis il a complété son argumentation, recouvrant son papier dans tous les sens, d'une écriture de plus en plus menue renvoyant d'une page à l'autre à l'aide de petites figures géométriques qui permettent d'ordonner ce chaos. Corrélativement à ces développements, on trouvera de longues suites de notes qui représentent le travail antérieur de méditation. Chaque paragraphe ou chaque idée essentielle est en germe dans un trait saillant, dans un mot. En tête de la page 107, on

« PreviousContinue »