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vain la philosophie lui offre ses hautes conceptions, la science ses découvertes, la guerre ses lauriers, le travail ses merveilles; en vain elle s'agite et crie à s'étourdir: Progrès, progrès!... Vain espoir. Pour elle tout se dépoétise; le progrès est à reculons, la philosophie ennuyeuse, la science froide, le travail ignoble. Et plus elle déchoit, plus elle s'aveugle; elle ne comprend même pas la raison de ces idéalités qu'elle est impuissante à faire revivre; elle en est venue à méconnaître cette vérité élémentaire, que tout idéal, comme toute idée et tout verbe, est donné à l'artiste dans la conscience du peuple, et que le peuple n'idéalise que ce qui lui paraît juste.

Pourquoi les religions furent-elles toutes, dans leur jeunesse, si poétiques ? C'est que le peuple voyait en elles l'expression de la Justice, dans les dieux la personnification de ses propres sentiments.

Pourquoi, malgré les efforts des Chateaubriand, des Lamennais et de toute l'école romantique, le christianisme a-t-il perdu sa poésie sans retour? c'est que le christianisme, depuis la Révolution, ne représente plus la Justice; il représente l'ancien régime.

Pourquoi les héros d'Homère et d'Hérodote, les Romains de Virgile et de Tite-Live, les guerriers de la croisade et de la Révolution, demeurent-ils entourés d'une si glorieuse auréole? Pourquoi les soldats de Jemmapes, de Fleurus, de Zurich et de Marengo, semblent-ils plus grands que ceux de Wagram et de la Moskowa? C'est que les premiers combattaient pour la Justice et la patrie, tandis que les autres étaient armés pour la politique et l'ambition.

Quelques-uns, dites-vous, ont essayé, de notre temps, d'interroger le peuple, et n'en ont rien tiré. La Révolution a eu ses historiens, le socialisme ses orateurs, l'atelier ses chantres qu'y trouve-t-on ? Le livre au sept fermoirs a été ouvert, les pages sont blanches. Ce que l'Etat révolutionnaire des masses a inspiré de mieux, en prose et en vers, se réduit à quelques réflexions d'une philanthropie sceptique, et rentre dans la littérature désolée qui sortit des ruines accumulées par la Révolution.

A cette objection, je n'ai qu'une réponse: Est-ce que vraiment la Révolution est faite?...

Oh! n'attendez pas que le peuple idéalise vos chemins de fer, instruments de sa servitude; vos machines, qui, en le supplantant, l'abêtissent; vos banques, où s'escompte le produit de sa sueur; vos bâtisses, que sa misère n'habite a pas; votre grand-livre, où il ne sera jamais inscrit; vos écoles, pépinières d'aristocrates; vos codes, renouvelés du droit quiritaire. Le peuple se souvient de la Bastille, du 10 août et de la réquisition; il a oublié le reste, car le reste ne lui a servi à rien. Il n'aura pas même un écho pour vos expéditions, soigneusement dégagées de tout intérêt révolutionnaire. Son cœur, desséché par vousmême et que ne féconde plus l'idée, est mort à l'idéal, et votre dégradation est sans remède.

FIN DU TOME TROISIÈME.

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tion de l'humanité par elle-même, sous l'excita-

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l'Eglise.

péché, scission de la Justice et de l'Idéal

VI. Idéalisme politique. Rome et les empereurs
VII. De la littérature dans ses rapports avec le progrès

317

et la décadence des nations.-L'Illiade et l'Enéide 341
VIII. De la littérature dans ses rapports avec le progrès
et la décadence des nations (suite).

377

Principe et cause du

284

Idéalisme religieux :

303

314

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