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craignant de se répéter, n'ont point écrit l'histoire suivie de chaque peuple depuis son origine jusqu'à sa fin, et le jeune homme qui étudie leurs ouvrages est à tout moment interrompu dans cette histoire. On lui fait quitter l'Égypte dès que Cambyse s'en empare, pour reprendre l'histoire de la Perse; il est forcé d'abandonner celle de Perse pour l'histoire de la Grèce, lorsque les successeurs d'Alexandre se partagent son empire: de sorte que, promené d'un à pays l'autre, comme dans un labyrinthe, il perd le fil des événements, et se retrouve avec peine dans un tableau tracé avec si peu d'ordre et de suite.

On a fait, je le sais, beaucoup d'abrégés de chaque histoire ; mais ils m'ont paru généralement trop secs et trop incomplets. Beaucoup d'événements importants et de traits remarquables y sont oubliés ; et, d'un autre côté, on y trouve, comme dans les histoires plus volumineuses, de trop longues réflexions qui coupent et ralentissent la narration.

Les auteurs modernes veulent presque tous se trop montrer dans leurs ouvrages; leurs dissertations morales font disparaître l'intérêt du récit. Ce n'est plus l'histoire qu'on lit, c'est le professeur qu'on entend, et le charme cesse.

Il me semble que la réflexion doit naître des faits; il faut l'indiquer plus que la faire plus elle est rapide, mieux elle pénètre; elle perd sa force dès qu'elle s'étend.

D'après ces observations, que je crois justes, j'ai tenté de suivre une marche différente. On trouvera dans cet ouvrage l'histoire non interrompue de chaque peuple, depuis sa naissance jusqu'au moment où il a cessé totalement d'exister comme nation indépendante.

J'ai voulu rassembler dans le cadre le plus resserré, et sans confusion, le plus d'événements possible; j'ai cherché à y placer toutes les actions, tous les traits dignes d'être cités, et à n'y rien omettre de tout ce que la lecture des meilleurs historiens m'a fait désirer de retenir.

Je me suis efforcé d'y peindre fidèlement tous les hommes célèbres par leurs destinées, par leurs vertus, par leurs crimes, par leurs talents et par leurs vices; j'ai fait le plus souvent leurs portraits et prononcé leur éloge ou leur censure, en racontant simplement leurs actions, et en répétant leurs paroles.

De courtes réflexions indiquent à la jeunesse le jugement qu'elle doit porter sur les hommes et sur les faits; elles font remarquer aussi la cause de la grandeur et de la décadence des États.

Si l'on trouve ma narration morale, intéressante et claire, mon style concis sans sécheresse, et exempt de toute affection sans être totalement dépourvu d'élégance; si j'ai surtout trouvé le moyen d'instruire mes lecteurs en les attachant, et de leur donner d'utiles leçons de morale et de politique sans les fatiguer, j'aurai atteint mon but, et j'espérerai que, malgré la juste modestie du titre d'un ouvrage dédié à la jeunesse, il pourra être lu avec fruit, et avec plaisir par les hommes.

ANCIENNE

CHAPITRE I.

DES ANCIENS PEUPLES.

Incertitude sur l'origine des anciens peuples. Sur la forme de leurs gouverne

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Histoire des Juifs séparée,

Les savants ne sont pas d'accord sur l'ancienneté des peuples les uns pensent que les Chaldéens ont été la première nation civilisée; beaucoup d'autres attribuent cette antériorité aux Égyptiens; et, suivant l'opinion de quelques autres, les Indiens et les Chinois la leur disputent avec avantage.

Cette question, qui a occupé tant de grands esprits, nous paraît impossible à résoudre, puisque chacun de ces différents systèmes ne s'appuie que sur des fables ou sur des faits épars, douteux et contestés; d'ailleurs nous ne voyons pas bien à quoi pourrait servir la solution de ce grand problème. Ce qui est important pour tous les hommes n'est pas de savoir quel est le premier peuple sorti de l'état sauvage pour vivre sous l'empire des lois; l'essentiel est de connaître les lois des différentes nations, leurs mœurs, leurs révolutions, l'histoire de leur gouvernement, et de bien étudier, pour notre propre intérêt, les causes de leur grandeur et de leur décadence, et tout ce qui peut avoir quelque influence sur la force, la durée des gouvernements, et sur le bonheur des hommes.

Les philosophes se sont efforcés, tout aussi vainement, de faire prévaloir leurs différents systèmes sur l'origine de la civilisation. D'abord, l'état de pure nature nous sem

ble une abstraction chimérique; car, dès qu'il y a famille, il y a société et commencement de civilisation; et cette famille, gouvernée d'abord, si l'on veut, par le pouvoir monarchique du père, a pu l'être républicainement à sa mort, si la nature ou le hasard n'a pas donné à l'aîné des enfants les moyens de succéder à l'autorité paternelle.

La réunion plus ou moins prompte de plusieurs familles pour former un peuple a dû dépendre de la différence des localités, du climat et de mille circonstances trop variées pour servir de base à une opinion certaine.

Dans les zones brûlantes ou glacées, la réunion des familles a dû paraître plus difficile et moins nécessaire. L'homme, se nourrissant de la chasse dans les climats froids, vit errant et isolé. Dans les contrées que le soleil féconde presque seul, lè travail est peu nécessaire pour satisfaire les besoins de la vie; les hommes y sont indolents et sans industrie; aussi tous les peuples dont la civilisation est le plus anciennement connue habitent les climats tempérés. Au reste, partout les peuples chasseurs, et après eux les peuples pasteurs, ont été les plus lents à se civiliser, et les nations livrées aux travaux de l'agriculture sont celles dont les progrès ont été les plus rapides. On en conçoit facilement la raison, puisque l'art de cultiver la terre rend les sciences nécessaires et l'industrie indispensable. Cet art demande des instruments, fait naître les fabriques et les métiers, exige la connaissance du temps, des saisons et du cours des astres; enfin, l'agriculture multiplie les lumières des hommes, leurs rapports, leurs besoins et leurs jouissances.

Quant à la forme variée des gouvernements que se sont donnés différents peuples, elle a dépendu de la position dans laquelle ils se trouvaient, de la nécessité plus ou moins pressante de se défendre contre l'invasion des tribus nomades ou contre le pillage des chasseurs, et surtout du caractère des hommes que cette nécessité leur aura fait prendre pour chefs. Ainsi, l'on pourrait croire

qu'une peuplade tranquille, n'ayant à craindre que *le choc des intérêts particuliers, a pu longtemps se laisser gouverner pacifiquement par la sagesse des vieillards; tandis qu'une nation menacée par ses voisins et forcée d'obéir au plus brave pour se défendre aura marché plus rapidement à l'état monarchique.

Au surplus, comme les peuples n'ont écrit l'histoire de leurs gouvernements que lorsqu'ils ont été fort avancés dans la civilisation, il est évident que nous ne pouvons savoir rien de positif sur l'origine et les premiers progrès de ces mêmes gouvernements. Tout ce qu'ont recueilli à ce sujet les auteurs les plus savants n'est fondé que sur des traditions incertaines, mêlées de ces fables qui entourent le berceau des peuples, comme elles amusent l'enfance des hommes.

Nous croyons donc devoir nous abstenir de toutes recherches inutiles et de toutes discussions approfondies sur cette matière, qui, véritablement, est plus curieuse qu'importante. Ainsi nous commencerons cette histoire générale par celle des Égyptiens, puisque cette nation, quand même elle ne serait pas la plus ancienne, est celle dont nous pouvons suivre avec moins de doute les traces dans les temps les plus reculés, et qui nous offre encore d'indestructibles et d'admirables monuments pour appuyer ses antiques traditions.

Les livres sacrés, en nous présentant l'histoire du peuple hébreu, nous font bien connaître la suite non interrompue des grands événements du monde depuis la création de la terre jusqu'à la naissance de Jésus-Christ; mais cette histoire, tracée par une main divine, et que la foi respecte, doit être soigneusement séparée de toutes les histoires profanes. D'ailleurs le peuple hébreu ne fut jusqu'à Jacob qu'une famille; et tandis que les autres descendants de Noé se dispersaient sur la terre, la famille d'Abraham vécut dans la simplicité pastorale. Les Hébreux ne devinrent une nation nombreuse que pendant leur

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