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fleuves, parce qu'il voulait bien boire la mer, mais non les rivières qui s'y jetaient.

Anacharsis, né dans le pays des Scythes, qu'Homère appelait la nation juste, fut adopté, malgré son origine, par les sages. Il avait composé un poëme sur l'art militaire, et une histoire des rois de Scythie. Un Athénien lui reprochait d'avoir vu le jour dans un pays barbare. « Si ma « patrie, répliqua le Scythe, me fait peu d'honneur, vous, << vous en faites peu à la vôtre. » Il plaisantait Solon sur ses lois. «Elles ressembleront, disait-il, aux toiles d'arai«guées, qui arrêtent les petites mouches et laissent passer « les grosses. >>>

Crésus voulait le combler de présents; il les refusa, disant qu'il ne voyageait pas pour augmenter sa fortune, mais pour enrichir son esprit.

Le Phrygien Ésope fut le père de la fable: il était esclave. La servitude devait inventer l'apologue, ayant be.. soin de voiler la vérité pour la faire écouter par la puis

sance.

Il était si laid qu'on ne pouvait trouver à le vendre. Xanthus l'acheta: un philosophe seul pouvait faire une pareille acquisition et en sentir le prix. Son maître lui dit un jour de prendre au marché tout ce qu'il trouverait de meilleur pour sa table. Tout le dîner fut composé de langues apprêtées de différentes manières. Xanthus paraissant surpris, Ésope lui dit : « La langue est tout ce que je << connais de meilleur : c'est le lien de la vie civile, la clef « des sciences, l'organe de la vérité; par elle on s'in«struit, on gouverne les hommes et on loue les dieux. » Le lendemain Xanthus lui commanda d'acheter ce qu'il trouverait de plus mauvais. Le dîner fut encore le même. La surprise du maître redoubla. « De quoi vous étonnez<< vous? dit le Phrygien. La langue est ce qu'il y a de pire << au monde : c'est la mère des disputes, la nourrice des procès, la source des guerres, l'organe du mensonge, « de la calomnie et du blasphème. >>

Devenu libre, il parut à la cour de Crésus; sa figure lui attira d'abord des mépris; mais il fit bientôt comprendre qu'on devait considérer, non la forme du vase, mais la liqueur qu'il contenait.

Plusieurs princes le chargèrent de leurs affaires. Il vint à Athènes pendant la tyrannie de Pisistrate. Les Athéniens étaient agités; il les exhorta à la résignation, en leur racontant la fable des grenouilles, qui demandèrent un roi à Jupiter. Crésus l'avait chargé de porter de l'argent à Delphes, mais il le lui renvoya, parce qu'il trouvait ce peuple turbulent et corrompu, indigne d'un tel présent. Les habitants furieux le précipitèrent du haut d'un rocher. Les dieux parurent venger sa mort en répandant sur la contrée les fléaux de la peste et de la famine.

Ces sages, qui portaient partont la lumière, se réunissaient quelquefois pour s'éclairer réciproquement. On nous a conservé le souvenir de ce banquet fameux qui eut lieu chez Périandre, où les sept sages étaient rassemblés. La question principale qu'ils agitèrent fut celle-ci : « Quel « est le gouvernement le plus parfait? » Solon répondit : << Celui où l'injure faite à un particulier intéresse tous les <«< citoyens. >> Bias : « Celui où la loi tient lieu de roi. » Thalès : « Celui où les habitants ne sont ni trop riches ni << trop pauvres. » Anacharsis : « Celui où la vertu est en « honneur et le vice flétri. » Pittacus: « Celui où les «< emplois sont donnés aux gens de bien et jamais aux << méchants. >> Cléobule : « Celui où les citoyens crai«< gnent plus le blâme que la loi. » Chilon : « Celui où la «<loi est plus écoutée que les orateurs. » Périandre : << Celui où l'autorité est entre les mains d'un petit nombre « d'hommes vertueux. >>

Nous avons suivi l'enfance et l'éducation de la Grèce dans ses deux premiers âges; le troisième va nous la montrer dans sa force, développant tous ses moyens, tout son courage, tous ses talents, et remplissant l'Europe, l'Asie, l'Afrique du bruit de sa gloire.

TROISIÈME AGE DE LA GRÈCE.

(An du monde 3483.- Avant Jésus-Christ 521.)

PREMIÈRE GUERRE CONTRE LES PERSES.

Cause de cette guerre. · Expédition de Démocède. - Siége de Naxos. - Révolte en Ionie. Incendie de la ville de Sardes. - Haine de Darius contre les Grecs. Prise de Milet. Echecs de la flotte et de l'armée de Darius. Soumission d'Égine aux Perses. Époque de Miltiade, d'Aristide et de Thémistocle. — Ambassade des hérauts de Darius. Nouvelles entreprises de Darius contre Athènes. Bataille de Marathon. Victoire de Miltiade.

de bravoure de Cynégire.

Athènes.
Miltiade.

1

Leur mort.

Magnanimité de Xerxès. Commandement de Miltiade. Défaite des Perses. - Trait

Courage d'un soldat. - Prompt retour de Miltiade à Les Lacédémoniens jaloux de la victoire de Marathon. — Conquêtes de Sa condamnation. Sa mort. Exil d'Aristide. Caractère de cet illustre banni.-Préparatifs de guerre de Darius. Sa mort.-Règne de son fils Xerxès.

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Cyrus avait fondé dans l'Orient un empire immense, que sa famille ne sut pas longtemps conserver les folies et les vices de ses successeurs les renversèrent du trône élevé par le génie de ce grand homme.

Un mage imposteur l'occupa sous le nom de Smerdis; mais il fut bientôt démasqué et massacré par les grands de la Perse, qui élurent pour roi Darius, fils d'Hystaspe.

Son empire comprenait toute l'étendue de la Perse moderne et de la Turquie d'Asie. Il était maître de la Thrace, dominait en Phénicie et en Palestine, et possédait même quelques parties de la Macédoine.

Pour rendre sa puissance plus respectable aux yeux des peuples, il avait épousé Atossa, fille de Cyrus. Cette femme ambitieuse et vaine fut trompée par un médecin grec nommé Démocède, que le roi retenait malgré lui en Perse, et qui cherchait les moyens d'échapper à sa tyrannie.

Cette légère intrigue devint une des causes de la guèrre qui éclata bientôt entre l'Asie et l'Europe. Darius voulait combattre les Scythes: la reine voyait avec peine une en

treprise qui n'offrait que des dangers et ne promettait que des déserts. Démocède lui dit qu'elle devait engager son époux à tourner plutôt ses armes contre la Grèce, dont la conquête serait facile, lucrative et glorieuse. Il flatta surtout sa vanité par l'espoir d'avoir à son service des femmes de Corinthe et d'Athènes, dont on vantait partout la beauté, l'esprit et les talents.

Darius aimait la gloire, et ne croyait pas qu'une si petite contrée divisée en tant d'États faibles pût lui opposer une grande résistance. Il chargea Démocède de parcourir la Grèce et l'Italie, et de reconnaître la force des différen tes républiques et les dispositions des esprits. Quinze officiers perses l'accompagnèrent dans cette expédition ; ils furent arrêtés à Tarente comme espions. Démocède trouva le moyen de s'échapper et de se retirer à Crotone, sa patrie, qui refusa de le livrer à Darius.

Un événement plus important acheva bientôt d'aigrir les esprits, et alluma cette forte haine qui devait ensanglanter tout l'Orient.

L'ile de Naxos, l'une des Cyclades, se voyait agitée par des troubles qu'excitait dans toutes les républiques grecques la querelle interminable de la pauvreté contre la richesse, de la démocratie contre l'aristocratie. Le peuple l'emporta et bannit de Naxos les citoyens les plus opulents. Ils se réfugièrent à Milet, où commandait Aristagore, et implorèrent son secours pour rentrer dans leur patrie.

Aristagore courut à Sardes, où résidait le satrape Artapherne, frère du roi de Perse: il lui fit entrevoir qué la conquête de Naxos serait facile, que sa chute ferait tomber l'île d'Eubée (aujourd'hui Négrepont), et ouvrirait un libre passage en Grèce.

Darius, informé par son frère de cette proposition, l'accueillit avidement, et chargea un de ses parents, nommé Mégabaze, de commander l'expédition sous la direction d'Aristagore. L'entreprise n'eut point de succès: Méga

baze souffrait avec impatience qu'on soumît un prince tel que lui aux ordres d'un Grec, d'un Ionien; il avertit secrètement le gouvernement de Naxos de l'attaque qui allait être dirigée contre lui. Les Naxiens, qu'on croyait surprendre, se défendirent avec opiniâtreté après quatre mois de siége, les Perses furent obligés de se retirer.

Mégabaze attribua son échec à une trahison d'Aristagore, et l'accusa devant Artapherne, qui jura sa perte.

Aristagore chercha son salut dans la révolte: il parcourut l'Ionie pour la soulever : cette province était remplie de colonies fondées par les Grecs que les Héraclides avaient chassés du Péloponèse. Aristagore sut réveiller leur amour pour leur ancienne patrie, et leur persuada facilement de faire cause commune avec les Grecs. Les Ioniens, convaincus que la servitude deviendrait leur partage s'ils laissaient asservir la Grèce, coururent aux armes, cessèrent de reconnaître l'autorité du roi de Perse, chassèrent ses troupes de leurs villes et s'emparèrent des vaisseaux qui se trouvaient dans leurs ports.

Aristagore se rendit à Sparte. Cléomène y régnait : il lui représenta qu'il était digne d'un peuple libre d'affranchir les Ioniens d'un joug honteux et pesant, de faire échouer les projets de Darius en les prévenant, et de porter la guerré au sein de la Perse, au lieu de l'attendre dans la Grèce.

Quelques auteurs prétendent que Cléomène, persuadé par ces raisons, et gagné par le don de cinquante talents, promit de s'allier aux Ioniens; d'autres disent, et cette version est plus croyable et plus conforme aux mœurs de Sparte, qu'il chassa Aristagore de la ville. On raconte même que Gorgo, fille de Cléomène, et âgée de huit ans, témoin de cet entretien, s'écria: « Mon père, fuyez cet « étranger; il vous corrompra. » Ce qui est certain, c'est qu'Aristagore, sans avoir obtenu de secours de Lacédémone, vint dans Athènes, où il fut beaucoup mieux accueilli. Les Athéniens, inquiets de la mission de Démo

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