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du roi d'Égypte, avait échoué. Déconcerté par cet événement, il tourna ses armes contre l'île de Chypre; une tempête dispersa sa flotte et l'obligea de revenir à Antioche.

Son esprit, révolté de l'orgueil des Romains, mais effrayé de leur fortune et de leur puissance, hésitait. Balancé par la crainte et par la colère, il flottait encore dans cette incertitude, lorsque le célèbre Annibal vint chercher un asile dans ses États. L'arrivée de cet implacable ennemi de Rome décida la guerre. Les Étoliens et les Lacédémoniens étaient les seuls Grecs qui résistassent encore aux Romains. Nabis, tyran de Sparte, fut vaincu et tué. Les Etoliens appelèrent Antiochus, qui vint témérairement à leur secours, n'amenant avec lui que dix mille hommes et cinq cents chevaux. Il s'empara promptement de Chalcis et d'Eubée, contre l'avis d'Annibal. Ce grand homme disait au roi qu'avant d'entrer en campagne il aurait dû envoyer des troupes sur la frontière de Macédoine, pour contraindre Philippe à embrasser son parti; qu'il fallait tirer de nombreuses forces d'Asie, faire marcher une flotte pour ravager les côtes d'Italie, et forcer les Romains à se tenir chez eux sur la défensive. Il ajoutait qu'on devait d'autant plus croire à ses lumières, qu'elles étaient le produit de ses fautes et de son expérience.

Antiochus, ayeuglé par sa fortune passée, poussa ses conquêtes en Thessalie, dissipa un temps précieux dans les bras des courtisanes de la Grèce; et son armée, imitant son exemple, perdit dans les débauches sa force et sa discipline.

Le consul Acilius marchait contre lui. Les vents contraires avaient retardé l'arrivée des troupes d'Asie. Antiochus, réduit à la défensive, se retrancha dans le passage étroit des Thermopyles. Caton, lieutenant d'Acilius, tourna sa position par le même sentier qui avait autrefois favorisé la marche de Xerxès et de Brennus. Les Romains forcèrent les retranchements et mirent l'armée en déroute.

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Le roi, blessé d'un coup de pierre, prit la fuite et revint presque seul en Asie.

L'amiral de sa flotte, Polixénide, fut battu par Livius, et les Rhodiens défirent une autre flotte que commandait Annibal.

Scipion, qu'on nomma depuis l'Asiatique, choisi par le sénat romain pour terminer cette guerre, prit la route de l'Asie par la Thessalie, la Macédoine et la Thrace. Son frère, Scipion l'Africain, servait sous lui. Antiochus espérait vainement l'alliance et les secours de Prusias, roi de Bithynie. Ce faible monarque, intimidé par Livius, se rangea du côté des Romains. Polixénide se battit encore contre la flotte romaine, mais Émilius lui prit ou brûla quarante vaisseaux.

Le roi de Syrie, affaibli par ses revers, ne montra plus ni courage ni prudence; il retira les garnisons des forteresses qui pouvaient arrêter les Romains. Ceux-ci, profitant de cette faute, traversèrent l'Hellespont sans crainte, et arrivèrent en Asie sans obstacles.

Lorsqu'ils entrèrent dans Ilium, leur antique berceau, ils y célébrèrent des jeux en l'honneur des héros troyens: il leur semblait voir les ombres d'Hector et de Priam applaudir à la rentrée triomphante des Troyens dans leur patrie.

Scipion y reçut une ambassade d'Antiochus, qui demandait la paix. Le consul exigea qu'il se retirât de toute la partie de l'Asie qui se trouvait en deçà du mont Taurus. Le roi de Syrie avait autrefois connu Scipion l'Africain; profitant de leur ancienne liaison, il chercha à obtenir par lui des conditions plus favorables. Scipion, alors malade, lui fit répondre qu'il ne pouvait lui donner qu'un témoignage d'amitié : c'était de l'inviter à mettre bas les armes, ou du moins à ne rien entreprendre avant que sa santé lui permît de se rendre au camp de son frère.

Antiochus, révolté de l'arrogance romaine, n'écouta que Jon ressentiment, et livra bataille aux Romains près de la

ville de Magnésie. L'armée d'Antiochus se composait de quatre-vingt-dix mille hommes et de cinquante-quatre éléphants. Celle des Romains ne comptait que trente mille guerriers et seize éléphants. Le roi fondait ses espérances sur un grand nombre de chariots armés de faux qui précédaient ses colonnes; mais, loin de lui donner la victoire, ils causèrent sa défaite. Les archers romains épouvantèrent les chevaux qui traînaient les chars ; ils retournèrent sur l'armée des Syriens, et y portèrent le désordre. La cavalerie romaine en profita, et enfonça l'aile gauche, le centre et la phalange du roi.

Pendant ce temps, Antiochus battit l'aile gauche des Romains; mais Émilius, arrivant avec une réserve, rétablit l'ordre et mit le roi en fuite. Son camp fut pillé. Les Romains tuèrent dans cette journée cinquante mille hommes d'infanterie et quatre mille de cavalerie. Antiochus courut à Sardes et de là en Syrie. Il avait pris, pendant la bataille, le fils de Scipion l'Africain, et le lui renvoya en le priant de s'intéresser à lui pour obtenir une paix supportable. On consentit à traiter, à condition qu'il évacuerait l'Asie en deçà du mont Taurus; qu'il donnerait vingt otages aux Romains, qu'il livrerait Annibal et Thoas l'Étolien, enfin qu'il payerait les frais de la guerre, et qu'il rendrait au roi de Pergame tout ce qu'il lui devait. Antiochus se soumit à tout, et, pour trouver l'argent qu'on lui demandait, il parcourut l'empire, laissant la régence à son fils Séleucus qu'il déclara son héritier.

Comme il arrivait dans la province d'Élymaïde, il pilla le temple de Jupiter Bélus, dans lequel il comptait trouver un riche trésor. Le peuple, indigné de cette impiété, se souleva et le massacra.

Ce prince, malgré ses fautes et ses revers, fut généralement regretté. Il s'était montré, pendant la plus grande partie de son règne, humain, clément et libéral. Il avait rendu un décret par lequel il permettait à ses sujets de ne point obéir à ses ordonnances lorsqu'elles se trouveraient

contraires à la loi. Jusqu'à l'âge de cinquante ans il fit admirer son génie; mais, depuis, cédant à la double ivresse de la gloire et des voluptés, il finit avec honte un règne commencé avec tant d'éclat.

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Le fils d'Antiochus le Grand hérita d'un trône avili, d'un empire démembré, du gouvernement d'une nation humiliée par ses défaites et forcée de payer un tribut de mille talents aux Romains. Cette honte paraissait d'autant plus douloureuse à supporter, qu'elle avait succédé à un grand éclat et à une grande prépondérance. Seleucus n'avait pas un caractère propre à relever son pays d'un tel abaissement; il n'était connu que par son amour pour son père, qui lui mérita le surnom de Philopator. La difficulté de trouver l'argent exigé par les étrangers décida Séleucus à s'emparer du trésor qu'on disait renfermé dans le temple de Jérusalem. Son ministre Héliodore, chargé de cette expédition, voulut exécuter cette entreprise, malgré les remontrances du grand prêtre et les supplications des Juifs: mais l'Écriture rapporte qu'au moment où il voulait entrer dans le temple, deux anges le renversèrent de cheval, le frappèrent de verges et le forcèrent d'abandonner son projet sacrilége.

Le roi envoya à Romé son fils, âgé de douze ans : son frère Antiochus s'y trouvait déjà comme otage; ils furent chargés tous d'eux d'offrir au sénat un certain nombre de vaisseaux. La fierté romaine ne daigna pas accepter ce présent et cette preuve de la lâcheté du roi de Syrie; mais on fit avec lui, comme il le désirait, un traité d'alliance ou plutôt de protection. Héliodore, revenu en Syrie, crut que l'absence du frère et du fils du roi offrait une circonstance favorable à son ambition pour monter sur le tiône : il empoisonna Séleucus.

ANTIOCHUS ÉPIPHANE.

(An du monde 3829. Avant Jésus-Christ 175.)

Cléopâtre, reine d'Égypte, et fille d'Antiochus le Grand, venait de perdre Ptolémée Épiphane, son mari. Elle régnait sous le nom de son fils Ptolémée Philométor, qui était né depuis peu de temps. Cette reine ambitieuse prétendait ajouter à la couronne de son fils celle de Syrie et de Perse, que lui disputait Héliodore, soutenu par un parti formidable. Antiochus, revenu de Rome, apprit à Athènes ces tristes nouvelles ; mais Eumène, roi de Pergame, lui donna des troupes; avec ce secours il battit les rebelles, mit Héliodore en fuite, et prévint par la promptitude de ce succès l'exécution des projets de Cléopâtre. Il prit, dans cette circonstance, le surnom d'Illustre ou d'Épiphane. Ses sujets lui donnèrent plus justement celui d'Épimane (insensé, furieux).

Abandonné aux vices les plus grossiers, il ne respectait ni son rang ni les convenances; au mépris des coutumes et des mœurs nationales, il se mêlait avec la populace, et buvait, dans les tavernes, avec les matelots étrangers. Presque toujours revêtu de la toge romaine, il offensait les Perses et les Syriens en imitant à Séleucie et à Antioche les usages de Rome. Souvent il briguait sur la place publique un emploi d'édile ou de tribun, et en remplissait les fonctions. Quelquefois, couronné de pampre et de roses, il se promenait dans les rues, cachant sous sa robe des pierres qu'il jetait à ceux qu'il rencontrait. Il déposa le respectable grand prêtre Onias, et mit à sa place l'intrigant Jason: ce fut la première et méprisable cause des malheurs de la Judée.

Cléopâtre, reine d'Égypte, venait de mourir. Les Égyptiens exigeaient qu'on cédât à leur roi la Syrie et la Palestine. Antiochus envoya des ambassadeurs à Alexandrie, sous le prétexte de féliciter son neveu Philométor sur sa majorité, et dans l'intention réelle de prendre d'exactes

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