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prenant la défaite de cette cavalerie, ralentit son attaque et se disposa à la retraite. Parménion s'en aperçut, il ranima ses troupes qui se précipitèrent sur les ennemis, et les mirent en pleine déroute. Alexandre, voyant l'ordre rétabli, le camp délivré et les Perses totalement vaincus, courut jusqu'à Arbelles, où il espérait atteindre Darius; mais il n'y trouva que sa caisse militaire, son arc et son bouclier.

Cette fameuse bataille décida du sort de l'empire : les Perses y perdirent près de trois cent mille hommes; la perte, du côté des Macédoniens, ne monta pas à plus de douze cents. Darius se sauva en Médie, suivi des grands du royaume, d'un petit nombre de gardes et de deux mille Grecs.

Alexandre craignait d'être obligé de faire le siége dé Babylone; mais Mazée la lui rendit sans combattre. Les mages vinrent lui présenter l'encens. Il entra dans la ville en triomphe, au milieu de ses gardes, et s'établit dans le palais de Cyrus. Voulant plaire aux Babyloniens, il fit rebâtir les temples démolis par Xerxès, et entre autres celui de Bélus. Il témoigna son estime aux Chaldéens, et envoya en Grèce, au philosophe Aristote, son instituteur, le recueil de leurs observations astronomiques, qui renfermait l'espace de mille neuf cent trois ans, et remontait jusqu'au temps de Nembrod.

Le séjour d'Alexandre à Babylone amollit son caractère, affaiblit ses vertus, augmenta ses passions, et détruisit la discipline de ses troupes le vainqueur du monde fut luimême vaincu par la double ivresse de l'orgueil et de la volupté. Cependant la conquête de l'empire n'était pas achevée; on apprit que Darius rassemblait une armée. Ces nou-, velles forcèrent le roi à reprendre les armes, et, en sortant de Babylone, il retrouva sa force, son activité et son ardent amour pour la gloire. Après vingt jours de marche, il arriva devant Suze qui lui ouvrit ses portes il y trouva des richesses immenses, produit de l'avarice des rois, de

l'oppression des peuples et des dépouilles de la Grèce. Il laissa la famille de Darius à Suze, continuant toujours de combler d'honneurs Sisygambis et ses enfants; il leur prodiguait les soins les plus généreux ayant reçu des étoffes qu'on lui envoyait de Macédoine, il proposa aux jeunes princesses de leur donner des maîtres pour leur apprendre à en faire de semblables. Alexandre croyait que, comme les femmes grecques, elles se plaisaient à coudre et à broder; mais il vit leurs yeux se remplir de larmes, et apprit, par leur douleur et par la honte qui se peignait sur leur visage, qu'en Perse le travail méprisé était le partage des seuls esclaves.

Alexandre, sorti de Suze, battit les Uxiens; mais, s'étant engagé dans un défilé, il s'y vit enveloppé de toutes parts et faillit y périr avec tout ce qui l'accompagnait. Ne pouvant ni se retirer, ni avancer, il désespérait de son salut, lorsqu'un Grec vint lui découvrir un sentier inconnu, par lequel il gravit, traversa les montagnes, et tailla en pièces les ennemis, surpris et tournés. Le roi se hâta d'arriver à Persépolis, parce qu'on l'avertit que les habitants de cette ville voulaient piller les trésors qui y étaient enfermés. Lorsqu'il en approcha, il vit venir au-devant de lui huit cents Grecs que les Barbares avaient horriblement mutilés. Ce spectacle affreux décida Alexandre à les venger : il dit à ses troupes qu'il n'existait pas de ville plus fatale aux Grecs que Persépolis, que de cette source funeste étaient partis ces torrents d'armées qui avaient inondé et ravagé la Grèce, et qu'il livrait à leur juste fureur cette ancienne capitale des Perses. Il abandonna ainsi Persépolis au pillage; mais il empêcha les massacres, et défendit qu'on attentât à la pudeur des femmes. Le trésor qu'Alexandre trouva dans cette ville surpassait les richesses de ses autres conquêtes. Pendant son séjour dans cette cité, à l'issue d'un festin où il avait bu avec excès, la courtisane Thaïs lui dit que pour finir noblement cette fête, il devait lui permettre de réduire en cendres le magnifique

palais de cet orgueilleux Xerxès, qui avait brûlé Athènes, afin qu'on sût par toute la terre que les maîtresses d'Alexandre vengeaient mieux la Grèce que ses guerriers. Tous les convives applaudirent à cette impudente saillie. Le roi se leva de table avec une couronne de fleurs, et, portant un flambeau à la main, il suivit Thais. Tous imitèrent cette bacchante en délire; la flamme se répandit de tous côtés dans le palais; et quoique le roi, honteux de sa faiblesse, eut donné promptement l'ordre d'arrêter l'incendie, l'antique et royale demeure de Cyrus fut entièrement détruite.

Après cette action qui ternissait sa gloire, Alexandre résolut de poursuivre vivement Darius, qui avait réuni à Ecbatane, capitale de la Médie, trente mille hommes d'infanterie, quatre mille frondeurs et trois mille cavaliers, que commandait Bessus, satrape de la Bactriane. Le roi de Perse voulait, à la tète de ces troupes, marcher au-devant de son vainqueur, et périr avec gloire en le combattant. Mais Bessus et un autre satrape, nommé Nabarzane, conspirèrent contre lui, et gagnèrent les soldats en leur disant que le seul moyen de salut pour eux était de désarmer la colère d'Alexandre, s'il les atteignait, en lui livrant Darius vivant; que, s'ils pouvaient, au contraire, échapper à sa poursuite, ils devaient tuer leur faible monarque, s'emparer du royaume et recommencer la guerre avec vigueur. Patron, qui commandait un corps de troupes grecques, eut quelque soupçon de ce complot; il en avertit Darius, et lui conseilla de ne confier qu'aux Grecs la garde de sa personne. Le roi répondit que ce serait insulter les Perses, qu'il aimait mieux s'exposer à tout que de chercher sa sûreté dans les rangs de troupes étrangères, et qu'il ne voulait point conserver sa vie, si ses propres soldats le jugeaient indigne de vivre. Cette résolution, trop généreuse, laissa les traîtres libres de suivre leur projet ils se saisirent du roi, le lièrent avec des chaînes d'or, l'enfermèrent dans un chariot cou

vert, et lui firent, prendre la route de la Bactriane. Alexandre, en arrivant à Ecbatane, apprit que le roi en était parti. Il commanda à Parménion de marcher en Hyrcanie, à Clytus de le rejoindre dans le pays des Parthes; poursuivant lui-même Darius, il passa les portes Caspiennes et entra dans la Parthie. Là, il sut que Darius était prisonnier de ses sujets rebelles, et que Bessus, pour être plus sûr de sa personne, l'avait envoyé en avant, afin de l'éloigner de l'armée.

Bessus, cependant, se voyait maître de cette armée, à l'exception des Grecs et d'Artabaze, qui, s'étant séparés de lui, avaient regagné les montagnes. Les Macédoniens, accélérant leur marche, atteignirent bientôt les rebelles, les attaquèrent et les battirent. Bessus et ses complices coururent alors vers Darius, et l'invitèrent à monter à cheval pour se sauver avec eux. Le roi, indigné, refusa d'y consentir, et dit que les dieux amenaient Alexandre, non comme un ennemi, mais comme un vengeur. Les traîtres, furieux, lui lancèrent leurs dards, s'éloignèrent, le laissèrent percé de coups, se séparèrent, et prirent diverses routes pour, obliger ceux qui les poursuivaient à diviser leurs forces.

Darius, couché sur son char, touchait à sa fin. Un Macédonien, nommé Polystrate, arriva près de lui. Le roi lui demanda à boire; et, après avoir repris quelques forces, lui dit : « C'est au moins une consolation pour moi de « pouvoir faire connaître, avant d'expirer, mes dernières « volontés. Assurez à Alexandre que je meurs plein de << reconnaissance pour l'humanité qu'il a témoignée à ma << famille. Sa générosité lui a conservé l'honneur, la vie << et même son rang. Je ne lui demande pas de me venger « de mes assassins; en les punissant, il servira la cause <«< commune des rois. Je prie les dieux de rendre ses << armes victorieuses, et de le faire monarque de l'uni<< vers. Touchez sa main, comme je touche la vôtre, << et portez-lui ainsi le seul gage que je puisse lui

« donner des sentiments que ses vertus m'ont inspirés. » En achevant ces mots, il mourut.

Peu de moments après, Alexandre arriva, et, en voyant le corps de Darius, il versa des larmes sur le sort de ce prince, digne d'une meilleure destinée. Il couvrit ce malheureux roi de sa cotte d'armes, le fit embaumer, et envoya son cercueil à Sisygambis, qui lui rendit les honneurs funèbres, et le plaça dans le tombeau de ses ancêtres. Darius était âgé de cinquante ans, et mourut l'an du monde 3674, et avant Jésus-Christ 330.

ALEXANDRE.

(An du monde 3674.. - Avant Jésus-Christ 330.)

Alexandre, en poursuivant Bessus, soumit avec rapidité l'Hyrcanie et plusieurs petits peuples qui habitaient les montagnes. Pendant qu'il faisait ces conquêtes, il apprit que les Lacédémoniens s'étaient armés contre la Macédoine, et que leur roi Agis avait été vaincu et tué par Antipater.

Talestris, reine des Amazones, vint, dit-on, rendre hommage au vainqueur de l'Asie. Elle éprouvait pour ce héros un tel enthousiasme, que le vrai but de son voyage était le désir de s'unir avec lui et d'en avoir des enfants. Mais on peut douter de ce récit, car presque tous les auteurs graves regardent l'histoire des Amazones comme fabuleuse. Ce qui parait probable pourtant, c'est que les Scythes aient vu dans leurs contrées plus de femmes guerrières que les autres peuples, qui tous en ont compté quelques-unes. La rudesse de leurs mœurs, leur vie errante, devaient les y disposer; et lorsque des femmes ont monté sur l'un des trônes de Scythie, ces femmes militaires ont pu se trouver en plus grand nombre et se réunir en troupes et non en peuple.

Le roi, n'ayant pu atteindre Bessus, retourna dans le pays des Parthes, et s'abandonna aux plaisirs, oubliant

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