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Grecs de Thèbes, d'Argos et d'Asie envoyèrent dix mille hommes au roi après la prise de Sidon; car de tout temps on s'est empressé de secourir le vainqueur.

Ochus arriva en Égypte ; il partagea son arméé en trois corps; les principaux chefs étaient Nicostrate d'Argos, Mentor et l'eunuque Bagoas. Nicostrate remonta le Nil avec cinquante vaisseaux et débarqua ses troupes dans le centre de l'Égypte. Les Égyptiens marchèrent contre lui et livrèrent bataille : Clinias de Cos, leur général, y périt avec cinq mille hommes; le reste prit la fuite. Nectanébus accourut en diligence pour défendre Memphis. Sa retraite livra Péluse au roi de Perse; les Grecs, qui la défendaient, obtinrent de retourner dans leur patrie. Ochus, ayant déclaré qu'il traiterait avec douceur ceux qui rendraient les armes, mais qu'il exterminerait tout ce qui se défendrait, sóumit par la terreur toute l'Égypte. Nectanébus, sans espoir, se sauva avec ses trésors en Éthiopie et ne reparút plus.

Mentor reçut de grandes récompenses pour cette conquête, et réconcilia avec le roi son frère Memnon et son beau-frère Artabaze.

Ochus, maître de l'Égypte, n'écouta que la fougue de son caractère, et crut qu'il détruirait à jamais dans cette contrée toute semence de révolte, s'il en changeait la religion, les lois et les moeurs. Il démantela les villes, pilla les temples, massacra les prêtres, enleva les archives et tua le dieu Apis, qu'il fit manger à ses officiers dans un festin. Chargé des dépouilles et de la haine de l'Égypte, il revint à Babylone. L'eunuque Bagoas, son favori et son général, était Egyptien; il n'avait pu voir sans horreur les malheurs de sa patrie et l'outrage fait à sa religion : il empoisonna le roi, et, par un raffinement de vengeance digne de ces temps barbares, il fit enterrer un autre mort à la place d'Ochus, et coupa en morceaux le corps de son maître qu'il donna à manger aux chiens et aux chats ; enfin, de ses os il fit faire des manches de couteau et d'épée,

pour rappeler à la fois l'humeur sanguinaire du tyran et sa punition.

Après ce meurtre, Bagoas, profitant de son autorité absolue dans le palais, massacra tous les fils du roi, et mit sur le trône Arsès, le plus jeune, sous le nom duquel il espérait gouverner. Mais comme il s'aperçut bientôt que ce prince voulait secouer son joug, il le prévint, l'assassina et détruisit avec lui le reste de sa famille. Arsès ne régna que deux ans.

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Bagoas donna le sceptre à Darius Codoman. Ce prince, fils de Sisygambis, s'était dérobé, comme on l'a vu, au massacre de ses parents. Cherchant son salut dans une sorte d'obscurité, il n'avait eu pendant longtemps d'autre fonction dans l'État que celle de porter des dépêches aux gouverneurs de provinces; mais, dans la guerre des Perses contre les Cadusiens, il se distingua par une action d'éclat, qui le rendit dès lors l'objet de l'affection générale.

Un Cadusien d'une stature gigantesque défia les Perses de lui opposer un combattant digne de sa force et de son courage. Personne n'osait se présenter. Codoman s'avança et le tua. Sa récompense fut le gouvernement d'Arménie. La douceur de son administration fit croire à Bagoas qu'il pourrait le gouverner; mais ce perfide ministre, ne le trouvant pas aussi faible qu'il l'espérait, résolut de l'empoisonner. Le roi, prévenu de son dessein, dissimula son courroux, et le força de boire le poison qu'il lui avait pré

senté.

Différent de tous ses prédécesseurs, Darius sut mériter à la fois le respect des grands et l'amour des peuples. Sisygambis, sa mère, Statira, sa sœur et sa femme, firent

régner dans sa cour les mœurs et la vertu; et pendant quinze ans, Darius rendit la Perse heureuse.

On était loin de prévoir que cette époque fortunée précéderait de si peu la destruction de l'empire; et cependant, depuis longtemps les observateurs éclairés auraient pu prédire la chute d'un colosse qui n'avait plus de base solide. La mollesse des Mèdes remplaçait l'austérité des mœurs des anciens Perses; les lois et la discipline de Cyrus étaient oubliées. Les monarques invisibles, qui faisaient trembler leurs sujets, devenaient eux-mêmes esclaves, et souvent victimes des femmes et des eunuques de leur palais : les satrapes, trop éloignés du centre de la monarchie, se croyaient presque indépendants. Les armées, éclatantes d'or et de pourpre, ne brillaient plus par le fer et par la force; les voluptés avaient amolli les courages; les âmes étaient avilies par la tyrannie. Les provinces conquises, opprimées et mécontentes, grossissaient le trésor sans donner de forces réelles à l'État: il n'existait ni amour de la patrie ni esprit public tous les membres de l'empire de Perse formaient un corps immense sans vigueur et sans union; et Darius, vaillant et généreux, n'avait pas assez de génie et de fermeté pour forcer les grands à imiter ses vertus, et pour régénérer une nation si corrompue.

Dans ce moment marqué par les destins pour la chute de ce vaste empire, le monde vit paraître un grand homme; un héros monta sur le trône de Macédoine : Alexandre régna, et après avoir soumis à son autorité les peuples grecs, affaiblis par leurs divisions, il conçut la grande idée de se faire pardonner ses attaques contre la liberté de la Grèce, en la couvrant de gloire et en la vengeant avec éclat des Perses, ses éternels ennemis.

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Ce grand homme, incapable de se laisser effrayer par les obstacles que présentait une si audacieuse entreprise, était peut-être éclairé par le succès des dix mille Grecs qui, bravant toutes les forces d'Artaxerce, avaient traver

sé, sans être entamés, son immense empire. Alexandre osa donc croire cette conquête possible, et l'entreprit ; il débarqua en Asie avec trentè mille soldats et cinq mille cavaliers.

Darius, maître de l'Orient, et qu'on appelait le grand roi, le roi des rois, pouvait lui opposer trois millions de guerriers; mais il méprisa les efforts d'un si faible adversaire; il crut que les satrapes des frontières, qui commandaient un corps de cent dix mille hommes, suffiraient pour arrêter ce jeune téméraire sur les bords du Granique, et pour punir sa folle audace. Un ordre seul d'Ochus, lorsqu'il partit pour l'Égypte, avait suffi, pour désarmer toute la Grèce : comment son successeur aurait-il pu prévoir qu'un prince de Macédoine allait braver, renverser sa puissance, détruire Persépolis, régner à Suze, à Memphis, à Tyr, et triompher dans Babylone?

Alexandre, nommé généralissime par les Grecs, rassembla une armée composée des soldats les plus braves, et dont les officiers, habiles et expérimentés, ressemblaient plus par leur âge et par leur gravité à un sénat qu'à une troupe de guerriers ; il passa le Strymon, l'Hèbre, et arriva à Sestos en vingt jours de marche. Il avait cent soixante-sept galères et plusieurs vaisseaux. Il dirigea luimème ses galères en travèrṣant l'Hellespont, et descendit le premier de tous en Asie. Son trésor ne contenait que soixante-dix talents; son armée ne portait de vivres que pour un mois. En partant de Macédoine, il avait distribué à ses officiers tout son patrimoine, ne gardant, disait-il, pour lui que l'espérance.

Après avoir offert un sacrifice à Jupiter, à Minerve et à Hercule, il fit célébrer des jeux à Ilion sur le tombeau d'Achille, et arriva en Phrygie, sur les bords du Granique. Les satrapes l'attendaient de l'autre côté de la rivière pour lui en disputer le passage. Memnon de Rhodes, qui commandait pour Darius, sur toute la côte d'Asie, conseillait aux généraux perses de ne point risquer le combat, de

ruiner le pays, de se retirer et d'affamer l'armée d'Alexandre, afin de le forcer à retourner sur ses pas.

Arsite, satrape de Phrygie, déclara qu'il ne souffrirait pas la ruine de son gouvernement. Les Perses, méprisant le petit nombre des Macédoniens, soupçonnèrent Memnon de vouloir se rendre nécessaire en prolongeant la guerre. Ainsi on rejeta l'avis du plus habile des généraux de Darius, et la bataille fut décidée.

Du côté des Macédoniens les opinions étaient aussi partagées Parménion conseillait de laisser reposer les troupes; Alexandre voulait frapper les esprits avec la promptitude d'un premier succès; il trouvait honteux de s'arrêter devant un ruisseau', après avoir traversé l'Hellespont.

Le roi ordonna de marcher. La cavalerie perse bordait le rivage; derrière elle, on voyait, sur la pente d'un coteau, une nombreuse infanterie, dont l'élite était composée de Grecs à la solde de Darius. Les premiers corps macédoniens qui entrèrent dans la rivière furent chargés par la cavalerie perse, accablés de traits et forcés de se -replier. Alexandre les ramena lui-même à la charge, traversa le premier la rivière, et renversa tout ce qui s'opposait à son passage. Toute l'armée le suivit, passa le fleuve, et attaqua l'ennemi sur tous les points. La mêlée devint générale et furieuse. Spithrobate, satrape d'Ionie, gendre de Dariús, répandait partout l'épouvante; Alexandre se précipita sur lui; ils se blessèrent d'abord légèrement l'un et l'autre de leurs javelots; mais le roi termina le combat en perçant d'un coup de lance la tête du satrape. Rosacès, son frère, impatient de venger sa mort, fendit d'un coup de hache le casque d'Alexandre; il allait d'un second coup frapper sa tête découverte, lorsque Clytus, avec son sabre, lui coupa la main, et sauva la vie à son maître.

Le danger du roi redoubla l'ardeur de ses troupes : elles enfoncèrent les ennemis et les mirent en déroute; tout

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