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mortalité de l'âme, leur représenta que toutes leurs actions se passeraient sur un grand théâtre à la vue de tout l'univers; enfin il leur recommanda de craindre le jugement des dieux et celui de la postérité. Au lieu de brûler son corps, il voulut qu'on l'enterrât, afin qu'après sa mort, en fécondant la terre, il fût encore utile aux hommes comme il l'avait été pendant toute sa vie. Il mourut après avoir commandé les armées vingt-trois ans et régné pendant sept.

Hérodote raconte autrement l'histoire de Cyrus: selon cet écrivain, Astyage, averti en songe que son petit-fils le détrônerait, ordonna sa mort. Cyrus, sauvé de ce péril par l'humanité d'un Mède, parvint à fléchir le courroux d'Astyage, qui le reconnut; mais la prédiction n'en fut pas moins accomplie, et le roi des Mèdes périt de la main du prince qui s'était révolté contre lui. Hérodote n'est pas plus d'accord avec Xénophon sur la mort de Cyrus : il dit que ce monarque, portant la guerre contre les Scythes, les trompa par une fuite simulée, et laissa beaucoup de vin et de viandes dans son camp. Les ennemis s'étant livrés à la débauche, Cyrus les surprit, les battit et fit prisonnier le prince de Scythie, qui se tua de désespoir. La reine Thomiris, sa mère, animée par la passion de la vengeance, attira les Perses dans une embuscade, en tua deux cent mille avec Cyrus, leur roi; puis ayant fait couper la tête de ce prince, elle la jeta dans une outre pleine de sang en lui disant : « Cruel! rassasie-toi maintenant de ce sang humain << dont tu as été insatiable pendant ta vie. » Le même historien rapporte que Cyrus, pour se venger de l'Euphrate, dans lequel les chevaux consacrés au Soleil s'étaient noyés, fit couper par son armée ce fleuve en trois cent soixante canaux. Au reste Hérodote avertit lui-même qu'il existait différentes versions sur l'histoire de Cyrus: il a préféré sans doute, suivant le goût des Grecs, la plus fabuleuse, et peutêtre les contes que répandait en Asie le roi de Babylone, lorsque Cyrus lui faisait la guerre.

CAMBYSE.

(An du monde 3475. - Avant Jésus-Christ 529.)

Après la mort de Cyrus, Cambyse, son fils aîné, étant monté sur le trône, résolut de porter la guerre en Égypte. Amasis, roi de ce pays, s'était soumis à Cyrus qui lui avait imposé un tribut, mais il ne voulut point le payer à son successeur. Cambyse regarda ce refus comme une marque de mépris et comme une injure, et fit d'immenses préparatifs et sur terre et sur mer pour en tirer vengeance. Les Cypriotes lui fournirent des vaisseaux; il reçut un grand nombre de soldats d'Ionie et d'Éolie. Phanèse d'Halicarnasse, chef d'un corps de Grecs au service d'Amasis, s'étant brouillé avec ce prince, donna des renseignements trèsutiles à Cambyse sur les forces de l'Égypte. Ce fut par son avis qu'il engagea un roi arabe à lui envoyer des chameaux chargés d'eau pour traverser le désert. Ces préparatifs occupèrent les trois premières années de son règne ; lorsqu'ils furent achevés, il se mit en marche et apprit en Palestine la mort d'Amasis.

Psamménits, son successeur, réunissait toutes ses forces pour se défendre contre les Perses. Cambyse ne pouvait pénétrer en Égypte qu'après avoir pris Péluse, place trèsforte alors; pour s'en emparer, il usa d'un stratagème dont la superstition du peuple assura le succès: il savait que la garnison était composée d'Égyptiens, et, en donnant l'assaut à la ville, il fit porter devant les colonnes des chats, des chiens, des brebis et d'autres animaux regardés comme sacrés. Les Égyptiens n'osèrent point tirer sur eux. Cambyse entra sans résistance dans la place, et pénétra ainsi dans l'intérieur du pays.

Psamménits vint à sa rencontre, et ternit son courage par un acte de cruauté. Le Grec Phanès, en quittant le parti d'Amasis, avait été forcé de laisser ses enfants en Égypte.

Psamménits les fit égorger à la vue des deux camps, et les Égyptiens burent leur sang. Un crime aussi lâche présageait une honteuse défaite: le combat fut sanglant et terrible; l'armée égyptienne prit la fuite; la plus grande partie périt, le reste se sauva à Memphis. Cambyse les poursuivit un vaissean de Mitylène remonta le Nil par ses ordres, portant des hérauts d'armes qui invitèrent les habitants à se soumettre. Le peuple furieux les hacha en pièces, ainsi que tous ceux qui les accompagnaient. Le roi de Perse attaqua Memphis de vive force, s'en empara, et fit exécuter publiquement dix fois autant d'Égyptiens des familles les plus distinguées, qu'il y avait eu de personnes massacrées dans le vaisseau. Le fils aîné de Psamménits se trouva au nombre de ces victimes.

Cambyse traita le roi avec douceur, lui conserva la vie et lui assigna un entretien honorable, Mais ce prince, inconsolable de la perte de son trône et de celle de son fils, voulut exciter des troubles dans l'espoir de recouvrer son royaume on termina sa vie en lui faisant boire du sang de taureau. Son règne n'avait duré que six mois. Toute l'Égypte se soumit au vainqueur,

Cambyse alla à Saïs, et, prolongeant sa vengeance au delà du tombeau, il fit déterrer et brûler le corps d'Amasis. Insatiable de conquêtes, il conçut le projet d'envoyer des troupes à Carthage et de s'emparer de toute la côte d'Afrique; mais les menaces des Phéniciens lui firent abandonner cette résolution, Il chargea des ambassadeurs de se rendre auprès du roi d'Éthiopie pour l'inviter à reconnaître son autorité, et lui envoya en même temps de riches présents. Les Éthiopiens méprisèrent ses dons et n'acceptèrent que le vin qui en faisait partie. Le roi d'Éthiopie fit porter à Cambyse un arc d'une grandeur et d'une force remarquables, et lui écrivit qu'il ferait bien, avant d'attaquer l'Éthiopie, d'attendre qu'un de ses guerriers eût pu tendre cet arc. Cambyse, irrité, marcha contre lui, et laissa des troupes grecques pour contenir l'Égypte. Il chargea en

même temps un corps de cinquante mille hommes de se rendre dans l'oasis où se trouvait le temple de Jupiter Ammon, et de détruire ce célèbre édifice. L'entreprise eut un funeste résultat les cinquante mille hommes destinés à l'exécuter furent enveloppés par des tourbillons de sable et périrent.

L'armée de Cambyse, brûlée dans les déserts par les feux du soleil et exténuée par les privations, se trouva bientôt réduite à la plus affreuse extrémité. Après s'être nourri de la chair des chevaux et des chameaux, on en vint au point de s'entre-tuer pour assouvir la faim: les soldats, partagés par dizaines, tiraient au sort; et celui sur lequel il tombait servait de pâture à ses malheureux compagnons.

Cambyse, renonçant à vaincre un peuple défendu par un désert immense et par un soleil brûlant, retourna sur ses pas et ne ramena que de faibles débris de son armée à Thèbes, dont il pilla et brûla les temples. Arrivé à Memphis, il trouva le peuple occupé à célébrer les fêtes d'Apis ; il crut que ces réjouissances étaient une insulte à son malheur ; dans sa colère, il donna l'ordre de tuer tous les magistrats et de fustiger tous les prêtres, lui-même enfin perça le bœuf Apis d'un coup de poignard dans la cuisse. Depuis ses revers en Éthiopie, il devint frénétique, et sa vie ne fut plus qu'une suite de folies et de cruautés. Il avait un frère que Xénophon nomme Anaxare; Justin, Mergis; Hérodote, Smerdis. Ce prince, d'une force remarquable, était parvenu à tendre l'arc envoyé par le roi d'Éthiopie. Le roi, jaloux des grandes qualités de son frère et de l'affection qu'on lui portait, le renvoya à Babylone; mais, quelque temps après, ayant rêvé qu'il projetait de le renverser du trône, il chargea un Perse, nommé Prexape, de le tuer. Criminel dans ses penchants comme dans sa haine, il s'enflamma pour sa sœur Méroé, et consulta les juges pour savoir s'il pouvait la prendre pour femme, ainsi que le permettait le culte des mages. Ces vils flatteurs lui répondirent qu'aucune loi du royaume ne le permettait, mais qu'il en existait une qui

donnait aux rois de Perse le droit de faire tout ce qu'ils voulaient. Il épousa donc Méroé, et donna son nom à une île qui se trouve dans le Nil, près des frontières de l'Éthiopie.

Un jour Cambyse assistant à un combat d'un lion contre un chien, le frère de ce chien vint à son secours et le rendit vainqueur de son terrible adversaire. A ce spectacle, Méroé versa des larmes et avoua que la vaillance de ce chien lui avait rappelé la mémoire de son frère Smerdis. Cambyse, se trouvant insulté par un souvenir qui lui retraçait un crime, la frappa si violemment qu'elle en mourut peu de jours après.

Son favori Prexape, attribuant sa violence à son ivresse, lui dit hardiment que les Perses blâmaient et méprisaient son funeste penchant pour le vin. « Vous allez juger vous« même, répliqua le roi, si le vin me fait perdre la raison. >> Alors il vida plusieurs coupes, et, ayant ordonné au fils de Prexape de se tenir debout à l'extrémité de la salle, il saisit son arc, déclara qu'il visait au cœur de ce jeune homme, et le perça en effet d'un coup de flèche; puis, se tournant vers le malheureux père, il lui dit : «Trouvez-vous que « l'ivresse m'empêche d'avoir la main ferme et le coup << d'œil sûr ?» Si quelque chose surpasse la noirceur d'un tel crime, ce fut la bassesse de Prexape, qui répondit: « Seigneur, Apollon lui-même ne tirerait pas plus juste. » Crésus, témoin de ce forfait, laissa éclater son indignation. Cambyse ordonna sa mort; et, comme on avait retardé l'exécution de cet ordre cruel, il le révoqua; mais il fit périr tous ceux qui n'avaient pas obéi.

Ce fut à peu près dans ce temps que Polycrate, tyran de Samos, mourut. Il était allié et ami d'Amasis. Le destin l'avait toujours favorisé à tel point, qu'Amasis lui conseilla de se procurer volontairement quelque forte contrariété pour apaiser la fortune, qui, par cet excès de bonheur, semblait le menacer de grands et de prochains revers. Polycrate, docile à cet avis, jeta dans la mer une superbe

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