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de fon rival, ainfi que des per fonnages qui fe font diftingués dans leur école, nous allons examiner ce que devint la morale entre les mains des deux autres difciples de Socrate, dont nous avons déjà fait mention. Ariftipe & Antifthène, l'un fondateur de la fecte des Cy→ rénaiques, & l'autre de celle des Cyniques; tous deux s'appuyant fur la doctrine de leur maître quoique leurs principes fuffent diamétralement oppofés ; ce qui paroîtroit bien fingulier, fi l'on ne favoit les différentes interprétations que peuvent fubir les mêmes idées fuivant le caractère ou la façon de penfer de ceux qui les reçoivent.

CHAPITRE VIII.

D'Ariftipe.

LA fecte fondée par Aristipe fut nommée Cyrénaïque du nom de Cyrène, ville d'Afrique, où il étoit né.

Il fe vit obligé de quitter Athènes pour échapper à l'envie de fes condifciples qui ne pardonnoient pas à un barbare d'avoir quelque avantage fureux. Il s'y trouva néanmoins à la mort de fon maître, & paffa, quelque tems après, à la cour de Denis le jeune, tyran de Syracufe, où il réuffit mieux que Diogène & que Platon, parce qu'au lieu d'affecter le fafte philo

fophique, il employa les moyens les plus adroits pour ramener à l'humanité l'ame d'un prince qui devenoit tous les jours plus féroce. Quoique ce fuccès eût une fois armé la jaloufie contre lui, cepenpendant il revint à Athènes, où il établit fon école.

Il est le premier qui ait bien parlé fur les fens. Il a vu qu'ils ne nous trompent que par les jugemens que nous joignons à nos fenfations ; que propres à nous faire connoître les chofes par leurs apparences & par leurs rapports à nous, ils ne fauroient faire découvrir ce qu'elles font en elles-mêmes, & qu'enfin les caufes de nos fenfations font telles que nous les

ignorerons toujours. Il est à présumer qu'il tenoit ces principes de Socrate, qui, ayant démêlé le faux des fyftêmes, n'a pas fans doute ignoré ces vérités.

Ariftipe eut un difciple célèbre dans fa fille Arétée. Elle fe diftingua parmi les femmes favantes; elle eut même plufieurs difciples, ce qui ne paroîtra pas fans doute extraordinaire. Les leçons d'une femme aimable doivent néceffairement faire beaucoup de profélytes.

Ariftipe penfoit que la fcience s'acquiert par le choix, plutôt que par le nombre des lectures. Il la jugeoit préférable à tout; mais il la bornoit aux chofes d'ufage. Il

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recommandoit aux fages de communiquer leurs connoiffances, de fréquenter les riches, comme les médecins fréquentent les malades, & d'enseigner aux jeunes gens à être ce qu'il eft important qu'ils foient un jour. Enfin, une de ses maximes étoit que le philofophe cherche la juftice, & qu'il la fuivroit quand même il n'y auroit point de loix.

D'après cette façon de penser, on peut juger que fa morale ne s'écartoit pas beaucoup de celle de Socrate; & fi, comme on le lui reproche, il a mis la fin de la philofophie dans la volupté, il y a lieu de préfumer que fon deffein n'a pas été d'abufer de ce mot.

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