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les grandes faveurs de la fortune peuvent ajouter beaucoup à fon bonheur. Rien n'empêche donc de définir l'homme heureux (autant que l'humanité peut l'être) celui qui, avec une inclination active de l'ame vers la vertu, poffède une certaine abondance de biens externes, non durant un terme quelconque, mais durant la vie entière ».

« Les légiflateurs, dit-il encore, furent pénétrés de cette vérité, que le bonheur eft principalement fondé fur l'inclination de l'ame à la ver tu; eux qui, défirant de procurer à leurs citoyens toute la félicité dont la nature humaine eft fufceptible, s'attachèrent à leur infpirer

toutes les vertus qui honorent l'homme. C'étoit là l'objet des po litiques; c'étoit le plan qu'avoient exécuté les législateurs des Crétois & des Spartiates. Ces politiques favoient ce qui convient à l'ame, comme un bon médecin connoît ce qui convient au corps; & perfuadés que l'énergie de l'ame, dirigée vers la vertu, peut feule rendre l'homme heureux, ils avoient fait de ce motif, le principe & l'objet des loix qu'ils avoient établies ».

Ces différens passages prouvent qu'en faifant entrer les biens de la fortune & les avantages naturels dans la compofition du bonheur, Aristote ne prétendoit pas donner à ce prin

cipé une extenfion illimitée, & que c'étoit toujours fans préjudicier aux droits de la vertu, qui, dans tous les cas, doit avoir la préférence; car s'il existe une règle inconteftable en morale, c'eft, qu'on ne peut être heureux fans la vertu ; qu'avec elle, il eft poffible qu'on foit malheureux; mais qu'on le fera toujours moins, parce qu'elle eft la plus puiffante de toutes les confolations.

Ariftote, accufé d'impiété, prit le parti de fe retirer à Chalcis, en Eubée, difa nt qu'il ne vouloit pas que les Athéniens fiffent un nouvel outrage à la philofophie. Il avoit enfeigné douze ans dans le lycée, & il mourut peu de tems

après dans la foixante - troifième année de fon âge On fit transporter fon corps à Stagire, lieu de fa naiffance, où fes compatriotes lui élevèrent un tombeau, un autel, un temple même, & confacrèrent un jour de l'année à fa mémoire.

il

Théophrafte d'Eriffe, ville de l'isle de Lesbos, enfeigna dans le lycée après la mort d'Ariftote. Verfé dans tous les genres de littérature parloit avec autant d'éloquence que de clarté. Il eut jufqu'à deux mille difciples, parmi lefquels on compte Démétrius de Phalère. Il fut eftimé généralement, & furtout infiniment chèr aux Athéniens. Il nous refte peu de fes ouvrages,

quoiqu'il ait beaucoup écrit. Il paroît qu'il ne fuivoit pas fervilement les opinions d'Ariftote. Il est mort dans la quatre-vingt-cinquiè me année de fon âge, 286 ans avant J. C.

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Après lui, l'on ne compte plus dans le lycée que cinq philofophes, qui, fucceffivement, ont tenu l'école. Le premier & le plus célèbre eft Straton, dont il ne refte aucun ouvrage. Les autres fe font fuccédés dans cet ordre: Lycon, Arifton, Critolaüs & Diodore. On appelloit péripatéticiens les fectateurs d'Ariftote, parce que d'ordinaire ils agitoienr les queftions en se promenant.

Après avoir parlé de Platon &

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