Page images
PDF
EPUB

nité de l'ouvrier qui l'a formé »? « Voilà, continue Platon, les idées dont un légiflateur doit remplir l'efprit & l'ame de fes concitoyens; il leur infpirera l'amour & le refpect des dieux par la contemplation de leurs ouvrages; il fe gardera bien de rien changer à la religion de leurs ancêtres, & au culte qu'ils pratiqueront; il ne leur interdira point les facrifices qu'ils adreffoient aux dieux, fachant bien que fur ces matières, la nature humaine ne peut avoir que des connoiffances infiniment bornées. Sans ces principes religieux, fondés fur la raifon, il n'eft point de cité, ni d'homme qui puiffe fe flater d'être heureux.

Mais quelque bonheur qui puiffe accompagner cette étude en cette vie, combien la félicité du fage ne fera-t-elle pas plus grande, lorfqu'après fa mort il ne fera plus un être mixte & compofé, fujet à mille affections différentes, & que n'ayant plus qu'une feule nature, il n'aura déformais qu'une feule règle & une feule fin »>!

Ce morceau prouve ce que nous avons avancé dans le commencement de ce chapitre, c'eft-à-dire, que Platon avoit fu mêler adroi tement la doctrine de Pythagore à celle de Socrate; mais on n'y retrouve point l'heureuse fimplicité de ce dernier. Platon étoit jaloux de produire de grands effets; il

enfeignoit avec appareil, & déployoit toutes les reffources de fon éloquence. Socrate, au contraire, inftruifoit en caufant; l'un s'occupoit des intérêts de fa gloire, & l'autre les facrifioit à ceux de la

vertu.

Maintenant nous allons examiner ce que devint l'école de Platon après la mort, & les différentes variations qu'éprouva la fecte qu'il avoit fondée. Nous avons dit qu'elle s'appelloit académique, du nom d'Academius, à qui avoit appartenu le local où elle prit naiffance.

CHAPITRE VI.

De la Secte académique.

PLATON laiffa fon école à Speufippe, fon neveu, qui, bientôt après étant devenu paralytique, la laiffa lui-même à Xenocrate, autre dif ciple de Platon. Tous deux avoient accompagné ce Philofophe dans fon dernier voyage en Sicile.

Le premier a écrit plufieurs ouvrages qu'on eftimoit, & qu'Ariftote eft accufé d'avoir fupprimés. D'ailleurs fi l'on a loué fon efprit, on n'a pas moins critiqué fes

mœurs.

Xénocrate étoit de Chalcédoine: né avec une conception dure, il

prouva que les difpofitions les plus ingrates peuvent être vaincues par un travail affidu. Il a fait plufieurs ouvrages dont aucun n'est venu jufqu'à nous; mais les mœurs nous font connues, & tous les anciens rendent unanimement témoi gnage à fa vertu. Pauvre par choix, il fut le feul des ambaffadeurs d'A thènes que Philippe ne put corrompre; il fe conduifit avec le même défintéreffement dans une autre ambaffade auprès d'Antipater; & lorfqu'Alexandre lui envoya cinquante talens, il retint à fouper ceux qui les lui apportoient, & leur fit voir au repas qu'il leur donna, combien les richeffes lui étoient inutiles. Il accepta néanmoins trente

« PreviousContinue »