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distance qui sépare la force vive proprement dite de la force vive simple, est analogue à celle qui sépare la force vive simple de la force morte. « La force vive, dit Leibnitz, est le résultat d'une infinité d'impressions non interrompues de la force morte (1). » De même la force vive proprement dite peut être considérée comme résultant d'une infinité d'impressions de la force vive simple, en d'au ́tres termes, la force vive est proportionnelle à l'intégrale de l'impression ou effort de la force vive simple, et celle-ci à l'intégrale de l'effort de la force morte. Soit v la vitesse, ou aura force morte comme dv, force vive simple comme sdv ou v, et force vive comme svdv ou ¦ v2, ou, en transformant, comme v2.

Lorsque l'on considère la force mouvante en soi, sans aucune application particulière, ce n'est que dans sa nature propre, manifestée par les deux effets dont nous venons de parler, qu'il faut en prendre la mesure. L'idée pourtant de la chercher dans la résistance conduisit d'Alembert, le premier, à comprendre qu'elle n'est pas toujours la même, et que chacune des deux valeurs qu'on prétendait lui assigner pouvait lui convenir, selon que l'on considérait la somme des résistances des

(1) <«< Ex infinitis vis mortuæ impressionibus continuatis nata est vis viva. Ibid.

obstacles ou la quantité absolue de ces obstacles, dont l'une est proportionnelle à la vitesse, et l'autre au carré de la vitesse. Mais cette résistance n'étant qu'accidentelle pour la force, n'offrait point, je le répète, une véritable solution de la difficulté.

Nous venons de voir que l'idée de la quantité constante de mouvement dans l'univers a amené la découverte de la force vive, âme de la mécanique industrielle, et qui joue un si grand rôle dans la mécanique céleste; qu'à la même idée est due celle qu'il y a des lois de communication du mouvement, et la découverte immédiate de quatre d'entre elles. Des huitième, neuvième et onzième propositions du traité De motu corporum ex percussione de Huyghens, 1669, il résulte qu'avant et après le choc, le centre commun de gravité est en repos, ou qu'il se meut de la même manière, et que la force vive n'a point changé. Plus tard, 1746, d'Arcy (1), Daniel Bernoulli (2) et Euler (3), aperçurent en même temps que lorsque plusieurs corps se meuvent autour d'un centre, si on multiplie la masse de chacun par l'aire que son rayon vecteur décrit, et qu'on ajoute ces produits, la somme est proportionnelle au temps. Fermat soutenait, d'après Héliodore, que la nature suit la voie

(1) Mémoire de l'Académie des Sciences. 1747.

(2) Mém. de l'Académie de Berlin, t. I, p. 54, an. 1746. (3) Opuscula mecanica, 1.

la plus courte, Leibnitz la voie la plus facile; Maupertuis prétend qu'elle emploie le moins possible d'action, ce qui revient au même (1). Ces quatre aperçus développés ont formé les quatre grandes lois du mouvement d'un système de corps, savoir : la conservation du centre de gravité, la conservation de la force vive, la conservation des aires, la moindre action, lois qui ont leur application naturelle aux astres, dont elles régissent les mouvements dans leur ensemble. Le principe de moindre action se trouve dans Descartes. Les règles de la communication des mouvements « ne dépendent que d'un seul principe, qui est que lorsque deux corps se rencontrent qui ont en eux des modes incompatibles, il se doit véritablement faire quelque changement en ces modes, pour les rendre compatibles, mais que ce changement est toujours le moindre qui puisse être, c'est-à-dire que, si certaine quantité de ces modes étant changée, ils peuvent devenir compatibles, il ne s'en changera point une plus grande quantité. Et il faut considérer dans le mouvement deux divers modes, l'un est la motion seule ou la vitesse, et l'autre est la détermination de cette motion vers certain côté (2). » N'estil pas clair que le changement le moindre possible

(1) Mémoire de l'Acad. 1744.

(2) OEuv., t. IX, p. 197.

de vitesse et de direction dans le choc enferme le

principe de moindre action?

Si donc, contre l'opinion de Descartes, il ne se conserve pas la même quantité absolue de mouvement dans l'univers, il s'en conserve la même quantité dans le même sens. Il se conserve la même quantité de force vive dans les mouvements astronomiques, c'est-à-dire dans les mouvements majeurs de la nature. Car il est aujourd'hui reconnu qu'emporté dans l'espace, notre système planétaire fait partie d'un système plus vaste, tournant avec d'autres systèmes solaires autour de leur centre commun de gravité. Celui-ci de même fait sans doute partie d'un autre, ainsi successivement, et tout se ramène à un système unique, qui embrasse la création entière. La force vive varie, il est vrai, mais périodiquement, et pour reprendre la même valeur, lorsque les systèmes repassent par la même position. Au reste, cette variation de la force vive ou du carré de la vitesse, prouve que la force ellemême ne varie pas, mais qu'elle se déploie plus ou moins, selon les besoins de la nature. Autrement d'où viendraient une pareille destruction et une renaissance pareille? Il se conserve la quantité moyenne de ces mouvements majeurs; cela ressort de la périodicité de la force vive, dont on vient de parler, et puis de la conservation des aires. La somme des produits des masses par les aires étant

proportionnelle au temps et à la moyenne distance, la vitesse est constante et le mouvement aussi. Enfin il s'y conserve la même économie d'action.

Voilà ce que portait l'idée d'égale quantité de mouvement dans l'univers, ou, pour aller au fond, l'idée que, sous cette infinité de phénomènes particuliers qui semblent se succéder au hasard, régnent des lois générales et immuables que saisit la géométrie.

Par la théorie du pendule (1) et par celle des forces centrales appliquée au cercle (2), Huyghens soumet au calcul le mouvement curviligne. Nous passons les attaques sans fondement de l'abbé Catalan contre sa détermination du centre d'oscillation. Newton, qui paraît aussi de son côté, dès 1665 ou 1666, avoir calculé le mouvement dans le cercle, l'étend en 1682 à une courbe quelconque (3). En 1689, Leibnitz, au moyen du calcul différentiel, le détermine dans les sections coniques (4). Lagrange (5) a remarqué qu'il prend la force centripète ou centrale sur la courbe polygone, et

(1) De horologio oscillatorio, 1673.

(2) De vi centrifuga, 1673, imprimé à la suite de l'ouvrage précédent. (3) Princ. math., liv. I. An. 1687.

(4)

«Tentamen de motuum cœlestium causis. » Op., t. III, p. 213.

(5) Manuscrits déposés à la bibliothèque de l'Institut, t. III, lettre E, analyse des forces centrales.

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