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« La réflexion est parfaitement juste, dit Delambre, après avoir cité ce passage. Descartes est le premier qui l'ait faite. Jamais nous ne voyons un astre où il est, mais où il était quand il nous a envoyé le rayon qui vient frapper notre œil. La conséquence qu'il en déduit est cependant inexacte. Les éclipses arrivent comme elles sont annoncées, parce que les tables du soleil et de la lune sont calculées d'après les observations, et renferment nécessairement l'effet dont parle Descartes... Il faut trois quarts d'heure environ à la lumière pour venir de Jupiter au soleil, et huit minutes du soleil à nous; mais la terre peut être en avant ou en arrière du soleil de tout le rayon de l'orbite terrestre; les éclipses des satellites de Jupiter peuvent donc être avancées ou retardées pour nous de huit minutes; l'effet total est de seize minutes; c'est ce qui a donné la mesure de ce mouvement de la lumière. Descartes n'a pas approfondi son idée, il n'en a pas suivi toutes les conséquences; la seule conclusion qu'il ait tirée pouvait se réfuter aisément. Mais qui nous dira si cette phrase, à laquelle personne n'a fait attention, n'a pas conduit Roemer à sa belle découverte, confirmée depuis par l'aberration des fixes, qui n'est qu'une suite du principe de Descartes. Personne, que je sache, n'avait encore fait cette remarque sur une ligne tracée en passant par un homme de génie, et qui, mûrement consi

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dérée, aurait pu hâter une découverte qui a longtemps manqué à la perfection de l'astronomie (1). »

Newton observe fort bien que « si la lumière ne consistait que dans une pression propagée sans mouvement actuel, elle ne serait pas capable d'agiter et d'échauffer les corps qui la rompent et la réfléchissent (2). » Il aurait dû ajouter qu'elle ne produirait point la sensation qui la manifeste, et qu'elle resterait invisible, ou, ce qui revient au même, qu'elle n'existerait point. Pour exciter la rétine il faut un choc quelconque, et dès lors un mouvement; il faut donc que le milieu par lequel elle se communique soit élastique. C'est ce que Huyghens soutient au commencement de son traité sur la lumière. Il est vrai qu'il croit inutile de décider quelle est la cause du ressort, comme s'il pouvait résulter d'autre chose que de la force ou des forces qui unissent les parties. Malebranche, dans le dernier éclaircissement de la Recherche de la Vérité, consacré à la lumière, considère les boules du second élément comme de petits tourbillons; il s'étonne que Descartes ait pu croire leurs parties en repos.

Newton (3) suppose des particules qui émanent des corps lumineux, principalement du soleil ;

(1) Hist. de l'ast. mod., t. II, p. 203.

(2) Opt., quest. 28.

(3) Opt., questions.

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LE CARTESIANISME.

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at et agitent l'éther, où elles produiulations par lesquelles elles sont à tées. Dans la question 12, il semble articules frappent l'oeil et donnent la es rayons de lumière venant à tomber l'oeil, n'excitent-ils pas dans la rétine s qui, étant propagées le long des s des nerfs optiques jusque dans le sent la sensation de la vue? >> Dans la au contraire, il attribue cette sensa. lations de l'éther: « La vision n'estipalement produite par les vibrations excitées dans le fond de l'oeil par les mière, et propagées par les fibrilles manes et uniformes des nerfs optiques des sensations? >>

aque avec force; il lui demande (1) e s'épuiserait pas en jetant de tous fleuves de matière lumineuse; si l'on rer l'énergie qu'il faudrait pour imparticules cette vitesse inconcevable e la lumière vient du soleil jusqu'à nous utes de temps; si leur masse qui remet qui est si prodigieusement agitée, it pas la marche des planètes et n'emas autant le mouvement des comètes

e princesse d'Allemagne, t. I, lett. 17, 18.

que les tourbillons, contre lesquels Newton argumentait de cet obstacle avec une si grande confiance. «Un autre inconvénient, ajoute Euler, qui ne paraît pas moins grand, est que non-seulement le soleil lance des rayons, mais que toutes les étoiles en lancent aussi; et puisqu'il y aurait partout des rayons du soleil et des étoiles qui se rencontreraient, avec quelle impétuosité devraient-ils se choquer les uns les autres! combien leur direction devrait en être changée ! Cette rencontre des rayons devrait avoir lieu pour tous les corps lumineux qu'on voit à la fois; cependant chacun paraît distinctement, sans souffrir le moindre dérangement de la part des autres : preuve bien certaine que plusieurs rayons peuvent passer par le même point, sans se troubler réciproquement, ce qui semble inconciliable avec le système de l'émanation. En effet, qu'on fasse rencontrer deux jets d'eau, on verra qu'ils se troublent terriblement dans leur jeu, par conséquent on doit en conclure que le mouvement des rayons de lumière est trèsessentiellement différent de celui des jets d'eau, et en général de toutes les matières lancées. >>

Néanmoins ce système a toujours été en crédit, parce que sans doute il venait de celui qui avait le premier calculé les mouvements des astres, et aussi parce qu'il expliquait avec une apparente facilité quelques phénomènes; mais il est aujour

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d'hui tombé devant le système des ondes, par lequel Young et Fresnel ont plus avancé l'optique en quelques années, que leurs prédécesseurs pendant un siècle. Pour montrer la supériorité des ondes sur l'émission, il faudrait discuter les diverses questions, c'est-à-dire composer, en quelque sorte, un ouvrage sur la lumière, ce qui n'entre point dans notre plan; mais il suffit que nous fassions parler l'opinion dominante.

« La loi de la réfraction simple, dit M. Lamé, est en défaut lorsque la lumière pénètre dans les cristaux bi-réfringents; le fait de la réflection se complique quand il s'agit de la lumière polarisée, puisqu'il existe, pour cette espèce de lumière, des circonstances où elle échappe à la réflection, et se réfracte en totalité ; enfin nous citerons des phénomènes pour lesquels la lumière semble se propager en ligne courbe. Ainsi les trois principes qui servent de base à l'optique géométrique ne peuvent être adoptés d'une manière absolue. L'ancienne théorie de l'émission était totalement impuissante pour rendre compte de ces exceptions; les hypothèses subsidiaires dont il fallait étayer l'idée fondamentale étaient aussi nombreuses que les phénomènes nouveaux qu'il s'agissait d'expliquer; en sorte que ces hypothèses ne faisaient que transformer l'énoncé des faits, sans établir entre eux aucune liaison nécessaire.

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