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qui ne souffre aucune modification finie, et les choses ou l'individuel, qui n'en souffrent aucune infinie? « Puisque tout être fini, dit Condillac, doit être déterminé par une cause finie, quelque effort que fasse Spinosa pour prouver que tout est déterminé par Dieu, il ne peut empêcher qu'il n'y ait, selon son système, deux ordres de choses tout à fait indépendants premièrement, l'ordre des choses infinies qui suivent toutes de la nature absolue de Dieu, ou de quelqu'un de ses attributs modifiés d'une modification infinie; en second lieu, l'ordre - des choses finies qui suivent toutes les unes des autres, sans qu'on puisse remonter à une première cause infinie qui les ait déterminées à exister. . Comment ces deux ordres de choses pourraientils ne constituer qu'une seule et même substance (1)?» Spinosa est donc réduit à soutenir qu'ils le font parce qu'ils le font; car que trouver de plus dans cette assertion, que « tout est déterminé par la nécessité de la nature divine à exister et à agir d'une certaine façon (2); » et dans ces expressions barbares que Dieu est « la nature naturante, et les ètres finis la nature naturée (3)? »

(1) Traité des syst., comment. sur la prop. 29.

(2) « In rerum natura nullum datur contingens; sed omnia ex necessitate divinæ naturæ determinata sunt ad certo modo existendum, et operandum.» Eth., pars 1, prop. 29.

(3) Natura naturans, natura naturata. » Ibid., schol.

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Tel est le résultat de ses efforts; il veut révéler en Dieu une perfection inouïe, et il lui ôte celle qui est indispensable à tout être, il lui ôte l'existence propre.

Que Descartes, qui leur a donné l'exemple, tente d'expliquer le monde physique, il n'est pas plus heureux. De quelque façon qu'il combine les parties de l'étendue de toutes les grandeurs, de toutes les figures, de tous les mouvements, il ne parviendra jamais à montrer comment les animaux et les plantes croissent, se nourrissent et meurent, comment le fer est attiré par l'aimant, comment le feu brûle. Il remarque quelques-unes des circonstances, des conditions où ces propriétés se manifestent; mais quant à leur cause même, quant à ce qui les constitue, c'est un secret auquel il ne lui est pas donné de mordre.

Leibnitz ne cesse de traiter la philosophie de Descartes d'antichambre de la vérité. Va-t-il, lui, nous introduire dans le sanctuaire? Il prétend tirer les corps et les esprits de ses monades; il prouve à merveille qu'aucun d'eux n'est privé de force. Mais la force, en se modifiant, donnet-elle le minéral, le végétal, l'être pensant? Leibnitz suppose que la monade destinée à être l'âme raisonnable enveloppe la raison dès le commencement du monde, ou qu'à la naissance de l'homme, elle la reçoit par une opération par

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ticulière de Dieu, par une espèce de transcréation (1). » Il ne s'explique point sur la monade qui doit prendre l'organisme de l'animal, ni sur celle qui doit prendre l'organisme de la plante. Peutêtre pensait-il que la première porte en germe la sensibilité, et la seconde la végétation. Alors il n'aurait point à prouver que la même force produit les ètres des trois règnes. Mais il serait toujours obligé de dire ce qui fait que la force a telle propriété dans le minéral, telle autre dans la plante, telle autre dans l'animal, telle autre dans l'individu pensant. Est-ce sérieusement qu'il veut expliquer l'union de l'âme avec le corps ou en général les rapports des créatures, l'action des unes sur les autres, par l'harmonie préalable, qui rompt toute communication, tout lien entre elles, et les établit dans une indépendance et une séparation complètes, « chacune agissant comme si, par impossible, les autres n'existaient point (2)? »

Malebranche est sûr de dissiper les mystères avec ses lois générales. « 1° Lois générales de la communication des mouvements, desquelles lois le choc des corps est la cause occasionnelle ou naturelle. C'est par l'établissement de ces lois que Dieu a communiqué au soleil la puissance d'éclairer, au

(1) Théod., art. 91 et 397.

(2) Op., t. II, pars 1, p. 29, art. 84.

feu celle de brûler, et ainsi des autres vertus qu'ont les corps pour agir les uns sur les autres; et c'est en obéissant à ses propres lois que Dieu fait tout ce que font les causes secondes.

« 2° Lois de l'union de l'âme et du corps, dont les modalités sont réciproquement causes occasionnelles de leurs changements. C'est par ces lois que nous avons la puissance de parler, de marcher, de sentir, d'imaginer et le reste, et que les objets ont par nos organes le pouvoir de nous toucher et de nous ébranler. C'est par ces lois que Dieu nous unit à tous ses ouvrages.

« 3° Lois de l'union de l'âme avec Dieu, avec la substance intelligible de la raison universelle, desquelles lois notre attention est la cause occasionnelle. C'est par ces lois que l'esprit a le pouvoir de penser à ce qu'il veut et de découvrir la vérité (1). »

Qu'on nous interroge maintenant sur ces grandes questions, nous voilà en mesure de répondre. Par quoi le soleil peut-il éclairer et le feu brûler? par la loi générale de la communication des mouvements, en vertu de laquelle Dieu éclaire dans le soleil et brûle dans le feu. Par quoi pouvonsnous marcher, parler, sentir, imaginer, et pourquoi les objets peuveut-ils nous toucher et nous

(1) Entret. xIII, 9. — Rép. à Arn., t. III, p. 155.

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générale de l'union de l'âme u de laquelle Dieu marche, en nous, nous touche et nous ets. Par quoi avons-nous la et de découvrir la vérité? par union de l'âme avec Dieu, la e de la raison universelle, en Dieu pense en nous et découé. En d'autres termes, pourassent-elles ainsi? parce que choses. Ce qui revient à dire umière, le feu feu, l'esprit esnaturante et la nature naturée squelles il croit expliquer la ent, dans les substances, l'uniividuel pour les former, coms viennent des idées qui les

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s générales, les seules, suivant l'expérience nous apprennent, es, qui nous sont découvertes lebranche prétend lever ceri se rencontrent dans le gouvers par la Providence. nérales qui donnent aux anges uvoir sur les corps, substances nature. C'est par l'efficace de ges ont gouverné le peuple juif,

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