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branche, que toutes les créatures sont égales devant Dieu et nulles par rapport à lui. Car que la quantité x" devînt tout à coup pensante, ou capable de réfléchir sur soi pour se saisir et se connaître, elle verrait que s'ajouter ou se retrancher l'une plutôt que l'autre de ces quantités mx” dx, m (m—1) x”—2dx3, m (m—1) (m—2) x”—3dx3, etc., ou toutes ensemble, c'est ne s'augmenter ni se diminuer absolument en rien; qu'ainsi elles sont toutes égales à son égard, puisqu'elle n'est pas plus changée par les unes que par les autres, et qu'à son égard elles sont nulles, puisqu'elle ne reçoit aucun changement de leur ensemble. Cependant la distance des créatures à Dieu est plus grande encore que celle de mx-1 dx, m(m—1) xTM-2dx3, m(m—1) (m—2) xTM▬3dæ3, etc., à x”. Après tout, mx-'dx, m(m—1) x” ̃3dx3, m(m—1) (m—2) xTM-3dx3, etc., sont les racines transcendantes de x", et y ramènent par l'intégration; au lieu que les créatures n'ont avec Dieu que le rapport d'être représentées dans ses idées éternelles, sur lesquelles elles ont été faites. Elles sont séparées de lui par l'infini absolu, au lieu que les différentielles ne sont séparées de leur fonction que par un infini relatif.

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De là il suit rigoureusement qu'aucun motif venant des choses créées ne peut avoir déterminé Dieu à leur communiquer l'être, ni à préférer

celles qui l'ont à celles qui ne l'ont pas. Sous ce rapport, il est dans la plus complète indifférence, et on ne parvient à l'en sortir qu'en abolissant son infini absolu et leurs infinis relatifs, et en le confondant lui-même avec elles. Mais alors il ne s'agit plus de création, à moins de supposer que Dieu se crée soi-même. Tout ce qui est possible existe, sans quoi il y aurait un vide dans l'existence divine. Comme Spinosa prend en pitié ceux qui assurent que Dieu ne fait pas tout ce qu'il peut! '« S'il eût créé, disent-ils, tout ce qui est dans son entendement, il ne pourrait plus rien créer, ce qu'ils croient répugner à sa toute-puissance; voilà pourquoi ils aiment mieux l'établir indifférent à tout et ne créant que ce qu'il a résolu de créer par une volonté absolue. Mais je pense avoir assez clairement montré que toutes choses ont émané ou émanent de sa nature infinie, avec la même nécessité qu'il suit et suivra éternellement de la nature du triangle, que ses trois angles égalent deux droits. Aussi cette toute-puissance fait de toute éternité et fera éternellement tout ce qui est en elle. Et c'est, je pense, en donner une idée bien plus parfaite. Que dis-je ? les ennemis de la puissance de Dieu, semblent même la nier. Ils sont forcés d'avouer que Dieu ne pourra jamais créer une infinité de choses qu'il conçoit créables, parce que s'il les créait, il épuiserait, suivant eux, sa toute

puissance et se rendrait imparfait. Donc, pour qu'il soit parfait, il ne doit pouvoir faire tout ce à quoi s'étend sa toute-puissance. Peut-on imaginer rien de plus absurde ou qui choque davantage la toute-puissante divine (1) ?» Mais là même Spinosa nie que Dieu ait un entendement et une volonté, ajoute qu'il le prouvera plus loin, et cherche à le faire dans le 2e corollaire de la 32o proposition. Plusieurs fois j'ai expliqué que pour lui, Dieu n'est que l'universel ou l'essence des choses; et leur existence formant l'existence de Dieu ou de l'être nécessaire, il est contradictoire que les choses ou une partie des choses, c'est-à-dire que l'être nécessaire ou une partie de l'être nécessaire,

(1) « Si omnia inquiunt, quæ in ejus intellectu sunt, creavisset, nihil tum amplius creare potuisset, quod credunt Dei omnipotentiæ repugnare; ideoque maluerunt Deum ad omnia indifferentem statuere, nec aliud creantem præter id, quod absoluta quadam voluntate decrevit creare. Verum ego me satis clare ostendisse puto, a summa Dei potentia, sive infinita natura infinita infinitis modis, hoc est, omnia necessario effluxisse, vel semper eadem necessitate sequi; eodem modo, ac ex natura trianguli ab æterno, et in æternum sequitur, ejus tres angulos æquari duobus rectis. Quare Dei omnipotentia actu ab æterno fuit, et in æternum in eadem actualitate manebit. Et hoc modo Dei omnipotentia longe, meo quidem judicio, perfectior statuitur. Imo adversarii Dei omnipotentiam (licet operte loqui) negare videntur. Coguntur enim fateri, Deum infinita creabilia intelligere, quæ tamen nunquam creare poterit. Nam alias, si scilicet omnia, quæ intelligit, crearet, suam, juxta ipsos, exhauriret omnipotentiam, et imperfectum se redderet. Ut igitur Deum perfectum statuant, eo rediguntur, ut simul statuere debeant, ipsum non posse omnia efficere, ad quæ ejus potentia se extendit, quo absurdius, aut Dei omnipotentiæ repugnans, non video, quid fingi possit. » Eth., pars 1, prop. 17, schol.

n'existe point. Mais que deviennent l'infini absolu de Dieu et l'infini relatif des créatures? La capacité qu'a Dieu d'exister étant remplie par l'existence des créatures, l'existence des créatures épuisant leur possibilité, il n'est plus d'infini nulle part. Les essences se confondent avec les existences, rien n'est possible que ce qui est, et ce qui est n'est point la plénitude de l'être, l'être nécessaire, lequel rend possible une infinité de choses qui n'existent pas. Or, sans l'être nécessaire, qui seul de soi brave le néant, le néant engloutit

lout.

N'est-ce pas dans cet extrême que tout à l'heure Descartes a été précipité, en chassant la raison de la pensée divine? Il ne bannissait la raison que parce qu'il bannissait l'infini, ne croyant pas que Dieu, avant de créer les choses, pût en avoir les idées, sans perdre l'indépendance suprême. Spinosa bannit pareillement la raison avec l'infini de la pensée divine, quoiqu'il ne songe pas plus que Descartes à bannir l'infini, car personne peut-être n'en parle autant que lui par rapport à Dieu. Ainsi ils se rencontrent dans le fond et ne diffèrent que pour le but. L'un frémit à l'idée de la fatalité et veut l'éviter à tout prix, tandis que l'autre court à elle triomphalement. Qu'on supprime le mot volonté, et Descartes, qui, à son insu, pense comme Spinosa, parlera comme lui.

Spinosa ravità Dieu la volonté avec l'entendement; Descartes ne lui ôte que l'entendement, et c'est pour étendre et exalter la volonté. Mais comme par là il la résout en une puissance aveugle, il tombe dans les principes de Spinosa, ou plutôt il les lui pose et ne lui laisse que d'en tirer intrépidement les plus révoltantes, mais les plus exactes conséquences.

Donc point de milieu: il faut reconnaître qu'il n'y a rien d'existant ni de possible, et rien de possible parce qu'il n'y a rien d'existant, ou avouer une cause première telle qu'elle est, avec l'entendement, la volonté et l'infini, qui lui sont propres. Qu'on prenne ce dernier et inévitable parti, et les raisonnements de Spinosa tombent d'eux-mêmes. Il est si peu contraire à la puissance divine de n'avoir point créé tout ce qui est possible, que c'est précisément dans l'impossibilité de le faire que consiste son infinité.

«Cependant, dit Spinosa, vous ne nierez point qu'elle ne soit éternellement en acte (1), non plus que l'intelligence et la volonté qu'il vous plaît d'admettre en Dieu (2). » Non sans doute; et c'est pourquoi éternellement la puissance produit l'intelligence, l'intelligence la volonté, la volonté l'union de l'intelligence et de la puissance. Il est

(1) Eth., part. i, prop. 17, scol.

(2) Ibid., prop. 33, scol. 2.

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