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LE CARTESIANISME.

l'anaclastique qu'il cherche; et pour l'hyperbole, je me souviens fort bien qu'il prétend démontrer expressément que ce n'est pas elle non plus, bien qu'il dise qu'elle n'est pas beaucoup différente. Or, je vous laisse à penser si je dois avoir appris qu'une chose fût vraie d'un homme qui a tâché de prouver qu'elle était fausse (1). » Et comment Képler les aurait-ils trouvées, puisqu'il manquait de la loi de la réfraction sur laquelle elles reposent? Ces deux sections coniques supposent les rayons parallèles, ce qui, malgré l'énorme distance du soleil, n'est pas rigoureusement vrai. Descartes a conçu des ovales qui portent son nom, et qui réunissent les rayons obliques ou partant d'un même point. Huyghens s'est beaucoup étendu sur ces courbes, alors curieuses (2).

Descartes se sert aussi de cette loi pour expliquer l'arc-en-ciel. Cette explication lui est pareillement contestée : « A l'égard de l'arc-en-ciel, dit Leibnitz, il doit beaucoup à M. Antoine de Dominis (3). » Jusqu'à un certain point, on peut l'admettre. Mais Newton va plus loin: «Quelques anciens avaient compris que l'arc-en-ciel est formé par la réfraction de la lumière du soleil dans des

(1) OEuv., t. VII, p. 161.

(2) Traité de la lumière, chap. VI.

(3) « Circa iridem, a M., Antonio de Dominis non parum lucis accepit. » Op., t. V. p. 394.

gouttes de pluie. C'est ce qui a été pleinement découvert et expliqué dans les derniers temps, par le fameux Antoine de Dominis, archevêque de SpaTato, dans son livre De radiis visus et lucis, publié à Venise en 1611, par son ami Bartolus, mais composé plus de vingt ans auparavant. Car il montre dans ce livre comment l'arc-en-ciel intérieur est produit dans des gouttes rondes de pluie par deux réfractions de la lumière solaire et une réflection entre deux, et l'extérieur par deux réfractions et deux sortes de réflections entre deux, qui sont faites dans chaque goutte de pluie; vérifiant ses explications par des expériences qu'il fait avec une fiole pleine d'eau, et avec des boules de verre remplies d'eau et exposées au soleil pour y faire voir les deux couleurs des arcs, l'extérieur et l'intérieur. Descartes, qui a suivi cette explication, a corrigé celle de l'arc extérieur (1). »

Voici l'analyse de l'écrit de de Dominis, faite par Montucla. J'en ai vérifié l'exactitude. «< Soit hasard, soit expérience méditée, il remarqua qu'en tenant à une certaine hauteur au-dessus de l'œil et à l'opposite du soleil, une boule de verre pleine d'eau, on en voit jaillir de la partie inférieure un trait de lumière diversement coloré, suivant que l'on hausse ou baisse la boule un peu plus ou un peu

(1) Opt., liv. I, part. 11, prop. 9, probl. 4.

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moins. Cela le conduisit à reconnaître qu'il y avait un rayon solaire qui pénétrait la partie supérieure de la boule, à l'égard de la ligne tirée du soleil par le centre, qui allait frapper le fond de la boule et, s'y réfléchissant, sortait par la partie inférieure, pour porter à l'œil l'impression des couleurs qu'on remarque dans l'iris; à l'égard de ces différentes couleurs, il les expliquait ainsi. Les rayons rouges étaient, selon lui, ceux qui en sortant étaient les plus voisins de la partie postérieure de la goutte, parce que c'étaient ceux qui traversaient le moins d'eau, et qui conservaient le plus de force; car on a été persuadé de tout temps, et non sans quelque raison, que la lumière qui avait le plus de vivacité produisait le rouge. Les rayons verts et bleus, au contraire, étaient ceux qui sortaient par une partie de la goutte, plus éloignée du fond, et les autres couleurs étaient, suivant l'opinion alors reçue, uniquement formées du mélange des trois premières.

<< Marc-Antoine de Dominis remarquait ensuite que tous les rayons qui donnent une même couleur, sortant d'un endroit semblablement situé à l'égard du fond de la goutte, centralement opposé au soleil, ils doivent former avec l'axe tiré du soleil, par l'œil du spectateur, des angles égaux. De là vient que les bandes des couleurs paraissent circulaires. Mais les rayons rouges sortant, dit-il, de

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us voisine du fond de la goutte, ils avec cet axe un angle plus grand; oi ils paraîtront les plus élevés, et la era l'extérieure. Après elle viendront unes, vertes, bleues, par une raison e Dominis confirmait son explication Le d'une boule de verre pleine d'eau,

au soleil, et regardée de la manière présente les mêmes couleurs, et dans re, à mesure qu'on la hausse ou qu'on

at cela, nous le répétons ici, est explimanière si obscure et si embrouillée; 5 grande partie du livre de de Dominis nt d'ignorance en optique, qu'on ne 'étonner que le premier essai d'explià des plus beaux phénomènes de la été réservé à un physicien de cette effet, on le voit, dans un endroit de son ire du cristallin l'organe immédiat de la r la réfraction des rayons dans les hul'oeil, parce que, dit-il, si cela était, la continuellement dans l'erreur. Il entreme de le prouver. Ce qu'il dit sur les la vue, tant chez les vieillards que chez gens, sur les moyens dont on y remédie et des télescopes, est tout aussi pitoyable. manière dont il expose la marche des

rayons solaires entrant dans une goutte d'eau, et en sortant, donnerait lieu de douter qu'il ait connu la seconde réfraction qu'ils éprouvent à leur sortie.

« On doit donc se borner à reconnaître que Marc-Antoine de Dominis entrevit le vrai fonde-ment de l'explication de l'iris intérieur. Mais en lui accordant même d'avoir reconnu les deux réfractions et la réflection qui sont nécessaires pour la produire, on serait encore dans l'erreur si l'on pensait qu'il en eût donné l'explication complète. Il y a encore diverses observations à faire pour en rendre parfaitement raison. C'est ce que fit dans la suite Descartes, en examinant de plus près la route des petits faisceaux de lumière qui pénètrent la goutte, et surtout en déterminant quel était celui qui avait seul les conditions nécessaires pour pouvoir porter à l'œil du spectateur une impression sensible. On doit dire enfin que cette explication n'a reçu sa dernière perfection que de la découverte de la différente réfrangibilité de la lumière.

<<< Mais si Marc-Antoine de Dominis a fait un pas vers l'explication de l'arc-en-ciel intérieur, il s'en faut beaucoup qu'il mérite le même éloge pour son explication de l'arc-en-ciel extérieur. Il manque ici tout à fait le vrai chemin. Il ne soupçonna pas un mot de la double réflection que souffre dans la goutte le rayon solaire produisant le second iris.

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