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un degré donné d'incidence, va tomber précisément sur la division donnée par le théorème; c'est donc un moyen de vérifier la règle, et non pas un moyen de la découvrir, quand on n'en a aucune idée.

« 2o Descartes n'avait fait alors aucune expérience, si ce n'est cinq ans auparavant, avec une lentille qui rassembla tous les rayons du soleil, tout juslement à la distance prédite. L'expérience réussit, mais Descartes ne sait si c'est par hasard, ou parce que sa ratiocination avait été juste.

«3° Cette ratiocination était connue de l'anonyme, puisqu'il lui dit: Suivant la ratiocination que vous savez. Il lui avait donc confié une découverte qu'il ne donnait à Mersenne que sous le sceau du secret; mais ne serait-ce pas sa démonstration qu'il donne avec cette précaution? Il ne paraît pas attacher la moindre importance à ce théorème; aucun de ses adversaires ni de ses amis n'en parle, ni pour le vanter, ni pour le contester à Descartes. Il paraît seulement que Fermat avait commencé par le ré– voquer en doute. N'en pourrait-on pas induire qu'il n'y avait aucune prétention, et que c'était une chose bien connue? Ce pouvait être une vérité trouvée par expérience, et admise sans réclamation; il ne restait plus qu'à la démontrer; chacun proposait son explication, et c'est sur ce point seulement qu'on était divisé.

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<«< Un anonyme qui a chargé de notes l'édition des lettres que je cite, et qui est de la bibliothèque de l'Institut, conjecture que la lettre a été écrite à Golius en 1632. Ce Golius était professeur à Leyde; il n'est pas étonnant qu'il connût le théorème de Snellius; Descartes a pu lui dire qu'il savait la manière de diviser les règles de l'instrument; ne serait-ce pas même ce Golius qui l'aurait apprise à Descartes, qui, en reconnaissance, lui indique un moyen pour le vérifier.

«Dans la soixante-treizième lettre à Mersenne (1), il dit : « Pour la façon de mesurer la réfraction de <«< la lumière instituo comparationem inter sinus

angulorum incidentiæ et angulorum refractorum. <<< Mais je serais bien aise que cela ne fût pas en<«< core divulgué, parce que la première partie de << ma dioptrique ne contient que cela seul...>>

<< Si Descartes a véritablement trouvé ce théorème, ce qui est très-possible, quoiqu'il n'en dise rien, comment ne nous a-t-il donné aucun développement d'une découverte que plusieurs auteurs avaient inutilement cherchée? Képler n'avait pu la trouver; il s'était contenté d'une approximation qui lui parut suffisante tant que l'angle ne passait pas 30 degrés. Il croyait que l'angle de réfraction était le tiers de l'angle d'inclinaison, ce qui n'est

(1) OEuv., t. VI, p. 232, juin, 1633.

vrai que des sinus. Si Descartes l'a trouvé, ce n'est pas par observation, car il nous dit qu'il n'en a fait aucune, si ce n'est pour s'assurer qu'en effet la règle était juste.Comment avait-il trouvé cette règle? personne n'en sait rien. Mais Descartes avait lu le livre de Vitellon; il avait lu la table de réfraction donnée par cet auteur; il a pu faire le calcul que j'ai fait, longtemps après, sur cette table, comme sur celle de Ptolémée; il a a pu facilement reconnaître que le rapport des sinus est constant dans le verre comme dans l'eau. Après avoir connu ce rapport, par son calcul, il a voulu voir s'il était vrai; il l'aura trouvé tel sur un angle ou deux, il ne parle que d'un, et il n'aura pas été plus loin, et il se sera mis à philosopher sur la cause... Malgré ces conjectures, je suis loin de contester cette découverte à Descartes; c'est même la lui accorder que de dire qu'il y a été conduit par la table de Vitellon. C'est peut-être ainsi que Snellius y est parvenu (1). »

Comme le dit Delambre, il semble que la ratiocination dont Descartes parle à Golius, et la façon de mesurer la réfraction de la lumière, dont il demande le secret à Mersenne, parce que la première partie de sa dioptrique ne contient que cela, doive s'entendre de la démonstration, et non de la découverte, qui ne paraît pas être nouvelle. Dans ce cas

(1) Hist. de l'Astronomie mod., t. II, p. 225.

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même, il ne faudrait pas s'imaginer que Snell aurait tout fait. Quoique le théorème de Snell et celui de Descartes reviennent au même pour le fond, il ne s'ensuit point que celui qui connaît l'un, doive immanquablement parvenir à la connaissance de l'autre. Pour cela il faut avoir l'idée de comparer les sinus; or il paraît qu'elle est loin de s'offrir tout d'un coup, puisqu'elle a échappé aux efforts d'un Képler, à ceux de Snell, qui n'était pas un esprit ordinaire, qui sans doute comprenait le peu de commodité des sécantes, et qui avait l'avantage de pouvoir s'appuyer sur cette invention pour s'élever à l'autre, enfin, puisque personne n'y a songé que Descartes. Le sentiment public de cette difficulté expliquerait encore bien pourquoi on ne lui reprocha point d'avoir volé Snell; on voyait que, dans son théorème, il ajoutait une découverte réelle, et pour ainsi dire la véritable, à la découverte de celui-ci. Telle est peut-être aussi sa prétention dans les passages des deux lettres. Au surplus, par leur extrême vague, ils se prêtent avec autant de facilité à ce dernier sens qu'au premier. Delambre, malgré sa prévention contre Descartes, conclut pour l'invention. Ainsi des trois hypothèses possibles, savoir, qu'il est parti de Képler, ou de Vitellon, ou de Snell, en adoptant même la dernière, qui est la plus défavorable, Descartes aurait encore une grande part à la découverte. Nous ne dirons

pas qu'il l'aurait purgée de la pitoyable erreur que Snell y mêlait, de croire que le rayon perpendiculaire se réfracte aussi ou se raccourcit (1), c'était trop aisé; mais il est plaisant d'entendre Vossius lui imputer cette correction comme une méprise (2).

Descartes se sert de la loi pour déterminer les surfaces propres à concentrer dans un point unique les rayons. On sait que l'ellipse, dont le grand axe et la distance des foyers ont le même rapport que les sinus d'incidence et de réfraction de l'air dans le verre, jouit de cette propriété, ainsi que l'hyperbole, dont le premier axe et la distance des foyers sont dans le rapport des sinus d'incidence et de réfraction du verre dans l'air. Cependant les verres elliptiques et hyperboliques ne corrigent que l'aberration de sphéricité, et laissent subsister l'aberration de réfrangibilité, ignorée par Descartes. On veut encore qu'il les ait empruntés de Képler. Sa réponse est sans réplique. «< Celui qui m'accuse d'avoir emprunté de Képler les ellipses et les hyperboles de ma dioptrique, doit être ignorant ou malicieux; car pour l'ellipse, je n'ai pas mémoire que Képler en parle, ou s'il en parle, c'est assurément pour dire qu'elle n'est pas

(1) « In radio perpendiculari effectum refractionis, seu, ut falso opina- . tur, decurtationem radii visorii agnoscat. » Hugenii dioptrica, p. 3. (2) Resp. ad. John. de Bruyn., 32.

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