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tres choses (1). Et ailleurs il n'hésite point à déclarer «qu'il a été aussi libre à Dieu de faire qu'il ne fût pas vrai que toutes les lignes tirées du centre à la circonférence fussent égales, comme de ne pas créer le monde (2). » Conséquemment il ne veut point qu'on « s'arrête à examiner les fins que Dieu s'est proposées en créant le monde; car nous ne devons pas tant présumer de nous que de croire qu'il nous ait voulu faire part de ses conseils (3). » L'expression faire part de ses conseils est remarquable, signifiant que nous ne pouvons les connaître qu'autant qu'il plaît à Dieu de nous les découvrir. En effet, s'il n'a point en lui une raison qu'il consulte et que nous puissons aller consulter par la nôtre intérieurement et directement, le moyen que nous sachions ce qu'il veut, à moins qu'il ne nous le dise? Mais que devient alors le principe de la véracité divine, sur lequel nous avons vu Descartes appuyer la certitude de noś idées de Dieu et des autres choses, quand elles sont claires et distinctes? Il est renversé. Ce n'est plus seulement à l'égard des corps, mais de tout, qu'il nous faut une révélation, afin d'être certain que Dieu ne peut vouloir nous tromper. L'idée de perfection infinie, qui nous représente Dieu, cesse

(1) OEuv., t. II, p. 348. Méd. rep., obj. 6o.

(2) T. VI, p. 308. Lettres.

(3) Princ., part. 1, art. 28.

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d'ètre une garantie, dès qu'enfermée tout entière dans notre entendement, elle n'est plus contemplée dans l'entendement divin, où elle jouit d'une existence essentielle. Ici Descartes se sape luimême dans son fondement. Si Dieu ne possède point en soi une raison qu'il interroge, il agit arbitrairement, il n'a point de dessein, il n'est qu'une puissance aveugle. Descartes l'avoue touchant la nature physique, bien que, par une de ces inconséquences à lui familières, il assure que notre corps est formé avec un art au-dessus de tout ce qu'on peut imaginer (1), et que Dieu a disposé toutes choses en nombre, poids et mesure (2). « Que Dieu, dit-il, ne crée que la matière et y établisse les lois du mouvement, qu'il en compose même un chaos le plus confus et le plus embrouillé que les poëtes puissent décrire, et ces lois seront suffisantes pour faire que les parties de ce chaos se démêlent d'ellesmêmes, et se disposent en si bon ordre, qu'elles auront la forme d'un monde très-parfait, et dans lequel on pourra voir tout ce qui paraît dans ce vrai monde (3). » Or, ces lois, qui dérivent de l'essence de la matière ou de l'étendue mise en mouvement, ont une nécessité géométrique qu'elles portent dans tout ce qui se fait, puisque, d'après

(1) OEuv.,t. IV, p. 336. De l'Homme. (2) Ibid., p. 263. Le Monde, ch, vII. (3) Ibid., ch. vi, p. 250.

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alte d'elles, sans qu'il soit besoin particulière de Dieu. Que telle utons. Après quelques suppodeur et le mouvement que Dieu parties de l'étendue, il ajoute : eu de quelle façon je suppose ici été disposée aucommencement, ition doit par après être chans de la nature, et qu'à peine en r aucune de laquelle on ne puisse es lois elle doit continuellement 'à ce qu'enfin elle compose un nt semblable à celui-ci, bien que rait plus long à déduire d'une l'une autre. Car ces lois étant ère doit prendre successivement dont elle est capable, si on conoutes ces formes, on pourra enfin i se trouve à présent en ce monde. ci expressément, afin qu'on rere que je parle de suppositions, moins aucune dont la fausseté, puisse donner occasion de doudes conclusions qui en seront ti

ai : « C'est à celui qui a créé les

art. 47.

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particules de la matière qu'il appartenait de les mettre en ordre. Et s'il l'a fait, ce n'est pas agir en philosophie que de rechercher aucune autre origine du monde, ou de prétendre que les simples lois de la nature aient pu tirer le monde du chaos, quoique étant une fois fait, il puisse continuer plusieurs siècles par le secours de ces lois. Car, tandis que les planètes se meuvent en tous sens dans des orbes extrêmement excentriques, un destin aveugle ne saurait jamais faire mouvoir toutes les planètes en un même sens dans des orbes concentriques, à quelques irrégularités près de nulle importance, lesquelles peuvent provenir de l'action mutuelle entre les comètes et les planètes, et qui seront sujettes à augmenter, jusqu'à ce que ce système ait besoin d'être réformé. Une uniformité si merveilleuse dans le système planétaire doit être nécessairement regardée comme l'effet du choix. Il en est de même de l'uniformité qui paraît dans les corps des animaux; car, en général, les animaux ont deux côtés, l'un droit, l'autre gauche, formés de la même manière; et sur ces deux côtés, deux jambes par derrière, et deux bras, ou deux jambes, ou deux ailes, par devant, sur leurs épaules; et entre leurs épaules un cou qui tient par en bas à l'épine du dos avec une tête par-dessus, où il y a deux oreilles, deux yeux, un nez, une bouche et une langue, dans une égale si

tuation. Si après cela, vous considérez à part la première formation de ces mêmes parties dont la structure est si exquise, comme celle des yeux, des oreilles, du cerveau, des muscles, du cœur, des poumons, du diaphragme, des glandes, du larynx, des mains, des ailes, de la vessie d'air qui soutient les poissons dans l'eau, des membranes pellucides dont certains animaux se couvrent les yeux à leur gré et qui leur tiennent lieu de lunettes naturelles, et la formation des autres organes des sens et du mouvement; si vous joignez à ces considérations celle de l'instinct des brutes et des insectes, vous conviendrez que tout cet artifice ne peut être que l'effet de la sagesse et de l'intelligence d'un agent tout-puissant, toujours vivant et présent partout (1). » Quoique vulgaires et uniquement prises dans la physique et l'histoire naturelle, ces considérations ne manquent pas de force contre le passage de Descartes. En présentant le mouvement des planètes dans un même sens, comme une preuve de la Providence, Newton a plus raison qu'il ne croit lui-même, puisque ce mouvement fait que les variations séculaires des excentricités et des inclinaisons des orbites, sont renfermées dans d'étroites limites. S'il avait songé à l'incommensurabilité des moyens mouvements, qui ne permet

(1) Op., quest. 31. Scolie à la fin du livre des Principes.

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