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pouvez être sûr quel sera mon jugement, et vous m'obligerez fort et tous les autres géomètres en l'expliquant le plus clairement que vous le pourrez dans un traité exprès (1). » Cette lettre est du 24 août 1690. Le 10 octobre de la même année : « J'ai tâché, depuis ma dernière, d'entendre votre calculus differentialis, et j'ai tant fait que j'entends maintenant les exemples que vous en avez donnés, l'un dans la cycloïde, qui est dans votre lettre, l'autre dans la recherche du théorème de M. Fermat, qui est dans le journal de Leipsic de 1684. Et j'ai même reconnu les fondements de ce calcul et de toute votre méthode, que j'estime être très-bonne et très-utile (2). Cependant Huyghens dit encore qu'il croit avoir quelque chose d'équivalent dans cette méthode dont il a déjà parlé, laquelle sert aux tangentes et à d'autres recherches, et qui, nous le croyons, n'est que celle de Fermat abrégée, comme il semble résulter de deux morceaux du premier volume des œuvres complètes de Huyghens (3). Le 5 février 1692: « Ce que vous dites de votre calculus differentialis dans la recherche de la cy– cloïde, sans presque de méditation, me paraît incroyable. Vous apportez une nouvelle facilité au

(1) Christiani Hugenii aliorumque seculi XVII virorum celebrium exer – citationes mathematicæ et philosophicæ, 1833, p. 28.

(2) Ibid., p. 29.

(3) P. 490 et 498.

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calcul, mais point l'invention qu'il faut dans les problèmes extraordinaires, non plus que Viète par l'algèbre (1). » Enfin le langage change: Huyghens, qui reconnaît au calcul différentiel l'ayantage de la facilité, va bientôt lui reconnaître celui de l'invention. Le 22 octobre 1692 il avoue, dans une lettre à l'Hôpital, que le calcul différentiel «nous fait apercevoir souvent des vérités et des conséquences qui ne se présenteraient pas sans cela (2). Dans une autre de la même époque, il lui dit, au rapport de Fontenelle, « qu'il voit avec surprise et avec admiration l'étendue et la fécondité de cet art; que, de quelque côté qu'il tourne sa vue, il en découvre de nouveaux usages; qu'enfin il y conçoit un progrès et une spéculation infinis (3). » Voilà ce qui fait dire à Leibnitz, dans l'endroit cité de sa réponse à Wallis, sur la prééminence du calcul différentiel, que Huyghens même la reconnaît, Hugenio ipso id agnoscente. On doit déplorer que Huyghens soit mort à l'heure où son esprit s'ouvrait ainsi à la lumière, 1695; et il eût été curieux de voir ce qu'un homme qui avait tant tiré des méthodes antérieures aurait obtenu de celle-là.

La nature des différentielles excite des contes

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tations. Selon Niewentyt, « la méthode du calcul différentiel et intégral est sujette à la même difficulté que les autres; c'est que l'on y supprime des quantités infiniment petites, comme si elles étaient nulles (1), » ou qu'on regarde comme égales des quantités qui ne le sont point; car, dit-il, « les seules quantités égales sont celles dont la différence est nulle, ou égale à zéro (2). »

Leibnitz répond qu'il juge égales, non-seulement des quantités dont la différence est nulle, mais celles dont la différence est tellement petite, qu'elle ne peut être comparée avec aucune d'elles, ce qu'il explique ainsi : « Il faut concevoir, par exemple, (1) le diamètre d'un petit élément d'un grain de sable, (2) le diamètre du grain de sable même, (3) celui du globe de la terre, (4) la distance d'une fixe de nous, (5) la grandeur de tout le système des fixes, comme (1) une différentielle du second degré, (2) une différentielle du premier degré, (3) une ligne ordinaire assignable, (4) une ligne infinie, (5) une ligne infiniment infinie (3). » « Car au lieu de l'infini ou de l'infiniment petit, on

(1) « Methodum calculi differentialis et summatorii, laborare communi cum aliis difficultate, quod scilicet quantitates infinite parvæ abjiciantur quasi essent nihil. » Leibnitzii oper., t. III, p. 327

(2) « Solæ eæ quantitates æquales sunt, quarum differentia nulla est, sen nihilo æqualis. » Ibid.

(3) T. III, p. 501.

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que lorsque le point M coïncide autour duquel elle tourne, et par la différence MO des deux coorlifférence NO des deux abscisses ment nulles. Newton les suppose ernière raison des quantités éva

il, il faut entendre celle qu'ont quantités qui diminuent, non pas nouir, ni après qu'elles sont évaelle qu'elles ont dans le moment s'évanouissent (2). » Il est clair que e rapport de quantités qui s'évaanouit avec elles.

ternative d'où il ne paraît pas aisé

v. I, sect. 1, lem. xr, scol.

de sortir. Si, comme Newton, l'on s'oblige d'anéantir les différentielles, il ne reste rien à considérer; si, avec Leibnitz, on leur attribue une valeur, on ruine l'exactitude du calcul.

Comme dans le développement d'une fonction en séries, par rapport aux puissances ascendantes de l'accroissement donné à la variable, le coefficient du second terme est le coefficient différentiel du premier ordre, et qu'abstraction faite des dénominateurs, les coefficients des termes suivants sont les coefficients différentiels des autres ordres, Lagrange s'est avisé de considérer les propriétés de ces termes, sans s'inquiéter comment ils les ont (2). C'est ce qu'il appelle avoir dégagé le calcul différentiel de la considération de l'infini, et c'est ce qu'il faut appeler l'avoir détruit. Précisément on ne peut connaître les propriétés de ces termes, auxquels il donne le nom de fonctions dérivées, que par la considération de l'infini. N'est-ce pas par cette considération seule que je sais, par exemple, que ce qu'il désigne par fonction prime représente dans une courbe la tangente trigonométrique de l'angle que la tangente à la courbe fait avec l'axe des abscisses, et, dans le mouvement accéléré, la vitesse? Il paraît que Laplace tombait dans une semblable méprise (2). Rédui

(1) Fonctions analytiques et Leçons sur le calcul des fonctions. (2) Essai phil. sur les probabilités, p. 56.

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