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férentiel, « en développa la puissance avec une ardeur et une fécondité de génie inconcevables, »> suivant les expressions du mème historien. «On le vit presque aussitôt, dit-il, en montrer les applications à la théorie des courbes, dans la recherche des tangentes, à celle des osculations en géné– ral et des intersections des courbes sous des conditions données, aux questions de mécanique, dans la résolution des problèmes, tels que ceux de la chaînette, de la vélaire et de la ligne de la plus vite descente (1). » M. Biot peut ajouter, et à la théorie des forces centrales, Newton n'y ayant employé que les séries. De l'Essai sur les causes des mouvements célestes sont parties les recherches postérieures, sur le même sujet, de l'Hôpital, Varignon, Bernoulli et des autres. Les Principes mathématiques de Newton n'ont fourni que des énoncés de problèmes.

Leibnitz fut heureusement secondé par Jacques. et Jean Bernoulli, l'Hôpital et Varignon. Jacques,. qui, le premier, adopta le calcul différentiel, en comprit l'importance en 1687, dans la recherche de la courbe isochrone. A l'occasion des spirales, dont il développait la théorie, il publia, en 1691, un essai de calcul différentiel et de calcul intégral, specimen calculi differentialis (2). Dans le même

(1) Biog. univ., art. Leibnitz, t. XXXIII, p. 632. (2) Op.. t. I, p. 431 et 442.

temps, son frère vient à Paris et écrit ses Lectiones mathematica de methodo integralium, aliisque in usum Hospitalii (1), et l'Hôpital à son tour donne bientôt, 1694, l'Analyse des infiniment petits. En 1697, Jean traite des exponentielles. Trois ans après, Varignon se jette avec le nouveau calcul sur les forces centrales et sur les mouvements dans les milieux résistants, qu'il tourne de toutes les façons. 1717 voit paraître le Methodus incrementorum directa et inversa, de Taylor, où se trouve le célèbre théorème qui porte son nom, pour développer une fonction quelconque et son accroissement, au moyen de ses différentielles successives. Peu importe ici que l'auteur adopte les fluxions. Une formule analogue d'intégration avait été publiée l'année précédente par Jean Bernoulli (2). Nous passons la solution d'une multitude de problèmes plus difficiles les uns que les autres. Les indiquer offrirait peu d'intérêt, les discuter serait trop long. Les questions qui jusqu'alors ont désespéré les génies les mieux trempés, les questions qu'ils n'auraient jamais osé se proposer, sont traitées avec facilité. Dans une lettre du 22 juillet 1698, Wallis ayant dit à Leibnitz: « Le calcul différentiel n'est pas tant une chose nouvelle qu'une nouvelle manière de s'exprimer, et c'est ce que vous n'avez peut-être

(1) Op., t. III, p. 387. (2) Actes de Leipsic.

pas remarqué (1), » celui-ci lui répond : « J'avoue que ce calcul a beaucoup de rapport avec ce que vous, Fermat et d'autres aviez déjà trouvé, et qui n'était pas inconnu à Archimède lui-même. Peutêtre cependant que ce qui existe aujourd'hui constitue un progrès assez considérable, puisque déjà l'on peut arriver à ce qui auparavant était inaccessible aux plus éminents géomètres, comme Huyghens même le reconnaît. Il en est peut-être de ce calcul comme du calcul analytique appliqué aux lignes coniques ou plus élevées. Qui ne sait qu'Apollonius et d'autres anciens avaient des théorèmes qui fournissent la base des équations par lesquelles Descartes désigna plus tard ces lignes? ce n'est cependant que par la méthode de Descartes que la chose est ramenée au calcul, de façon qu'on fait commodément et sans peine ce qui auparavant exigeait un grand travail de réflexion et d'imagination. C'est ainsi que mon calcul différentiel soumet à l'analyse même les quantités transcendantes auxquelles précédemment Descartes lui-même n'avait pu l'appliquer... De sorte que ce n'est pas sans raison que j'ai avancé, qu'au moyen de cette méthode, la géométrie dépasse infiniment les limites posées par Viète et par Descartes (2).

(1) « Calculus differentialis non est tam res nova quam nova loquendi formula, utut tu id forte non animadverteris. » Op. Leib., p. 124.

(2)

<«< Fateor multa ei esse communia cum iis quæ et tibi, et Fermatio

«Il faut rendre cette justice à M. Newton, à qui la géométrie, l'optique et l'astronomie ont de grandes obligations, qu'encore en ceci il a eu quelque chose de semblable de son chef, suivant ce qu'on a su depuis. Il est vrai qu'il se sert d'autres caractères : mais comme la caractéristique même est, pour ainsi dire, une grande part de l'art d'inventer, je crois que les nôtres donnent plus d'ouverture (1). » Tout en reconnaissant sans peine ce que son invention a de commun avec celle de Fermat, de Barrow, de Newton, Leibnitz marque la différence énorme qui l'en sépare.

La supériorité de ce calcul échappe d'abord à Huyghens. Sans lui, il avait trouvé la théorie du pendule, celles des développées; sans lui, il résolvait les problèmes de la courbe isochrone, de la chaînette, queles autres résolvaient avec lui; enfin

aliisque, imo jam ipsi Archimedi erant explorata; fortasse tamen res nunc multo longius provecta est, ut jam effici possint quæ antea summis geometris clausa videbantur, Hugenio ipso id agnoscente. Perinde fere se res habet ac in calculo analytico ad lineas conicas altioresve applicato : quis non videt Apollonium, et veteres alios habuisse theoremata quæ materiam præbent æquationibus, quibus Cartesius postea lineas designare voluit? Interim methodo Cartesii res ́ąd calculum reducta est, ut jam commode ac nullo negotio fiant, quæ antea multo meditationis et imaginationis labore indigebant. Eodem modo calculo nostro differentiali etiam transcendentia analyticis operationibus subjiciuntur, quæ inde antea excluserat ipse Cartesius... Adeo ut videar non vane asseruisse geometriam hac methodo ultra terminos a Vieta et Cartesio positos in immensum promoveri.» Ibid., p. 127 et 191.

(1) Ibid., p. 301.

sans lui, ayant, pendant plus de trente ans, étonné l'Europe par ses admirables inventions, on s'explique pourquoi il est quelque temps sans le regarder, et ne l'apprécie que lorsqu'il est comme ébloui de ses merveilles. Six ans après qu'il eut été publié, «j'ai vu de temps en temps, écrit-il à Leibnitz, quelque chose de votre nouveau calcul algébraïque dans les Actes de Leipsic, mais y trouvant de l'obscurité je ne l'ai pas assez étudié pour l'entendre, comme aussi parce que je croyais avoir quelque méthode équivalente, tant à trouver les tangentes des lignes courbes, où les règles ordinaires ne servent pas, qu'en plusieurs autres recherches. Mais sur ce que vous me dites maintenant de l'usage de votre analyse et algorithme dans les lignes que Descartes excluait, j'ai envie de l'étudier à fond, si je puis, en cherchant tout ce que vous en avez donné dans lesdits Actes. Je vois qu'entre autres utilités de votre méthode, vous comptez Mehodus tangentium inversa, qui serait encore de grande importance, si vous l'aviez telle que, la propriété de la tangente étant donnée, vous en puissiez dé– duire la propriété de la courbe. » Là il propose deux valeurs de sous-tangentes que nous supprimons, parce qu'il faudrait rapporter les intégrales que Leibnitz donne, et les explications dont il les accompagne; puis il ajoute : « Si votre méthode sert ici et aux autres choses que vous dites, vous

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