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le dit ingénieufement M. l'Abbé Banier, adorer la Nature en détail, & on fit préfider une Divinité à chacune de fes parties: on divinifa même les paffions & les crimes.

2. CAUSE, La Corruption des mœurs.

Le Démon, non content de fubftituer au eulte du vrai Dieu, un fantôme de Religion, qui amufât les hommes, fit entrer dans ce fyftême tout ce qui pouvoit flatter les paffions, afin qu'on n'eût pas de honte de commettre des crimes autorisés par l'exemple des Dieux. Ainfi s'il arrivoit que quelque Princeffe eût un commerce de galanterie, on publioit, pour ména ger fa réputation, qu'un Dieu en avoit été amoureux C'eft de-là qu'on feignit que Danaé avoit été féduite par Jupiter, tandis qu'elle l'avoit été par Prœtus. De-là un Jupiter inceftueux, un Mars adultère, un Mercure voleur.

3. CAUSE, La Vanité.

La Vanité contribua encore à l'Idolatrie, en ce qu'on mit au rang des Dieux quiconque s'étoit rendu célèbre par fes exploits, ou

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utile au genre - humnain par l'invention des Arts Ainfi Efculape qui excella dans la Médecine, paffa pour être le fils d'Apollon. Ceux qui

étoient braves & courageux paffèrent pour être fils de Mars. Et comme il y eut des Princes qui prirent le nom des fleuves qui paffoient dans leurs Etats, ils furent regardés comme les Enfans de ces fleuves. Ainfi Daphné fut regardée comme la fille du Pénée, qui coule dans Ja Theffalie. A l'égard de ceux dont on igno

roit l'origine, & qui s'étoient rendu cèlèbres,

on les regardoit comme les enfans de la Terre. Il faut rapporter à cela le culte qu'on rendig aux illuftres morts par reconnoiffance. Parmi ces honneurs c'étoit l'ufage d'élever des efpè ces d'Autels dans l'endroit le plus refpectable de leurs maisons, & d'y brûler de l'encens devant leurs portraits. Bientôt on changea ces, lieux particuliers en des Temples publics, & on s'accoutuma à honorer comme des Dieux ces grands Perfonnages.

4. CAUSE,

4. CAUSE, La Crainte.

C'étoit une opinion commune que les Aftres étoient animés, & immortels, parce qu'on les voyoit toujours les mêmes, & fans altération. Et comme d'ailleurs on s'imaginoit qu'ils caufoient bien des maux par leur influence, on crut devoir les apaifer dès qu'ils paroiffoient irrités. De-là vint l'ufage de fe profterner devant le Soleil, comme les Prophètes le reprochent fouvent aux Nations. Enfin, lorfque la Sculpture eut imaginé les ftatues, l'Idolatrie fit encore plus de progrès. On porta la fuperftition jufqu'à croire que les Divinités elles-mêmes venoient habiter dans les ftatues qui les représentoient.

L'Egypte la Phenicie font regardées comme le berceau de la Fable de l'Idolatrie.

On prétend que la Fable & l'Idolatrie ont pris'naiffance en Egypte & en Phénicie dans la famille de Cham, dont les deux fils, Canaan & Mezraïm, s'établirent chacun dans un royaume, à qui ils donnèrent leur nom. Cela fe peut prouver par l'Ecriture-fainte, qui dit: Qu'en Egypte

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régnoient la Magie, la Divination, & l'Interprétation des Songes. Il femble même que Moyfe ne donna un fi grand nombre de préceptes aux Juifs, que pour les opposer en tout aux cérémonies Egyptiennes.

Quant à celui qui introduifit le prémier l'Idolatrie, c'eft un fentiment reçu que ce fut Ninus, en faisant bâtir un Temple à fon père Belus, qui vivoit l'an du monde 2700. Ainfi Ninus n'introduifit que cette efpèce d'idolatrie, qui eut pour objet le culte des Grands - Hommes; mais celle qui concernoit les Aftres & les Animaux, étoit de beaucoup antérieure.

Comment l'Idolatrie fe répandit dans l'Univers.

L'Idolatrie fe répandit de l'Egypte & de la Phénicie en Orient, parmi les defcendans de Sem; enfuite en Occident, où s'étoit établie la poftérité de Japhet. La Grèce, où elle fut portée par des Colonies Phéniciennes, l'embellit, Tadopta, & la tranfmit aux Romains. Ceux-ci bâtirent un Temple, nommé le Panthéon, où ils raffemblèrent toutes les Divinités honorées en

divers pays; & le culte des faux-Dieux fut ainfi répandu avec la puiffance Romaine, jusqu'aux extrémités de la Terre.

Du nombre des faux - Dieux chez les anciens
Paiens, du Deftin.

Le nombre des fauffes Divinités étoit fi grand, que c'eft une chofe prefque inconcevable. Varron, ce grand Théologien du Paganifme, en fait monter le nombre jusqu'à trente mille. Pour comprendre cela, il eft néceffaire de confidérer qu'on en avoit inventé pour préfider aux differentes parties de l'Univers, aux paffions, & aux divers befoins de la vie. On comptoit plus de trois cens Jupiters, & plus de quarante Hercules.

Mais comme il pouvoit arriver que tant de Dieux ne s'accordaffent pas entr'eux, les Païens avoient inventé le Deftin, qui étoit fupérieur à tous les autres Dieux. C'étoit une Divinité aveugle, qui gouvernoit toutes chofes par une néceffité inévitable. Tous les autres Dieux, & Jupiter lui-même, étoient foumis à fes Décrets. On l'apelloit proprement Fatum, le Deftin ou le Sort:

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