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une quantité d'eau fuffifante, fe fervant à cet effet de pots de terre vernis, qui foient neufs, & bien nets. On filtre féparément ces deux liqueurs, & on les trouve parfaitement tranfparentes. Voici leur ufage: vous écrivez avec la prémiére eau, ce dont vous ne voulez pas qu'on s'apperçoive, & l'écriture difparoit au moment qu'elle eft feche: mais celui qui reçoit la lettre, paffant fur le papier une éponge tant foit peu humectée de la feconde eau, l'écriture commence à paroître fous la couleur d'un roux tirant fur le noir. Lorfque ces eaux font fraîchement faites, & qu'on a eu le foin de bien couvrir le pot, dans lequel on a fait infufer la chaux vive, il n'eft pas néceffaire que l'éponge humectée touche l'écriture, pour la faire paroître: il fuffit de la passer à un peu de diftance. On a vû plufieurs fois; que l'eau de chaux étoit fi efficace, qu'après avoir pofé fur une table la lettre écrite de la prémiére eau, & l'avoir couverte d'une rame de papier, en verfant de la feconde eau fur la feuille de deffus, qui en étoit la feule mouillée, fa vertu pénétroit audelà de l'épaiffeur de la rame entiére, & l'écriture fe noirciffoit. L'encre de fympathie agit & fait fon effet au travers d'un livre, & même d'une muraille. Des fourbes fe font quelquefois fervis de fes fecrets, en s'érigeant en grands forciers, pour faire trouver des répon. fes à des queftions propofées par des perfonnes fimples & ignorantes, fur des papiers blancs & cachetés avec foin, La caufe phyfique de ces phénoménes vient de la force de l'eau de chaux, &

cette force confifte dans des efprits volatiles, qui traverfent les corps avec une fubtilité merveilleufe, & s'étendent même fort loin.

De la lampe

La lampe fympathique, a-t-on dit [s], préparée avec le fang d'un homme, fympathibrule tant qu'il eft en vie, & elle ne que. s'éteint qu'à la mort de cet homme. Sa flamme eft agitée, & languiffante; ou bien au contraire elle eft tranquille, égale, & lumineufe, fuivant la fituation de fon efprit & les difpofitions où il fe trouve. Beau fecret pour fçavoir à touts moments des nouvelles d'une perfonne éloignée, & connoître nonfeulement l'état de fa fanté, mais les mouvements intérieurs que les paffions excitent en elle!

50.

Compofi

rants.

Ce qui fuit, ne paroît pas plus croïable. Prenez deux têtes de lié- tion d'une vre [], & la tête d'un chien: fai- bougie qui fait voir des tes les fécher au four dans un pot chaffes de plombé : quand elles feront bien fé. chiens cou ches, réduifez les en poudre : & mélant cette poudre avec un peu de faf. fran & de foulfre, fi cette composition eft ajoutée à la cire d'une bougie, & pénétre la méche, & que la bougie foit allumée dans un lieu, où il n'y ait point d'autre lumiére, on verra paffer & repaffer un liévre chaffé par des chiens. Cela revient à ce qui à été dit [] de la magie naturelle & mathématique.

ST.

Les arts ont été fort honorés. On Les arts fort préparoit des entrées publiques à Po- honorés. lygnote dans les villes de la Gréce, où il paffoit: un tableau de Parrhafius pour la ville d'Ephéfe, fit donner à ce peintre une robbe de pourpre & une couronne d'or. Apelle & Ly

[s] Ernest Burgravius ap. Joann.) onfton. thaumatograph. natur. claffi 10. c.3. BTT, 3.

[] Ex affitis Alberto. [u] Liv,3, ch. de la magie.

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& Lyfippe étoient au rang des favoris d'Alexandre. Démétrius Poliorcéte leve le fiége de Rhodes, dans la crainte d'endommager le tableau du cheval [x] peint par Protogéne, dont l'écume avoit été un chef-d'œuvre produit par le hazard. Pline [y] dit que Démétrius le va ce fiége, par ménagement pour un tableau de Jalyfus, où ce peintre avoit mis quatre couches de couleurs, & où le dépit & le hazard avoient parfaite ment exprimé la bave d'un chien, lorfque Jalyfus ne pouvant réüffir à la repréfenter à fon gré, avoit jetté le pinceau contre fon ouvrage. Pline raconte la même histoire d'un cheval peint par Néalcés & d'un chien représenté par Protogéne: car lorfque quelque histoire a plû aux anciens, ils l'ont multipliée, & mife fous différents noms.

Raphaël eft mort à la veille d'être élevé au Cardinalat. Léonard de Vinci reçut en expirant, la vifite de François 1. Charles Quint donna la clef d'or au Titien, le fit chevalier & comte Palatin. Le Primatice fut nommé par François II intendant général des bâti ments. Rubens a été ambaffadeur pour le roi d'Espagne en Angleterre, & fe

cretaire d'état des Païs bas.

Jean Léon dans fa defcription de l'Afrique rapporte qu'il a vû mener en triomphe au Caire,un ouvrier qui avoit enchaîné une puce avec une chaî.ne d'or.

bres très bien formés étoient imperceptibles à d'autres vûës qu'à la fienne.

Myrmécide avoit éxprimé un char à quatre chevaux avec le cocher, dans un fi petit efpace, que le tout étoit couvert de l'aile d'une mouche: un vaiffeau du même ouvrier étoit couvert de l'aile d'une abeille.

Cardan [4] fait mention d'une puce enchaînée en Allemagne, & d'un horloge fonant dans une bague.

Solin [b] rapporte que l'Iliade d'Homére étoit écrite en charactéres fi minces, qu'elle tenoit dans une coquille de noix : ce qui eft trouvé fort poffible par Huet [c], qui affure qu'il en feroit autant, fuivant l'effai qu'il en a tenté à l'occafion d'une difpute qu'il eut à ce fujet avec le duc de Montaufier.

Le gobelet d'Ofvvald Nerlinger [d] fait d'un grain de poivre, contenoit douze cents autres petits gobelets d'yvoire, dont les bords étoient dorés, chacun defquels étoit foutenu par un pié, & qui cependant laifoient encore assez d'efpace pour y en mettre quatre cents autres.

Galien [e] parle d'un Phaëton repréfenté fur une bague, dans un char quatre chevaux, dans chacun defquels on diftinguoit le frein, les dents de devant, & touts les mouvements.

53.

de la na

Mais les microfcopes font apperce- Différence voir une différence dont on eft frappé, des petites entre les petites productions de la na-productions On a vanté plufieurs ouvrages d'une ture & celles de l'art. Tout ce qui ture & de d'une déli délicateffe furprenante. Callicrate [z] vient de la nature femble au travers l'art. tateffe fur- avoit fait en yvoire des fourmies & d'au- du microfcope, orné de toute la beauprenante. tres animaux fi déliés, que leurs mem-té & de toute la jufteffe imaginables, au

Ouvrages

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res.

54.

lieu que l'ouvrage de l'art le plus exquis paroît difforme & rude, l'aiguille la plus polie & la plus pointue reflemble à une barre de fer émouffée & raboteuse, qui ne vient que de fortir du fourneau ou de la forge. Suivant le calcul de M. de Réaumur, un cylindre d'argent de quarante-cinq marcs, & qui n'a que vingt-deux poulces de long, acquiert par la filiére une longueur d'environ treize millions neuf cents foixante & trois mille deux cents quarante poulces. Sur ce qu'il eft dit au livre des JuTraits d'a- ges [f], que les habitants de Gabaa dreffe ex- étoient fi adroits à jetter des pierres traordinai. avec la fronde, qu'ils auroient pû même frapper un cheveu, le pére D. Calmet [g] cite plafieurs traits d'adresse de quelques Indiens, qui fe fervoient de l'arc avec tant d'affûrance, que quelquefois pour s'exercer après avoir bû, ils tiroient contre la tête d'un enfant, fans toucher que l'extrémité des che veux; d'un certain Soranus, qui après avoir tiré une fléche en l'air, en tiroit une autre contre la prémiére, & la perçoit en tombant; d'un Ilerdés dont par le Silius Italicus, qui ne manquoit jamais de tuer les oifeaux au vol; de Domitien qui, au rapport de Suétone, fe divertiffoit quelquefois à tirer deux fléches contre la tête d'un animal, en forte que ces fléches paroiffoient comme deux cornes fichées dans fon front : & d'autres fois il faifoit paffer entre les doigts d'un enfant qui tenoit la main haute, des fléches qu'il tiroit de fort Join; d'un certain Teucer, qui enleva l'un après l'autre à coup de fléche, touts les crins de l'aigrette d'un cafque qu'on avoit mis pour but dans un jeu de prix.

[f] Judic.c.20. v. 16.

[g] Le comment. du P. D. Calmer fur cet

Philippe pére d'Alexandre reçut dans l'œil.droit un coup d'une fléche, portant cette infcription: A l'œil droit de Philippe.

On a vû à Paris pendant plufieurs an nées de fuite des tours d'adreffe inconcevables à touts ceux qui en étant témoins oculaires, ne pouvoient les traiter d'incroïables. Un homme furnommé le Napolitain confervoit fi parfaitement l'équilibre, qu'il foutenoit fur fon front une rouë de caroffe, garnie de fes bandes de fer. Il montoit ainfi fur une table, fe renverfoit, en defcendoit, fans jamais perdre un moment l'équilibre. Il faifoit tenir une pipe par le bout qui fe met dans la bouche, fur les bords d'un verre, chargeoit cette pipe d'un autre verre plein d'eau, & après en avoir fait plufieurs étages qu'il paroiffoit impoffible de faire tenir fur une table immobile, il fe mettoit le tout fur le front, fe renverfoit, fe relevoit, pasfoit dans des cercles, fans que jamais rien fe dérangeât, ni qu'il tombât une goute d'eau. Touts les fpectateurs pouvoient examiner la rouë de caroffe, les pipes & les verres. On en a vû un autre,qui fur un plan dur & poli, tel que fon théâtre de bois, mettoit une épée la pointe en haut, & s'appliquant un écu fur le front, appuïoit tout fon corps fur cet écu foutenu uniquement de la pointe de l'épée, & fe balançoit en l'air pendant long-temps les piés en haut. Pourroit-on croire que des hommes. & des femmes danfent fur des cordes lâches, & qui ne font pas plus groffes qu'un doigt, fi ce n'étoit pas une des chofes qu'on voit le plus communément?

55.

La nouveauté des arts à été regar- La nou

endroit du livre des Juges.

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56.

De l'inven

Quelques hiftoriens attribuent l'intion de la vention de la bouffole en l'année 1300. bouffole. à un Napolitain nommé Jean Goya, du bourg de Melphi près de Salerne ; d'autres à Paul Vénitien, qui environ l'an 1260. en aïant appris à la Chine la conftruction & l'ufage, l'apporta en Italie. Goropius attribue cette découverte aux Allemands. Albert le Grand & Vincent de Beauvais ont cité Ariftote fur la bouffole la raison en eft, que depuis l'invention de la bouffole, les Arabes traduiffrent un livre d'Ariftote, fur la pierre dont Diogène de Laërce [i] nous a confervé le titre; & dans les additions que les Arabes y inférérent, ils firent mention de la bouffole fous le nom d'Ariftote. Fuller fçavant Anglois à prétendu que la bouffole avoit été connue d'Hercule Phénicien grand navigateur. Plufieurs foutiennent que l'ufage de la bouffole eft auffi ancien que Salomon: d'autres donnent à fon invention [k] différentes époques.

Un paffage d'Hugues de Berci, qui vivoit fous le régne de S. Louis, prou. ve que l'invention de la bouffole eft fort ancienne. Il la décrit à ne pouvoir s'y méprendre, & conclut qu'il feroit à fouhaiter que le pape reffemblât à l'étoile polaire.

[b] Lucret lib. 5. v. 3 3 3.

[i] Teping Xids Diog.Laërt in Ariftot. [k] M. Derham, théolog. physiq. liv. 5. 0.1. p. 388.389. de la traduct.

[] Le P. Souciet obfervat, mathémat. aftronom. c. tirées des livres Chinois, t. 3. [m] Palquier recherch, liv. 4, ch. 14.

Un art font qui mentir ne puet, Par vertu de la marinière,

Une pierre laide & noiriere, Où le fer voulentiers fe joint; Et fi regardent le droit point Puis que l'aiguille l'a touchié, Et en un fétu l'ont fichié..... Contre l'étoile va la pointe, Par ce font le mariniers cointe De la droite voye tenir: C'eft un art qui ne puet mentir. La prennent la forme & le molle, Que cette étoile ne fe crolle: Moult eft l'étoile belle & claire; Tel deveroit étre le faint pere, Clerc deveroit étre & eftable.

Il eft attefté par de bons auteurs [7], que l'ufage de la bouffole étoit beaucoup plus ancien à la Chine.

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57. De l'inven

rie.

Pafquier [m] dit que c'eft le monde renverfé, que l'artillerie ait été in- tion de ventée par un moine [ » ] & l'imprime- l'imprime rie par un homme de guerre. L'opinion la plus commune eft que le moine inventeur de la poudre, a été Berthold Schvvart de l'ordre de faint François, vers l'an 1378. mais comme il est justifié que l'ufage de la poudre eft plus ancien, fon invention eft rapportée avec plus de vraisemblance au célébre Roger Bacon dans le treîziéme fiécle: fuivant l'opinion de Ducange & de Pancirol, Ce cordelier Anglois, difent-ils, en préparant quelques remédes, avoit fait un mélange de foufre, de falpétre & de charbon. Sur ce mélange il mit une pierre, puis aïant befoin de lumiére, il battit le fufil; une étincelle tomba L 2

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fur ce mélange, & ce religieux fut fort étonné de voir tout d'un coup fes remédes en feu, & la pierre lancée avec fracas vers le plancher. Il connut ainfi la force d'une poudre compofée de falpêtre, de foufre, & de charbon. Berthold Schvvart divulgua depuis [o] ce fecret, & en enfeigna l'ufage. Albert Je Grand, felon quelques-uns, a été l'inventeur des armes à Feu. Dans un compte de 1338. qui fe trouve à la chambre des comptes de Paris, il y a un article de la dépenfe faite pour la poudre des canons qui étoient devant le château de Pui-Guillaume en Auvergne. L'inventeur de l'imprimerie a été Jean Guttemberg gentilhomme, faifant profeffion des armes, demeurant en la vil. le de Mayence. Pafquier cite Polydore Virgile en fon fecond livre des inventeurs des chofes, & Munfter en fa cofmographic, qui ajoute que Jean Gut temberg tint quelque temps fon invention fecréte, & ne la divulgua qu'en 1457. & fur ce que quelques auteurs attribuent l'invention de l'imprimerie à Jean Fuft bourgeois de Mayence. Paf

quier concilie ces deux opinions, eftimant que Jean Guttemberg fut l'inventeur, & que fous fa direction Jean Fuft [p] exécuta le prémier les leçons qu'il en avoit reçûës. Bertius attribuë l'invention de l'imprimerie à Laurent Cofter de Haërlem; il affure que Jean Fuft lui vola fon art & fes inftruments. Quoi qu'il en foit de cette invention, dit M. Derham [9], on voit encore à Haërlem un ou deux livres imprimés par Laurent Cofter, plus anciennement que touts les autres, fçavoir dès les années 1430.& 1432.

Pierre Schoëffer gendre de Fuft inventa des figures de métal, au lieu qu'elles furent dabord taillées dans le bois. On en faifoit des planches entiéres, dans la fuite on en forma des lettres & des charactéres féparés.

L'imprimerie dans fa plus grande nouveauté s'introduifit à Paris fous Louis XI. [r]. Deux Allemands nommés les Ulrics,imprimérent un livre [s], qu'ils dédiérent au roi vers l'an 1470.

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[o] Plufieurs tiennent que les batailles font moins fanglantes depuis l'invention de la poudre, parce qu'il n'y a prefque plus de mélée.

Archidame Lacédémonien voïant une machine inventée en Sicile pour lancer des traits qui ne puffent pas étre parés avec les boucliers, o Hercule, s'écria-t-il, toute vertu eft-elle donc proferite d'entre les hommes !

Brantome a remarqué que trente hommes d'armes furent emportés d'un feul coup de canon Brantom, homm. illustr, art. de M. de Montoison

[p] Pafquier dit, qu'il a vû un livre des Offices de Cicéron, à la fin duquel on lisoit: Præfens M. Tullii clariffimum opus, Joannes Fuft, Moguntinus civis, non atramento, non plumali cannâ, neque æreâ, fed arte quâdam pulchrâ manu Petri Genrifeni pueri mei, feliciter effeci, Fi

nitum anno 1466. die 4. Februarii.

[q] M.Derbam théolog, physiq.liv,s.ch.1. [r] Naudé addition à l'histoire de Louis XI. [s] Ce livre étoit intitulé Speculum vitæ humanæ Roderici Zamorenfis epifcopi. [r] Prius tamen quàm digrediamur ab Egypto, & papyri natura dicetur,cùm chartæ ufu maximè humanitas vitæ conftet & memoria, & hanc Alexandri Magni victoriâ repertam auctor eft M. Varro, conditâ in Egypto Alexandriâ. Anteà non fuiffe chartarum ufum, in palmarum foliis primò fcriptitatum, deinde quarumdam arborum libris. Pofteà publica monumenta plumbeis voluminibus, mox & privata linteis confici cœpta, aut ceris pugillarium enim ufum fuiffe etiam ante Trojana tempora invenimus apud Homerum. Plin. lib. 13. c. 11.

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