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[f] petit-fils de boulanger d'autres ont dit que le pére d'Augufte étoit banquier [8]. L'empereur Vitellius étoit fils d'un favetier; l'empereur Pertinax, d'un faifeur de briques; l'empereur Puppien, d'un maréchal; l'empereur Probus, d'un laboureur d'Efclavonie; l'empereur Macrin, fils d'un affranchi, avoit été lui-même gladia. teur; l'empereur Aurélien étoit fils d'un fermier du fénateur Aurelius; le Céfar Licinius, d'un païfan de Dacie; l'empereur Dioclétien, d'un affranchi. Le Céfar Galerius avoit été boucher, d'où il conferva le nom d'Armamentarius; Maximin, qui difputa l'empire, avoit gardé les troupeaux en Thrace; Théodofe III. de receveur d'impôts devint empereur; les empereurs Valentinien prémier, & Valens, étoient fils d'un cordier; l'empereur Juftin prémier avoit été vacher en Thrace; l'empereur Maurice avoit été greffier; l'empereur Andrifque avoit exercé le métier de foulon; l'empereur Bafile le Macé donien étoit fils d'un efclave; l'empereur Léon d'Ifaurie, d'un berger, ou, felon d'autres, d'un mercier; l'empereur Michel Calaphate, d'un charpentier de vaisseaux. Zoë époufa Michel le Paphlagonien orfévre, qu'elle éleva à l'empire.

Phileterus, efclave eunuque, fonda la fouveraineté de Pergame, & la tranfmit à fes neveux, qui prirent le titre de Rois. Tarquin l'ancien, cinquiéme roi de Rome [b], étoit fils d'un marchand de Corinthe, nommé Démarate; Servius Tullius fon fucceffeur [i], fils d'un esclave.

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Un aigle enleva un foulier de Rho dope [k], & le laiffa tomber fur les ge noux de Pfammétique, qui fit chercher partout celle à qui ce foulier appartenoit, & l'époufa.

Le faux prophéte Mahomet entra au fervice d'une riche veuve de négociant il fut fon facteur jufqu'à l'âge de vingthuit ans, que cette veuve, qui en avoit quarante, en fit fonmari.

Quelques auteurs difent que Tamerlan étoit fils d'un berger. L'opinion qui paroît la mieux fondée, eft qu'il étoit iffu d'une race de princes Tartares fon véritable nom étoit Timur Lenk, ou Timur le boiteux: il nâquit en 1344.& mourut en 1415. après 36. ans de regne: il vainquit Bajazeth l'an 1402. Ce qu'il y a de certain, c'eft que ce conquérant, qui a foumis à fa domination plus de païs en huit ans, que les Romains en huit cents ans, eut des commencements fort obfcurs: fes defcendants regnent encore aujourd'hui dans le Mogol.

Alvare de Lune, ce favori fi puiffant fous Jean II. roi de Caftille [1], fut défavoué pour enfant légitime par fon pére, qui publia qu'il n'avoit jamais époufé fa mére, dont les débordements étoient connus.

Olivier le Diable, de barbier de Louis XI. devint comte de Meulant, & le principal confident de fon maître. Le cardinal Baluë, Le cardinal Baluë, miniftre d'état fous Louis XI. étoit fils d'un meunier de Verdun. L'abbé Suger, fous Louis VII. & les cardinaux Ximénés & Martinufius, de fimples religieux devinrent non feulement prémiers miniftres,

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mais régens; le prémier, de France; le fecond, d'Efpagne ; & le troifiéme, de Hongrie. Le cardinal Ximénés étoit fils d'un procureur d'une petite jurifdiction de Caftille. Le cardinal Martinufius fut fi mal élevé, quoique fa naiffance fût noble, qu'à 24. ans il ne fçavoit pas lire: il fut valet, & emploïé aux fervices les plus bas.

Jacques Amyot, abbé de Bellozanne, & grand aumônier de France, étoit fils d'un corroïeur de Melun. S'étant enfui de chez fon pére par la crainte du fouet, il tomba malade, & fut guéri dans l'hôpital d'Orléans, auquel il légua dans la fuite douze cents écus par fon teftament, Lorfqu'il fut congédié de l'hôpital, il reçut feize fols d'aumône, avec lefquels il fe conduifit d'Orleans à Paris, où il fut réduit à mendier, jufqu'à ce qu'une femme lui trouvant une bonne phyfionomie, le retira chez elle pour fuivre les enfants au collége, & pour porter leurs livres.

Pierre Landays, miniftre abfolu fous François II, duc de Bretagne, étoit fils d'un tailleur. Nicolas Perrenot de Granvelle, chancelier de Charles Quint, & pére du cardinal de Granvelle, étoit fils d'un ferrurier. Thomas Wolfei cardinal, chancellier & prémier miniftre d'Angleterre fous Henri VIII. étoit fils d'un boucher; le cardinal d'Offat, fils d'un maréchal de village; le cardinal Baronius [m], d'un païfan; le cardinal Pancirol, d'un tailleur.

[m] Scaliger dit du Cardinal Baronius peronato patre natus, fils d'un homme portant des guétres.

[n] Wilgifum ad fummos virtus evexit honores,

Nec potuit mores lædere fummus ho

nos.

Qualis erat, cùm privatus fub paupere tecto

Viveret, in fummo talis honore fuit.

Mathias Corvin, dont la naiffance n'a jamais été connuë, fut mis en prifon par les ordres de Ladiflas, roi de Hongrie, & en fut tiré à la mort de Ladiflas, pour regner après lui.

Le premier des Sforces étoit un païfan de Cottignole, qui changea fon nom d'Attendulo en celui de Sforce: on dit qu'ennuié du labourage, & tenté de porter les armes, en voïant paffer des troupes, il jetta le coutre de fa charrue fur un arbre, réfolu d'aller à la guerre, fi cet inftrument de fon labourage demeuroit fufpendu fur l'arbre, & de continuer la profeffion de laboureur, file coutre retomboit à terre. L'inftrument s'arrêta fur l'arbre, & Sforce s'étant enrôlé fur lechamp devint, après avoir paffé par touts les degrés,le plus grand capitaine de l'Italie.

Le cardinal de Viviers Jean de Brogni, qui préfida au concile de Conf tance, comme doïen des cardinaux, avoit été porcher.

Willegife fils d'un charron du village de Schoningen au duché de Brunfwich, étant devenu chancelier des empereurs Othon III. & Henri II. puis archevêque de Maïence, eut tant de modeftie & d'humilité, que pour avoir toujours devant les yeux la baffeffe de fa naiffance, il prit pour armoiries un rouë d'argent, qui depuis a fervi de blafon à l'églife électorale de Maïence. Sur quoi une épigramme latine dit [n], que la rouë de la fortune eft mobile & trompeu

fe,

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87.

fe, mais que celle de Willegife eft fixée par une gloire immortelle.

Le Pape Alexandre V, originaire de Candie, étoit d'une naiffance fi ob fcure,, que ne connoiffant aucun de fes parents,il difoit que fous fon pontificat l'Eglife feroit à l'abri du népotifme. Guillaume de Nogaret reprocha à Boniface VIII, qu'il étoit fils d'un Juif qui avoit été brûlé à Thouloufe. Urbain IV. étoit fils[p] d'un favetier;Jean XXII [9] d'un cordonnier;Benoît XI. d'un [r]berger; Benoît XII. d'un [s] meunier; Grégoire VII. d'un menuifier; Pie V. d'un [] laboureur, Adrien VI. d'un [#] tapi fier d'Utrecht ou d'un braffeur. SixteQuint avoit gardé les pourceaux, & pour relever la naiffance, il dit un jour,que s'il avoit gardé les troupeaux, c'étoit ceux de fon pére.

Révolutions

des fortunes

Samon marchand François [x], originaire du Sénonois, fut fait Roi par les Efclavons. Les Génois prirent Paul de Nove teinturier pour leur Duc; Artevelle chefdes Flamans étoit un braffeur de biére; Mafanielle & Gennare auf. quels fut déféré le commandement de la ville de Naples pendant fon foulévement contre les Espagnols, étoient deux hommes de la lie du peuple,

Parmi ceux que les lettres ont élevés à une gloire immortelle, Socrate étoit fils d'un marbrier & d'une fage-femme; Euripide d'une vendeule d'herbes; Demofthene & Sophocle de forgerons.

Lucien [y compare les hommes à ces & malheurs bouillons d'écume formés par les torles plus éle rents, dont les uns font plus petits; les autres qui font plus gros, s'augmentent Tom, II,

vées.

[e] Papyr. Maffon.de epifcop.urb.in Alex.V. [Dict. de Moréri,art.Urbain IV. [9] Papyr. Mag. inJoann XXII. [r] Diet, de Moréri, art, Benoît IX. [] Papyr. in Bened. XII.

encore de la ruine des autres, jufqu'à ce qu'ils foient eux-mêmes rompus par leur exceffive groffeur. Bajazeth enyvré de fa profpérité & de fa puiffance, avoit pris le furnom faftueux de foudre; il fut vaincu & fait prifonnier par Tamerlan,qui le faifoit mener en leffe avec des cordes attachées à des anneaux de fer paffées dans les deux marines. Enfin il le fit enfermer dans une cage de fer, où Bajazeth fe caffala tête contre les barreaux.

Quel eft l'homme sensé qui voulûc avoir une deftinée entiérement sembla. ble à celle de prefque tous les favoris les plus illuftres de la fortune, & paffer par les mêmes circonstances, qui nous font connues par l'hiftoire, fans parler de celles qui ont été plus améres & en plus grand nombre, que nous ne connoiffons pas?

La vie de Jules Céfar fut traversée de plufieurs grands malheurs: il penfa être accablé fous les ruines du parci de Marius, & de la conjuration de Catilina; il auroit été contraint de s'en fuir de Rome, & de faire banque route, s'il n'avoit pas été élû grand Pontife, & il dit à fa mére [z], en allant aux comices où l'élection devoit se faire, Il n'y a point de milieu pour moi entre la grande prêtrife & la fuite. A la bataille de Munda la bataille de Munda, il étoit prêc de fe donner la mort, fi un dernier effort qu'il fit pour ranimer fes gens ne lui avoit pas réuffi. Enfin maffacré par ceux qu'il avoit comblés de bienfaits, il tomba aux piés de la ftatuë de Pompée.

Kk

[t] Papyr. Maff. in Pio V.

[u] Onuphr. in Adrian. VI. [x] Aimoin, de geftis Francor, lib.4.c.9. [y] Lucien, dial, de Caron. [] Plutarch, in Cafar

Les Romains regardoient la profpé rité d'Augufte, comme l'exemple d'un bonheur achevé: ils fouhaitoient à leurs empereurs[a] le bonheur d'Augufte, & la bonté de Trajan. Mais Pline [b [ décrit fort au long les malheurs fenfi bles, qui traverférent la vie d'Augufte. Le refus du commandement de la ca valerie, & la préférence de Lépide; fous la dictature de Cefar, la haine que luï attirérent les cruautés du triumvis rat, dans lequel il eut toujours la mor. tification de voir la puissance d'Antoine fupérieure à la fienne; fa fuite après la bataille de Philippes, qu'il crut perduë, & après laquelle il paffa trois jours caché dans la fange d'un marais, quoique malade & attaqué d'hydropifie;fon naufrage en Sicile, le mauvais état de fon parti, qui le jetta dans un tel défefpoir, qu'il demanda fouvent la mort à Proculeïus fon affranchi; les chagrins continuels caufés par plufieurs maladies, par un grand nombre de féditions de fes troupes, de conjurations tramées par fes plus confidents; fes peines domeftiques [c]; les débauches publiques qui déshonorérent fa famille; les reproches & la honte dont il fut fiétri par l'éxil d'Agrippa Pofthume fon petit-fils; la pefte & la famine de Rome; la défaite de Varus, & la perte des légions, dans lesquelles confiftoit la force de l'Empire; le mépris de fon autorité; les embuches fecrétes de Livie [d], & de Tibére, qui avancérent la mort., & le

[a] Vive Augufto felicior, Trajano melior.

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contraignirent à laiffer l'Empirete 3 au fils de fon ennemi.

Alexandre, qui dans l'espace d'une vie courte, femble avoir atteint le com ble de la félicité humaine, fut conti nuellement agité des peines les plus violentes, foit par les féditions des troupes Macédoniennes, aufquellesîlôta fa confiance, pour la donner à des barba. res nouvellement conquis, foit par les conjurations fréquentes, qui lui remplirent l'efprit de foupçons, & le por térent à répandrele fang le plus illustre de fes Grecs, de Parménion, de Philotas, de Callifthéne; foit par les reproches cruels qu'il le fit de la mort de Clitus, jufqu'à ne pouvoir plus fuppor ter la vie; foit par les regrets de la per te d'Héphæftion, dont il célébra lé deuil d'une manière infenfée.

Polycrate qui s'étoit défié de l'excès de fon bonheur, mourut attaché à une croix.Ces odieux favoris des empereurs; Narcyffe, Tigellin,Pallas firent des fins funeftes. Aman fut exécuté au gibet qu'il avoit fait dreffer; Guillaume de Haraucourt évêque du Verdun, fur enfermé dans une cage de fer, dont il avoit introduit l'ufage.

Dion [f] décrit la révolution de la fortune de Séjan, fa mort, la deftruction de fa famille, les infultes de ces mê mes fénateurs, qui lui préparoient les plus baffes flatteries à l'ouverture des lettres de Tibére, dans lesquelles off croïoit que cet empereur ajoutoit la

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88.

De l'amitié.

puiffance tribunicienne à toutes les aueres charges de ce favori.Ce même peuple die Juvenal Lg I qui faifoit toutes fortes d'outrages aux ftatuës de Séjan, eût été fort difpofé à le proclamer Empereur & Auguste, si la fortune eût favorife fes complots contre Tibére. 21 Jedoute qu'on trouve dans l'histois re aucun exemple de plus d'acharne ment & defureur [4] que le peuple de Paris en témoigna contre le maréchal d'Ancre L'évêque de Lucon, qui fut depuis le cardinal de Richelieu avoit cu beaucoup de part à la confiance de ce maréchal, & faifoit alors les fonctions de fecretaire d'état. 11, entra dans la chambre du roi, quelque temps après que le maréchal d'Ancre cut été tué. Monfieur lui dit le monarque, nous fommes aujourd'hui délivrés,Dieu mer ci,de votre tyrannie. Il ne fçavoit pas qu'il parloità un homme,qui étoit def, tiné à ne lui laiffer que le titre de fouverain.

Je ne dois pas finir ce chapitre fans parler de l'amitié, qui eft un des biens des plus précieux, dont l'homme puiffe jouir, & fur lequel les fentiments font oppofés, & les opinions différentes. Il y a trois fortes de liaisons, aufquelles on donne le nom d'amitié, les liaifons fondécs fur l'utilité, ou fur le plaifir,ou fur

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la vertu.Les deux prémiéres naiffent de la profpérité [i], & finiffent avec elle: la derniére mérite feule le nom d'amitié. Ariftote la définit excellemment [k], une feule ame qui habite en deux corps. Platon [1]enfeigne que la véritable amitié ne peut être qu'entre gens de bien; que le prémier de les avanta ges eft de reprendre les défauts de fon ami,& de ne le point flatter.Suivant Pythagore, tout eft commun entre amis. Bias confeilloit de fe conduire dans l'anticié avec la précaution d'un hom- Confeil de me, qui prévoit qu'il pourra haïr un par Cicé jour. Cicéron[m] regarde cette maxi- ron. me comme le poison de l'amitié,&il rejette une défiance fi odieufe, comme entiérement incompatible avec la douceur de cette union,

89.

Bias rejetté

90.

d'amitié

:: Quoique l'amitié fe trouve, rarement parmi les fouverains, ils ont quelque Exemples fois gouté un bien, qui femble s'accor- dans les der fi peu[n]avec la majefté d'une cou fouverains. ronne.Cyrus [9]furpaffoit fes amis dans touts les devoirs de l'amitié la plus déli cate, & la plus attentive. Pline louë Trajan [p] d'avoir des amis, parce qu'il a lui-même les fentiments de l'amitié ! Alexandre rendant une prémiére vifite à Sifygambis mére de Darius [9], elle fe profterna aux piés d'Hephæftion, qui marchoit devant leroi, le prenant pour Kk: 2

Facete Pafferatius: ut mures præfen tientes ædium ruinam fugiunt, fic parafiti eos deferunt, quos res deferit, ficut pediculi moribundos.

[ [4] Μια ψηλή δύο σώμασιν ἐνοικέσα.
[1] Plar dial, de Lyfis.
[m] Cic. de amicit.

[n] Non bene conveniunt, nec in unâ
fede morantur

Majeftas & amor. Quid
[o] Xenoph. Cyrop.lib.8.

[p]Habet amicos, quia amicus ipfe es.
[g] 2. Curt. lib. 3•·

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