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14. La Zone

ciens.

noirs comme eux, font plus blancs que les Espagnols.

On croïoit autrefois la Zone torride torride eft inhabitable. Ariftote en plusieurs entempérée droits de fes ouvrages, & Pline [] contre l'opinion des an- l'ont affuré. Mais on fçait par des relations fûres, que la plupart des régions fous la Zone torride, abondent en eaux & en pâturages, & que la chaleur y eft fort modérée. Les vents qui font caufés par la raréfaction de l'air échauffé, y font plus réguliers que partout ailleurs; la fraîcheur des nuits eft plus grande, par une plus grande épaiffeur de l'ombre, & par l'interpofition du globe terreftre dans fon plus grand cercle, outre que ces nuits font bien plus longues que nos nuits d'été.

y

A l'égard des pluies [] dont la matiére eft fournie par les exhalaifons & par les vapeurs répandues dans l'air; c'eft le foleil même qui les fait élever plus abondamment dans fa fituation perpendiculaire, & qui les réfout en même temps en torrents d'eaux. Il fuit de là, qu'à la différence de ce qui arrive dans les Zones tempérées & dans les Zones froides, qui ont l'été quand elles font expofées moins obliquement au foleil [x], & l'hyver par la raifon contraire; l'hyver ou la faifon des pluïes fous la Zone torride, eft le temps du paffage le plus direct du foleil fur elles.

Il n'y a dans la vérité, région plus douce ni plus tempérée que fous l'équinoxe, dit le pére [y] Jofeph Acofta; tout ce qui eft néanmoins fous la Zone torride, n'eft pas d'égale température: en quelques endroitselle eft

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fort tempérée, comme en Quitto, & aux autres parties du Pérou ; en quelques autres endroits fort froide, comme au Potofi;& en d'autres fort chaude, comme en Ethiopie, au Brefil & aux Molucques. Le même auteur avoit dit auparavant ;,, Aïant lû ce que les « poëtes & les philofophes difent de la Zone torride, je me perfuadois qu'arrivant à l'Equinoxe, je ne pourrois y fupporter cette exceffive chaleur, mais j'y expé- " rimentai tout le contraire: car m'y trou- « vant dans le temps que le foleil y étoit pour Zénith au mois de Mars, j'y lentois fi grand froid que j'étois contraint de me mettre au foleil pour m'échauffer. N'avois-je pas fujet alors de me mocquer d'Ariftote & de fa philofophie, « voïant qu'au lieu & en la faifon où tout ce devoit y être embrafé de chaleur, fui-, «‹ vant fes régles, moi & touts mes compagnons avions froid?

Les grandes armées & les puiffances formidables [z] font venues du Septentrion: les religions, les fciences occultes, de la philofophie, les mathé matiques, & autres fruits des contemplations profondes font venuës du Midi: la politique, la jurifprudence l'éloquence font plus convenables aux régions tempérées

Il femble que la nature fut autrefois plus féconde. On ne voit plus fortir des effains de peuples nombreux, pour chercher dans de nouvelles parties, une nourriture & une fubfiftance que leur païs ne pouvoit plus fournir à leur multitude.

La prémiére conftitution de l'univers [4], changée d'abord par la chu

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(1) Plin. lib. 2 p. 68

(u) Hift. de Sérhos, liv. 5. p. 482. (x) Nous avons obfervé dans le chapitre de l'astronomie , que le Soleil eft plus loin de nous en été,& plus près en hyver .

(y) Le pére) ofeph Acofta, hist.natur.des Indes, liv.2 ch. 9.

(2) Bodin. de la républ. liv. 5. (a) Boffuet, hift. univerf. 1.1. part, 2, M. Ramfai, voïag. de Cgrus liv. 8.

deur ancien

te de l'homme, fut affoiblie de nouveau par le déluge. Il demeura une impreffion éternelle de la vengeance divine. Les fucs de la terre furent altérés; les herbes & les fruits n'eurent plus leur prémiére force; l'air chargé d'une humidité exceffive, fortifia les principes de la corruption; & la nature a toujours dégénéré. De fiécle en fiécle, les hommes [b] font devenus plus foibles, & plus mauvais, fuivant le fentiment d'Horace.

On a peine à croire fur le témoignaDe la gran- ge des hiftoriens, la grandeur des anRedes villes. Ciennes villes. Caton donne à Thèbes d'Egypte [c], quatre cents ftades, ou environ vingt lieuës de longueur. Cette ville eft renommée par fes cent portes, & par les deux cents chariots [d] armés en guerre, qu'elle pouvoit faire fortir par chacune de ces cent portes.

Ariftote [e], après Hérodote [f], décrit Babylone d'une telle grandeur, que les ennemis y étant entrés par une de fes extrémités, on ne fcut cette nouvelle à l'autre bout de la ville, que trois jours après, non à caufe d'aucun obftacle qui eût coupé la communication, mais à caufe de l'éloignement des deux quartiers de la ville. Hé

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rodote [g] obferve que Babylone formoit un quarré parfait, dont chaque côté avoit cent vingt ftades de long; que fes murailles étoient hautes de deux cents coudées de roi fur cinquante d'épaiffeur, & que la coudée de roi étoit de trois poulces plus grande que la coudée ordinaire; enfin que cette ville fuperbe avoit cent portes d'airain. Quinte Gurce dit [b] sur la grande encente de cette ville, qu'elle. n'étoit pas habisée partout, & que dans les endroits où l'on avoit conftruit des maifons, elles n'étoient pas contigues. Hcroit que le motif de les féparer ainfi, étoit une plus grande fûreté.Les prophétes Ifaïe [i] & Sophonie [k]ont parlé de l'orgueil de cette ville.

Si l'on en croit Diodore de Sicile [7], Ninive avoit cent cinquante stades de long fur quatre-vingt-dix de large, & fon circuit de quatre cents quatre-vingt ftades revenoit environ à vingt quatre lieuës: ce qui fe rapporte à ce qu'on lit dans l'écriture fainte, que Jonas [m] emploïa trois journées à faire le tour de cette grande ville: & qu'il s'y trouvoit fix-vingt mille enfants qui ne fçavoient pas diftinguer leurs mains gauches de leurs droites.

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Le Quinfai [], felon Marc Polo, avoit cent milles de circuit, & douze mille foixante ponts de pierre. Mendez Pinto, Herréra, Maldonat, & Trigault ont dit de cette ville des chofes furprenantes,entr'autres,qu'un homme à che val ne la peut qu'à peine traverser en un jour, qu'elle a trente lieües de tour, dix de long, & cinq de large, avec quatre cents foixante & dix portes, & des murailles fur lesquelles douze chevaux peuvent courir de front. Les uns l'ont prife pour Pekin, d'autres veulent que la Quinfai d'autrefois foit la Cambalu d'aujourd'hui. Hornius eft de ce fentiment. Le P. Martini croit que c'eft la ville de Kangchu, appellée Quingfu ou Kaingfai, & qui étoit ville roiale en 1300. Elle eft fur le fleuve Cientang. Magin dans fa géographie, dit qu'il y a au milieu de cette ville un grand lac qui a environ trente milles de tour, & eft environné de palais & de maifons magnifiques.

La ville [o] de Nankin avoit trois enceintes de murailles, à la derniére defquelles on donnoit feize grandes lieuës de circuit.

L'auteur des lettres Perfannes [p], après une defcription fommaire des païs les plus connus, trouve que l'univers comparé à ce qu'il étoit autrefois, femble fortir des ravages de la pefte & de la famine; mais à tout confidérer, la terre ne paroîtra-t-elle pas plus peuplée qu'autrefois ? Le monde connu étoit fort refferré, prefque toute fa furface étoit couverte d'épaiffes forêts que la Religion empêchoit d'abbattre. Ces villes dont l'enceinte avoit tant d'étendue, renfermoient de grandes campagnes, des forêts, des terres. labourables.

[n] Mare. Polo. liv.2. c.67. Hornius de originib. American. lib.4. c. 3. Martin. Ail. Sinic. Diet, de Morér. art. Quifnai.

[o] Mémoir, du p. le Comte, 1.1. lettr. 3.

Ifac Voffius [9]évalue le nombre de touts les habitants qui font fur la terre, à cinq cents millions. Il ajoute qu'on les pourroit placer touts debout dans une fuperficie qui auroit une lieue d'Allemagne en longueur & en largeur, donnant à chaque perfonne un pié en quarré.

Ajoutons à cette penfée d'Ifâc Voffius, qu'en fupputant fuivant le calcul ordinaire, trois générations par fiécle, & comptant touts les fiécles fur le même pié depuis la création du monde, quoique pendant les prémiers fiécles la terre ait eû un fort petit nombre d'habitants, & que les générations aïent cû plus de durée, touts les hom mes qui ont jamais exifté, ne rempliroient pas cent foixante & dix lieues d'Allemagne, qui reviennent environ à deux cents quatre-vingts lieues communes de France. Ainfi on pourroit parier, fans craindre affurément de perdre fa gageure, que touts les hommes qui ont exifté jufqu'à préfent, pourroient tenir debout en France. On peut connoître en passant combien eft frivole par plus d'une raifon, l'objec tion de ces libertins, qui difent que s'il falloit que touts les hommes com paruffent un jour au jugement, la terre ne feroit pas affez grande pour les contenir. Le même Ifac Voffius [r]exagére à un point qui paroît infoutenable, la grandeur de l'ancienne Rome, & le nombre de fes habitants. Il donne à l'enceinte de cette ville, en y comprenant les fauxbourgs, foixante. & douze mille pas d'étenduë: ce qui furpaffe la grandeur attribuée à l'ancienne Babylone, qu'on repréfente come me un quarré de foixante mille pas de tour. Ifac Voffius ajoûte que le quartier

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au-delà du Tibre augmentoit beaucoup l'enceinte de Rome, qu'il a déja fait monter à foixante & douze milles. Il fuppofe que les deux villes de Paris & de Londres jointes enfemble ne rempliroient qu'une aire de feize milles en quarré: il n'évaluë le nombre des habitants de Paris & de Londres qu'à fix cents mille pour chaque ville, & il fait monter à proportion le nombre des habitants de Rome à quatorze millions. Lucain a dit que Rome [s] étoit capable de contenir touts les habitants de l'univers, mais c'est une expreffion poëtique, qui n'eft pas à confidérer pour la queftion dont il s'agit ici :

Je fuis fort éloigné de croire l'ancienne Rome auffi étenduë que le pré, tend Ifac Voffius. Eft-il vraisemblable qu'aucun auteur n'eût parlé de l'impoffibilité de fe voir d'un quartier à un autre? Dans le dénombrement qui fut fait par le Cenfeur Paul Emyle Macédonien il ne fe trouva [t] que trois cents trente-fept mille quatre cents cinquante-deux citoïens: les femmes, les enfans ni les efclaves n'étoient pas comptés,mais les habitants de la campagne y étoient compris. C'étoit la nation entiére parvenue déja à une grande puiffance environ 160. ans avant J. C.

Les fupputations d'lfâc Voffius font détruites par le témoignage de P. Victor, qui écrivoit du temps des empereurs Arcadius & Honorius. On trouve dans cet auteur qu'alors [n] le circuit de Rome n'étoit que de treize milles; que fa plus grande étendue n'avoit été que de vingt milles; & en y comprenant touts les édifices qui étoient hors de fon enceinte, de cin quante milles. Ces édifices hors de l'en. ceinte de Rome étoient des maisons de

[] Urbem populis victifque frequentem Gentibus, & generis, fi coëat turba, capacem Humani.

campagne, & ne faifoient pas partie de la ville. P. Victor nous apprend qu'il y avoit à Rome quatre mille fix cents foixante & deux ifles, & dix-fept cents quatre-vingt maifons. On appelloit ifles, les maifons qui ne tenant à aucun bâtiment, étoient ifolées de toutes parts, & on ne donnoit le nom de maifons qu'à celles qui avoient quelque mur mitoien. Augufte avoit défendu de donner aux bâtiments plus de foixante & dix piés d'élévation. Rome étoit encore dans fa fplendeur,du temps des empereurs Arcadius & Honorius. Elle n'avoit effuié aucun ravage, qui eût caufé la deftruction de fes bâtiments. Or ce nombre de maisons, dont P.Victor nous a laissé le dénombrement, ne donne pas l'idée d'une ville à beaucoup près fi peuplée que Paris ou que Londres. Auffi compte-t'on communément, que Rome avoit feulement quatre à cinq cents mille citoïens, ou habitants libres. A l'égard des efclaves, on ne fe trompera pas apparement beaucoup, fi l'on compare leur nombre à celui des domeftiques, qui font parmi nous. Ce qu'on trouve écrit que tel fénateur avoit dix mille, & jufqu'à vingt mille efclaves, doit être regardé, comme une richeffe extraordinaire, & dont il y avoit fort peu d'exemples, & peutêtre deux ou trois tout au plus. Ileft même trés vraisemblable que cette grande quantité d'efclaves, ne demeuroit pas dans Rome,où l'on n'eût pas pu les occuper. On ne trouve pas que dans les affemblées fi tumultueufes de ce gouvernement républicain, aucun citoïen ait été en état de compofer de fa maifon feule une armée. Ce grand nombre d'efclaves allégué pour prouver la richeffe d'un très petit nombre

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de

[u] P.Vit. Romanar, antiq, epitom. 1.1. c.s.Id, de urbis Roma regionib. & locis.

Opinions

geants.

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de citoïens, ne décide rien pour le général, n'aïant aucune proportion avec le refte; & il ne peut fonder aucune conjecture pour le nombre des habitants de Rome. Je fuis donc porté à croire que l'ancienne Rome, dans fon état le plus floriffant n'étoit pas plus peuplée que Paris ; & que l'univers en général a plus d'habitants qu'autrefois.

16. Les opinions font partagées fur les différentes géants; dont il eft parlé dans la Gefur les nése [x], où il eft dit :,, Qu'il y avoit des géants fur la terre: car depuis que les enfants de Dieu eurent époulé les filles des hommes, il en fortit des enfants qui furent des hom"mes puiffants, & fameux dans le fiécle. Les uns ont regardé ces géants, fuivant la lettre, comme des hommes d'une taille gigantefque: les autres ont eftimé qu'ils furent appellés géants, parce qu'ils étoient audacieux, méchants, & impies. Jofeph [y dit que les grands de la terre, qui fe mariérent avec les filles de Seth, produisirent une race de gens infolents, qui par la confiance qu'ils avoient en leurs forces, faifoient gloire de fouler aux piés la juftice, & imitoient ces géants, dont par

lent les Grecs.

Mais on trouve de véritables géants dans l'écriture.Les Ifraëlites qui étoient allés reconnoître la terre de promiffion, rapportérent [z] qu'ils avoient vû des géants de la race d'Enak, en

[*] Gigantes autem erant fuper terram in diebus illis. Poftquam enim ingreffi funt filii Dei ad filias hominum, illæque genuerunt, ifti funt potentes à fæculo viri famofi. Gen. c. 6. v.4.

[y] Jofeph, antiq, liv. 1. c. 3 c'eft auffi le fentiment de Philon Juif des géants; ¿deS. Cyrille, contre Julien, liv.

[2] Ibi vidimus monftra quædam fidiorum Enac de genere giganteo: quibus

comparaifon defquels ils ne paroiffoient que comme des fauterelles.

Og roi de Bafan, le dernier de la race d'Enak vivoit du temps de Moyfe. Il avoit fix à fept coudées, qui font environ dix piés. Sont lit de fer étoit long de neuf coudées.

La taille de Goliath [4] eft marquée de fix coudées & une paume, Banaïa tua un Egyptien [b] haut de cinq coudées. Saint Auguftin [c] rapporte que de fon temps il y avoit à Rome une femme d'une taille gigantefque. H dit [d] qu'il a vû la dent d'un géant, où il y avoit de la matière pour en faire cent dents ordinaires. Saint Augustin [e] a même été d'avis, que les corps des hommes avoient été diminués, à proportion que leur vie avoit été abregée.

C'étoit apparemment dans cette penfée de Saint Auguftin, d'une di minution des corps proportionnée à la diminution de la vie, qu'Henrion [f] avoit puifé l'idée d'une espéce d'échelle chronologique de la dif. férence des tailles humaines, depuis la création du monde, jusqu'à la naisfance de Jésus-Chrift. Il apporta cette échelle chronologique à l'académie des belles lettres en l'année 1718. il y affignoit à Adam cent vingt-trois piés neuf poulces de haut, & à Eve cent dix huit piés neuf poulces trois quarts, d'où il établissoit une régle de proportion entre les tailles mafcu

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