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bligations à remplir, de juftice, de bonté, d'attention fur les miniftres, plus les engagements contractés par fon ferment fe multiplient.Maisla nation n'eft pas en droit de juger de l'obfervation de ce ferment:le roi n'en eft comptable qu'à Dieu feul. C'eft fur ce principe, qui eft la base de toute véritable monarchie, que le roi [e] eft au-deffus de la nation. Il en eft des différents ordres qui compofent un état, comme de cette harmonie qui fait fubfifter le monde. La corref pondance de fes différentes parties ne peut-être maintenuë que par la proportion néceffaire pour les mettre d'accord, & cette proportion ne peut-être confervée que par la direction d'une puiffance fupréme. Le comble de la gloire & de l'autorité des fouverains confifte à être les images de Dieu. Or la justice & la fageffe de Dieu limitent fes droits Toute l'autorité législative refide dans le monarque qui a un plein pouvoir,mais ce pouvoir n'eft point arbitraire: il n'autorife pas à être injufte ou de mauvaise foi. Il ne s'agit pas de ce qui fe peut, maisde ce qui fe doit. On ne peut appeller pouvoir légitime, le pouvoir [f] de mal faire: c'eft une chofe contradic. toire qu'on puiffe avec droit violer la justice, & il n'y a aucune puiffance dont ce foit le privilége réel & raifonnable quoique quelques peuples efclaves l'attribuent à leurs fouverains. C'eft pour le bien des fujets, & non pour le plaifir

d'un homme feul ou la fatisfaction de fes caprices, que Dieu a établi le mo narque au leffus de la nation. Philippe II. roi d'Efpagne [g], un des princes des plus abfolus qui aïent régné, aïant entendu un prédicateur qui difoit en chaire, qu'un roi eft maître de la vie & des biens de fes fujets, l'obligea de fe rétracter.

Un roi qui a la plénitude de la puiffance monarchique, eft le maître [b] de la vie & des biens, parce qu'il a feul, & fans partage, l'autorité de punir ceux qui nuifent à la fociété, & d'emploïer la vie & les biens de fes fujets au fervice de l'état, & à l'avantage public. C'eft dans ce fens que nous l'appellons notre maître: cette expreffion, que la raifon & l'amour nous dictent également, n'a rien de fervile.Nous entendons que tout le pouvoir de décider de nos vies & de nos biens réfide en lui feul; mais nous n'entendons pas que nous foïons efcla ves, & que le roi foit le maître à la maniére de ces rois Orientaux ou Africains, qui font mourir leurs fujets, ou les dépouillent de leurs biens par caprice,fans caufe légitime, & feulement pour marquer leur puissance.

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Quatre conditions[Jaccompagnent, les gouvernements arbitraires. Premié rement, les fujets font nés efclaves. Secondement, on n'y pofféde rien en propriété.Troifiémement le prince a droit de difpofer à fon gré, non feulement des

[e] Barclaï, adverf.mon archomac. lib. 5. Grow. de jure belli ac pac. lib. x. cap.3. Puffend. du droit de la nature & des gens 9. liv. 7. cha 4 & 6.

[f] Gror. de jure belli ac pac. lib. 1. c. 4. [g] Le Mothe-le-Vater, de l'inftruct. de M. le Dauphin, chɩdesfinances .

[b] Non licet principibus violentia & coactione uti, nisi secundùm juffitiæ tenorem, & hoc vel contra hostes pugnan.

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auteur tombe dans des contradictions
infoutenables, & je ne prétends pas le
citer en tout.

» biens, mais de la vie de fes fujets. Qua
,, triémement il n'y a de loi que fa volon
» té. Voilà ce qu'on appelle une puiflan-
» ce arbitraire. Je ne veux pas examiner
fi elle eft licite ou illicite : il y a des peu-
» ples & de grands empires qui s'en con-
» tentent, & nous n'avons point à les in
quiéter fur la forme de leur gouverne
»ment. Il nous fuffit de dire que celle-ci
eft barbare & odieufe..... Ceft autre
chose
que le
gouvernement foit abfo-
», lu, autre chofe qu'il foit arbitraire, I
eft abfolu par rapport à la contrainte,
,, n'y aïant aucune puiffance capable de
forcer le fouverain, mais il ne s'enfuit
» pas de là que le gouvernement foit ar-
bitraire; parce qu'outre que tout eft
», foumis au jugement de Dieu, ce qui
» convient auffi au gouvernement qu'on
» vient de nommer arbitraire, c'est qu'il
» y a des loix dans les empires, contre
lefquelles tout ce qui fe fait en nul de
,, droit: & il y a toujours ouverture à re
» venir contre, ou dans d'autres occa-
fions ou dans d'autres temps. "

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Bracton jurifconfulte Anglois du treiziéme fiécle dit ken parlant de la puiffance roiale. Tours font foumis au monarque, & il n'eft foumis qu'à Dieu. La puiffance du roi eft la puissance de la loi, une puisance de justice & non d'injuftice. Le roi doit donc exercer cette puiffance comme le vicaire & le minif tre de Dieu, fur terre, car fa puiffande eft la puissance de Dieu feul. Ce même

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La nation n'est jamais en droit de recourir à la force contre fon prince légitime. Elle ne peut que fléchir le ciel & le monarque[1] par fes prières. Il no ferviroit de rien d'oppofer la maxime [m] de Pontius le Samnite, que les armes font juftes, lorfqu'elles font nécelfaires, & qu'elles deviennent néceffaires à ceux qui n'ont point d'autre efpérance de falut, n'eft jamais permis de conferver fa vie par un crime. Les Chrétiens de la primitive eglife pou voient [] fe mettre à l'abri des perfécu tions par la force des armes; mais ils fuivoient l'efprit de la religion qui eft de fouffrir plutôt que de fe venger.go

Ce n'eft pas une excuse valable pont réfifter à la volonté du roi par la force que de prétendre que le roi eft trompé ou obfédé. L'autorité du roi réfide où eft fa perfonne facrée: autrement touts les rébelles fe fonderoient fur des prétex tes de juftice, comme lorsqu'on courti fan dit au feu roi? Ceft dans le temps, fire, que nous fervions V.M, contre le cardinal Mazarin.brga.

Sidnei fait à fon ordinaire des liypothéles outrées & peu raisonnables, pour prouver que tout monarque tient fon pouvoir du peuples Il faut, dit-il, que la monarchie vienne du confentement ou de la forte. Pour l'attribuer à la forBack, stu! S`oqqul 3,

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qualefcunque tolerare. Tac.
[m] Jufta piaque funt arma, quibus ne-
ceffaria, & neceflaria quibus nulla fine at-
mis fpes eft falutis. TinLiv.lib.8.g

[n] Cui bello non idonei non prompti fuiffemus, etiam impares copiis, qui tam libenter trucidamur? fi non apud iftam difciplinam magis occidi liceret quàm occidere. Tertul, nd Scapul,

ce, il faudroit qu'un feul homme eût été plus fort que toute une nation, ou qu'il eût foumis par fa force touts les hommes de cette nation les uns après les autres. De l'impoffibilité de ces deux hypothéfes, il infére que toute monarchie vient du confentement du peuple, & que par conféquent le monarque inftitué par la nation dépend toujours d'elle. Ces raifonnements font pleins d'erreurs très fenfibles. Quand il feroit vrai que le roi auroit reçû fa puiffance du peuple,il ne s'enfuivroit point du tout qu'il fût dans la dépendance de la nation. Le commettant ne conferve des droits de supériorité qu'à l'égard d'un inférieur qu'il a inftitué,comme lorfque le peuple a nommé un député pour le repréfenter dans quelque affemblée. Mais lorsque le peuple ou des électeurs quelconques ont établi au-dessus d'eux un fupérieur, ils ne peuvent plus prétendre aucun droit fur ce fupérieur élû. Ainfi lorfque le clergé élifoit fon évêque, ou que les moines élifoient leur ab bé, l'évêque ni l'abbé n'étoient dans au cune dépendance du clergé ni des moi nies: le pape élû par les cardinaux ne dépend plus d'eux après fon election. Telle fut la réponse de l'empereur Valentinien: Il dépendoit de vous, foldats, de me choisir[e]pour votre empereur,mais depuis que vous m'avez conféré l'empi re,ce que vous me demandez ne dépend plus de votre volonté mais de la mienne. Toute obéiffance fuppofe un confentement de la part de celui qui doit obéir: mais ce confentement dans fon origine peut-être intervenu de différentes. maniéres. Formons à notre tour des hypothefes fur ces commencements obfcurs de la puiffance roïale qui ont échapé à

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l'hiftoire. Si le peuple a choifi entre plufieurs citoïens égaux quelque homme qu'il a élevé à la roïauté, il femble alors que le peuple lui a véritablement conferé la couronne: quoique dans cette fuppofition même le confentement du peuple ne devroit être regardé que comime une caufe feconde, Tinftitution de ce monarque viendroit toujours de Dieu : & il feroit également vrai de dire, que l'élection de ce roi n'aïant rien de conditionnel, le peuple ne fe feroit refervé aucun droit fur ce qu'il auroit conféré. Mais il eft peu vraifemblable que les chofes fe foient paffées ainfi dans l'origine de la plûpart des monarchies. Si au contraire le peuple aiant befoin de la protection d'un homme puissant qui feul pouvoit le défendre, s'eft engagé à lui : obeïr & à fuivre fidélement fes loix pour être garanti par lui de l'oppreffion, le peuple n'a pas conféré la puif fance qui étoit déja dans cet homme, à la force & à la juftice duquel ce peuple a eu recours. Suppofons donc pour l'origine de la roïauté un pére de famille qui par la fituation de fes terres & par le nombre de fes enfants foit en état de donner la loi à une contrée : les familles voifines aïant befoin de fa protection demandent d'être aggregées à fa famille. Cette domination naiffante s'eft étenduë par un befoin femblable des familles plus éloignées ou par droit de conquête dans une guerre jufte. Voilà un état formé par une efpéce de confentement qui n'a pas conféré à ce roi le principe de fa puiffance & l'on ne peut pas dire que ce prémier monarque tienne de la nation, ce qui au

*

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tis, in meo eft arbitrio non veftro, Sozom. hift.ecclef.lib.6.cap.6.

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contraire a engagé la nation à fe foumettre à fon autorité.

Après tout de quoi fert-il de raifon. ner fur des hypothéfes incertaines & obfcures, lorsqu'on a des maximes claires & affurées, comme celle que nous obfervons en France, que les rois ne tiennent leur puiffance que de Dieu, & que l'heritier de la couronne monte fur le thrône à l'inftant qu'il devient vacant, par le feul droit de fa naissance, fans attendre ni confentement de la nation, ni facre, ni ferment, ni proclamation, ni aucune autre formalité.

On peut connoître par l'évidence de ces principes, quelle a été l'ignorance ou plutôt la mauvaise foi de ces écrivains paffionnés qui ont fait touts leurs efforts pour répandre l'efprit de fédition, pour attaquer l'autorité légitime des rois, & la foumettre dans touts les roïaumes aux décifions du peuple ou d'un corps qui le repréfente. Ce qui eft fupprimer totalement le gouvernement monarchique le plus ancien & le plus naturel de touts, & réduire toute forme de gouvernement à la Démocratie. Le fçavant Conringius parlant [p] d'un ju rifconfulte Allemand, qui faifoit réfider dans le peuple la fouveraineté de touts les états, dit que ce principe eft pernicieux,& propre à repandre le trouble & le défordre dans l'univers. Ce qui eft prouvé inconteftablement par touts les illuftres défenfeurs de l'autorité roïale, Saumaife, Barclai, Grotius, Bignon, Boffuet & autres.

Tom. II.

[P] Fundamentum doctrinæ fuæ politica collocat in eo quod fumma reïpublicæ cujufvis jure fit penes populum: qui error peftilens eft,& turbando orbi aptus. [q] Junii Bruti vindicia. Hotomanni Franco-Gallia. Sidnei, du gouvernement. [r] Eudes, grand-oncle paternel de Hugues Caper, eft mis par touts les hiftoriens an nombre de rois de France. L'abbé d'Urfperg

Parmi les auteurs ennemis de la roiau. té, il s'en eft trouvé d'affez inconfidérés [9] pour foutenir contre touts les témoignages de l'hiftoire & touts les prin. cipes du droit public, que la couronne de France eft élective, & que la fouveraineté y réside dans les états généraux. Pour repandre la prémiére de ces erreurs ces auteurs fe fondent fur les deux changements des races roïales arrivés lors de l'avenement de Pepin & de Hugues Capet à la couronne. Mais ces exemples confirment cette grande vérité que nos monarques font uniquement inftitués par la grace de Dieu.

Quand Pepin & Hugues Capet font montés fur le thrône, la néceffité des conjonctures, c'eft à dire, la providence divine les y a placés. Les deux familles régnantes avoient perdu leurs droits par une lâche oifiveté continuée pendant plufieurs générations. Les victoires de Charles Martel, la réputation de Pepin,l'imbécillité de Childeric Ill.furnommé l'infenfé, furent les caufes fecondes qui contribuérent au falut & à la gloire de la France, & au rétablissement de l'empire d'Occident qui arriva peu de temps après. Hugues Capet fe trouva dans des circonftances encore plus favorables. Son grand pére [r] & fon grand oncle paternels avoient été rois. Les derniers princes Garlovingiens avoient joint une grande foibleffe au défaut de leur naiffance: car depuis Charles le gras [s] on regardoit la postérité légitime de Charlemagne comme éteinV

Flodoard rapportent que Robert, frére d'Eudes & grand-père d'Hugues Capét, fur auffi couronné roi. Hugues, furnommé le grand, le blanc, ou l'abbé, fils de Robert

le titre.

pére de Hugues Capet, fur plus puissant que les rois de fon temps, quoiqu'il n'en por tat pas [] M. l'abbé le Grand,traité de la fucceffion à la couronne,

te. Charles dernier des Carlovingiens en faifant hommage de la Lorraine à l'empereur étoit devenu odieux à la nation, il s'étoit rendu étranger, & s'étoit privé ainfi lui-même du droit de fuccé. der à la couronne, le principal motif de la loi falique étant d'exclurre les étrangers. Ces raifons accumulées ensemble furent encore fortifiées par la puiflance de Hugues, qui étant duc de France, & Comte d'Anjou & de Paris, étoit feul capable de foutenir la majesté roïale par les grands domaines qu'il poffédoit. Les changements des deux races n'ont donc point été les effets d'une élection libre & gratuite du peuple, mais les cffets de la néceffité. Il ne fe fit [1] alors que des réunions du titre de roi à la puiffance roïale, qui étoit depuis cent ans dans les familles de Pepin & de Hu. gues. Si l'on en croit quelques [#] hi

Poft cujus Caroli Craffi mortem regna quæ ejus ditioni paruerunt, veluti legitimo deftituta herede, in partes à fuâ compage refolvuntur. Rhegino.

[t] Mézerai, à la fin du régne de Childé ric III. & de Louis V. & au commencement du régne de Pepin, de Hugues Capet.

[u] Bayle, républ. des lettres. Décembre 1689. art. 5.

[x] Les hiftoriens & les généalogiftes font de différents avis fur la maison dont Hugues Capes étoit forti. Ses aieux font très affurés jufqu'à Robert le fort, qui fut duc ou comte d'Anjou, & chargé de défendre tout le pais d'entre Seine & Loire, des invafions des Normands. Rhéginon fur l'année 861. dit que dans un parlement tenu à Compiégne, Charles le chauve chargea Robert de défendre contre les Bretons, le duché entre Scine & Loire.

Carolus placitum in Compendio habuit: ibique cum optimatum confilio, Roberto comiti ducatum inter Ligerim & Sequanam adversùs Britones commendavit quem cum ingenti induftriâ per aliquod tempus rexit.

Sigebert Othon de Frifingue l'appellent le fort marquis. Fortem marchionem.

Rheginon rapporte ainfi fa mort: Rutber

ftoriens, Hugues Capet avoit deux titres inconteftables, outre la néceflité du bien public, le plus fort de touts. Le prémier eft un teftament de Louis V. par lequel ce prince déclaroit Charles duc de Lorraine fon oncle déchû des prétentions qu'il eût pû avoir à la couronne, parce qu'il s'étoit rendu ennemi de l'état, & qu'il avoit été déclaré tel par Lothaire & par tout fon confeil huit ou neufans auparavant:ordonnant qu'à fa place on regardât Hugues Capet comme fon héritier légitime. Le fecond titre étoit celui de fa naiffance; Hugues Capet étant du fang roïal, & defcendu tant du côté paternel que maternel de Pepin le grand père de Charles Martel, de forte que la couronne [x] ne fit en lui que changer de branche.

Quoi qu'il en foit de ces deux changements de races, quelle force ont au

tus abfque loricâ & galeâ accurrens, cùm incautiùs dimicaret, inimicos ultrà infequeretur, interfectus eft in introitu ipfius ecclefiæ.

Adon, évêque de Vienne, en fa chronique fur l'an 866. dit que Robert fut tué par les Normands.

Robert le fort, felon les uns, étoit iu par máles de la maifon Carlovingienne, & defcendoit de Childebrand, frére de Charles Martel. D'autres rapportent l'origine de Robert à Vitikind, prince des Saxons. Cette opinion semble prévaloir aujourd'hui. L'abbé d'Urfperg le dit fils de Vitiind, parti de Germanie. Aimoin & Yves de Chartres, epift. 70. l'appellent, Saxonici generis virum

Aucune maifon ne fut jamais comparable à la maison de France pour l'ancienneté, & encore moins à confidérer le grand nombre de héros qu'elle a produits. Elle compte 36. rois du premier roïaume de l'univers, 4. empereurs d'Orient, 25. rois de Portugal, 12. rois de Sicile, 5. rois de Hongrie, 2 rois de Pologne, 8. rois de Navarre, 2. rois d'Espagne & des Indes, un duc de Florence & de Parme, 4.ducs de Bourgogne, fouverains des Pais-Bas, 3. ducs de Lorraine, 12. ducs de Bretagne i ce qui fait beaucoup plus de ceno souverains,

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